T.O. 18
Dimanche - Multiplier les pains divers !
Chaque Evangéliste a sa manière
propre de nous présenter Notre-Seigneur !
St Matthieu dont nous parcourons
l'Evangile durant cette année, a vu en Jésus Christ, Fils de Dieu incarné,
d'abord un Maître, dont l'enseignement
- "la Bonne Nouvelle du Royaume des Cieux" -, devait nous
apporter le salut. Aussi, dès le début de son Evangile, Jésus
enseignait les foules. Mais elles "entendaient
sans entendre", elles n'écoutèrent pas le message de ce divin Maître.
C'est pourquoi, dira Jésus lui-même,
il parlait par des paraboles afin que celui qui a des oreilles entende
la Parole, la comprenne et porte du fruit en abondance. Mais cette manière ne
fut pas suffisante non plus !
Aussi, avant de nous donner, en
Croix, le suprême témoignage de son amour pour nous, Jésus accomplit de
nombreux miracles (des
signes, dira St Jean)
pour convaincre ceux qui les voyaient : "si
vous ne croyez pas ma Parole, croyez pourtant à cause de mes œuvres" (Jn 14.11). Et l'une des
principales œuvres du Seigneur, l'un de ses principaux miracles fut la multiplication
des pains.
Comment doit-on considérer
actuellement ce geste du Seigneur, comment peut-il motiver notre foi ? Si nous
rejetons l'enseignement de Jésus, c'est que, nous aussi, nous ne savons pas
reconnaître ce signe qu'il a accompli ; signe important et pour notre vie
naturelle et pour notre vie surnaturelle.
D’abord, nous oublions trop que
c'est Dieu qui nous donne notre pain de chaque jour ; souvent pourtant,
nous le lui demandons dans la prière que Jésus nous a apprise lui-même : "Donne-nous aujourd'hui le pain de ce
jour". Et s'il est bon d'admirer les merveilleux miracles que Jésus a
accomplis autrefois, ne serait-il pas juste de le louer pour celui qu'il
accomplit toujours en nous donnant le fruit de la terre, œuvre de ses mains : "Tu es béni, Dieu de l'Univers, toi que
nous donnes ce pain, fruit de la terre". Une formule juive qui a
trouvé sa place en la prière de notre offertoire eucharistique.
Si Dieu a parfois donné aux hommes
de façon spectaculaire la nourriture pour leur corps - telle la manne que Dieu
donna aux Hébreux, tel le pain que Jésus multiplia - c'est pour que nous reconnaissions
sa prodigalité envers nous, manifestée dans toute la création.
St Augustin dira magnifiquement : A
cause de la régularité avec laquelle Dieu nous donne toutes les richesses de sa
création, nous perdons et admiration, et reconnaissance et action de grâce ! "Mais, parce que les hommes, soucieux
d'autres choses, cessent de contempler les œuvres du Seigneur, Dieu se réserve,
en quelque sorte, d'accomplir parfois des choses extraordinaires afin de
réveiller ceux qui semblent dormir. Un mort est ressuscité, les hommes sont
étonnés, alors qu'il y tant de naissances chaque jour et personne ne s'en
étonne ! Pourtant, à y regarder de plus près, il y a plus grand miracle à faire
exister ce qui n'était pas qu'à faire revivre celui qui existait !".
Il nous faut donc admirer ce que
Dieu nous donne régulièrement à chaque instant et en rendre grâce ! Tel est le
sens, par exemple, d’une prière avant un repas… On l'oublie si facilement
! Dans la mentalité biblique, prendre un repas sans rendre grâce, c'est un vol
!
Oui, trop souvent, nous oublions,
nous manquons de reconnaissance, nous ne rendons pas grâce ! Alors - et
c’est significatif - Jésus nous entraîne au désert : "Il partit pour un endroit désert
!", comme lui-même, avant sa vie publique, fut conduit par l’Esprit au
désert. Et là, il eut faim, comme le peuple d’Israël eut faim au désert
lorsqu’il cheminait vers la Terre promise. Et que ne fait-on pas pour
satisfaire cette faim ? Satan le sait, lui qui poussa le peuple de Dieu affamé
à se révolter, lui qui tenta le Fils même de Dieu : “Ordonne que ces pierres deviennent des pains !”.
Mais le désert, s’il est lieu de
tentation, est aussi le lieu où Dieu parle et se fait entendre plus facilement.
Le prophète Amos le souligne lapidairement en utilisant l’assonance des mots
pour mieux mémoriser : “mitbar
dibarti” : au désert, je parlerai”. Oui, lorsque notre existence est
si facilement encombrée de tous les divers vacarmes du monde qui nous entoure,
il est bon que Jésus nous pousse dans un “endroit
désert” - “Au désert, je parlerai” -.
Et quand le Seigneur parle, c’est le
miracle, comme l’on dit :
- le peuple vit la manne tomber du
ciel.
- Jésus fut servi par des anges
- et, dans l’épisode de notre évangile,
c’est la multiplication des pains !
Il faut encore bien remarquer :
Dieu, veut associer les hommes eux-mêmes, les bénéficiaires de ses dons, à cette
prodigalité : "Donnez leur
vous-mêmes à manger", dit Jésus à ses Apôtres. Ainsi tout chrétien
devient comptable de la faim des hommes, responsable de leur pain quotidien. Je
ne veux pas m'étendre sur cet aspect social, si important cependant. Souvent
les derniers papes ont rappelé qu'il appartient à tout chrétien, par sa libre
initiative, de pénétrer d'esprit évangélique la mentalité et les mœurs de notre
temps, les lois et les structures de leur communauté de vie, pour résoudre ce
problème.
Mais, par ce récit de la
multiplication des pains, il faut encore aller plus loin ! Car "l'homme ne vit pas seulement de pain,
mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu". Et le lien entre
"pain" et "parole" est suffisamment attesté par tout
l'Ancien Testament pour qu'il n'apparaisse pas sous-jacent à notre texte. Amos
en particulier parle de la faim et de la soif des jours à venir : faim et
soif ni de pain, ni d'eau, mais "d'entendre
la Parole de Dieu" (8.11sv). Ainsi, Jésus, comme les Prophètes
d'autrefois, par ce miracle, veut faire comprendre que sa Parole vient de Dieu,
qu'il est la Parole-même de Dieu, qu'il faut s'en pénétrer, s'en nourrir.
Mais comment participer au repas de
Jésus ? Comment accueillir son Pain pour recevoir du même coup sa Parole ?
- Les Juifs ne le comprirent pas, eux qui préfèrent leur volonté tout humaine à
celle de Dieu. "Vous refusez la
Parole de Dieu au nom de vos habitudes", leur reprochera un jour Jésus
(15.6). Et de fait, même
s'ils ont mangé le pain qui n'était qu'un signe, ils ont rejeté le signifié :
ils ont rejeté la Parole de Jésus ; ils ont rejeté Jésus lui-même.
Et la même question nous est posée,
à nous aussi, et plus clairement encore. Car le "Verbe de Dieu", la "Parole
de Dieu" s'est non seulement fait chair par l'Incarnation, mais s'est fait
également "Pain de vie", Pain de nos âmes par l'Eucharistie.
Et St Matthieu, dans son récit, nous le fait comprendre puisqu'il reprend, pour
décrire le geste accompli par Jésus sur le pain qu'il allait faire distribuer à
la foule, la phrase du rite eucharistique : "Jésus
prit le Pain, le bénit, le rompit, et le donna à ses disciples".
Derrière ce miracle de Jésus
apparaît donc la question essentielle : croire en Jésus,
- croire que Dieu peut nourrir vraiment
les hommes affamés et souvent par notre intermédiaire;
- croire qu'il peut les nourrir par sa
Parole, sa Parole de Vérité, de vie,
- croire enfin, démarche ultime et prélude
à l'union du ciel, qu'il peut les nourrir efficacement, combler leurs désirs,
en les associant à son mystère pascal : Corps immolé, sang versé par
amour, mais désormais Corps ressuscité et glorieux, ce que signifie et
actualise toute Eucharistie.
Finalement, ce récit de St Matthieu nous
amène à une triple question à laquelle nous devons répondre :
- croyons-nous en Dieu Créateur qui nous
donne le pain matériel dont nos corps ont besoin, c'est-à-dire qu'il nous donne
les biens de 1'univers, de tout ce qu'il a créé pour nous ?
- croyons-nous en Jésus, Parole de Dieu,
Verbe de Dieu incarné ? Non seulement y croyons-nous, mais sommes nous prêts à
communier à cette Parole en l'accomplissant ?
- enfin croyons-nous en Jésus, Pain Vivant
de nos âmes, qui déjà veut s'unir vitalement à nous, prélude de l'union
éternelle du Ciel ?
Oui, croyons-nous vraiment ? A chacun
de répondre !
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