lundi 1 août 2011

Marche d'espérance

T.O. 18 Lundi 11/A -

Il faut lire, me semble-t-il, le verset qui précède notre lecture. Il est à la fois amusant et instructif : “Il y avait parmi eux (parmi le peuple) un ramassis de gens qui furent saisis de convoitise“. En mot-à-mot : “Le ramassis désire de désir“. Chouraqui traduit curieusement mais habillement : il “appète d’appétit“ : il a faim de viande succulente !

Ce “ramassis“ était déjà signalé lors de la sortie d’Egypte : “Tout un ramassis de gens monta avec eux (avec le peuple) avec petit et gros bétail en lourds troupeaux“ (Ex. 12.3). - Il est très probable qu’une certaine population avait profité du départ des Hébreux pour se soustraire à Pharaon !
- Des étrangers - des “étrangers profiteurs“ évidemment - que l’on n’a pas pu chasser eux et leurs “lourds troupeaux“. C’est de tous les temps, n’est-ce pas ?
- Alors, vous comprenez, avec leurs “lourds troupeaux“, ils ralentissaient la marche du peuple élu… Ce sont toujours les étrangers qui sont causes d’ennuis économiques, politiques, moraux… Des empêcheurs d’avancer !
- Bien plus, les mécontents, ce sont toujours eux, ces étrangers, ce ramassis ; Ils râlent toujours… Et ils entraînent le peuple dans leur mécontentement…
- Mais il faut le reconnaître quand même : ils n’ont pas tout-à-fait tort ! La manne ! Un don du ciel, c’est vrai ! Mais enfin : huit jours, oui ! Quinze jours, ça passe encore ! Mais au bout d’un certain temps, vous comprenez, on n’en peut plus, on n’en veut plus. On pourrait quand même changer de menu ! Avoir quelque chose de plus consistant ! Ah ! La bonne viande succulente d’Egypte ! - Vous pourrez faire les applications qui vous semblent bonnes… Mais, pour certains, l’habitude…, ça ne nourrit pas toujours, n’est-ce pas ? Alors, il faut changer un peu ! Il faut comprendre, n’est-ce pas ?

Par ailleurs, on m’a fait remarquer une étrange symétrie entre les récits avant la montagne du Sinaï (avant l’Alliance) et les récits après la Montagne !
- Il y a révoltes avant la Montagne ;
Et il y a révoltes après la Montagne
- Avant, il y a l’histoire de la manne : et Dieu réapprend au peuple le bon usage de la Création dans l’action de grâce ; et aussi le partage !
Et après la montagne, il y a l’histoire des cailles - la viande que Dieu envoie -! A ce propos, il faut un peu se méfier de ce que l’on demande quand on prie pour soi. Parce qu’on risque d’être trop exaucé ! Les cailles furent si nombreuses que ce fut l’occasion d’une grande bouffe - “la grande bouffe“ - et beaucoup moururent d’indigestion sans doute ! Aussi on appela le lieu “Qivroth-Taawa : tombes de la concupiscence !
- Avant la Montagne, il y a l’histoire des “eaux amères“, à Mériba !
Et après la montagne, il y a à peu près la même histoire, en un lieu de même nom, mais à un autre endroit, selon le Deutéronome.
- Avant la Montagne, il y a Jethro qui aide Moïse à structurer le peuple !
Et après la Montagne, le peuple a besoin d’une autre structuration. Mais celle-là vient de l’Esprit du Seigneur. Une “Pentecôte“ avant la lettre ! Plus tard, l’histoire de Pierre à Césarée le rappellera que si l’Esprit est à l’origine de l’Institution, il n’en est pas pour autant le prisonnier. Il se réserve la possibilité de stimuler l’Institution par des interventions imprévues (comme Vatican II, sans doute).

Bref, il y a une symétrie entre les événements avant l’Alliance et ceux après l’Alliance. Que peut-on en conclure ? On pourrait dire : il y a des événements avant la conversion (Alliance avec Dieu) et des événements semblables après la conversion ! Comme pour faire comprendre que la conversion touche d’abord la volonté, le cœur (“Je vous donnerai un cœur neuf“ – Ez 36.26) de façon catégorique, mais ne touche pas obligatoirement toute l’intelligence. Généralement, il faut du temps pour vraiment comprendre ; il faut le reconnaître humblement ! J’ai connu des soixante-huitards avant leur conversion ; et après leur conversion absolument profonde et sincère, ils sont restés soixante-huitards ! Et on pourrait en dire autant pour d’autres catégories de personnes ! Il faut souvent du temps à notre intelligence, aidée fortement de l’Esprit-Saint, pour appréhender Dieu à travers tout ce que nous vivons (intus-legere : lire à l’intérieur). La vie monastique est conçue pour cela, toute la vie étant un noviciat en vue de l’Alliance définitive avec Dieu !

Enfin, il y a encore une remarque à faire, et d’importance : à propos du découragement de Moïse : “Je ne puis, à moi seul, porter tout ce peuple : c’est un fardeau trop lourd pour moi. Fais-moi plutôt mourir !“. Tous les prophètes, tôt ou tard, ont poussé ce cri : Elie (I Reg 19.4), Job (7.15), Jonas (4.5,8) : “mieux vaut mourir que vivre !“. Mais nous le savons : Si Dieu a été dans le passé avec nous, il le sera dans l’avenir ! “Moins il y a d’espérance de votre côté, disait Bossuet, plus il faut espérer du côté de Dieu !“. Oui, il y a l’espérance, cette “petite fille de rien du tout… qui s’avance entre ses deux grandes sœurs (la foi et la charité). On ne prend pas garde à elle, mais c’est elle, cette petite qui entraîne tout !“ (Péguy). N’oublions pas : "Nous avons mis notre espérance dans le Dieu vivant" (1 Tm 4, 10).

Aussi : « Que le Dieu de l'Espérance vous donne en plénitude, à vous qui croyez, la joie et la paix, afin que vous débordiez d'espérance par la puissance de l'Esprit Saint. » (Rm 15, 13)

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