vendredi 5 août 2011

Transfiguration

6 Août 2011

Si la confession de Pierre à Césarée qui précède l’épisode de notre évangile d’aujourd’hui (selon St Matthieu) est l’un des sommets de la vie du Seigneur puisque Pierre - un homme - proclame Jésus “Fils de Dieu”, le récit de la Transfiguration est encore plus important ; car là, c’est le Père en personne qui le reconnaît comme tel.

Dans cette lecture nous est enseigné, en effet, tout le mystère d’un Dieu fait homme. “Dans l’éclat glorieux d’un instant nous est manifesté ce à quoi avait droit, dès l’Incarnation, Notre Seigneur, ce dont il se dépouillait volontairement, pour remplir sa mission de Rédempteur” (Dom Delatte).
Bien sûr, Jésus conservait en son âme cette gloire qui lui revenait en tant que Dieu ; mais elle ne rejaillissait pas sur son corps. Par amour et libre choix, il s’était dépouillé de cette richesse de gloire qui aurait dû, normalement, resplendir sur toute sa personne. “Lui qui était de condition divine, dira St Paul, il s’est anéanti en prenant la condition d’un homme“ (Phil. 2.6sv). Volontairement, en choisissant l’anéantissement, Jésus a “caché” sa divinité !
Aussi, St François de Sales avait raison de dire que le mystère de la Transfiguration ne fut pas un miracle, mais plutôt “une cessation de miracle”, de ce miracle qui consistait dans “la suspension et la mortification de la gloire du Christ” en tant que Dieu (Bérulle).

Oui, Jésus est vraiment le “Fils de Dieu” : “Celui-ci est mon Fils bien-aimé”. Il est vraiment Dieu. Et tel apparaît-il lors de la Transfiguration.
Aussi, bien des éléments de cette scène veulent traduire, dans le langage traditionnel de la Bible, cette présence de Dieu auprès des hommes : la mention de la montagne, lieu traditionnel de la rencontre avec Dieu, celle de la nuée à travers laquelle Dieu se manifestait souvent aux Hébreux, celle de la lumière, rayons de la gloire divine, comme au Sinaï. St Jean dira plus tard que le Christ, “Lumière née de la Lumière”, est venu pour éclairer tout homme vivant dans les ténèbres (Cf Jn 1.4sv).

Et les apôtres, ces hommes qui cherchaient la face de Dieu, sont rassasiés par cette Lumière de Gloire qui émanait du visage de Jésus. Ils en garderont un souvenir inoubliable. St Pierre écrira plus tard : “Nous avons été les témoins oculaires de sa Grandeur ; car il reçut de Dieu le Père, honneur et gloire quand se fit entendre cette voix : ‘Celui-ci est mon Fils bien-aimé’. Nous-mêmes avons entendu cette voix venant du ciel quand nous étions avec lui sur la montagne sainte” (2 Pet 16-18). Et St Jean affirmera de son côté : “Nous avons contemplé sa gloire, gloire que, Fils unique plein de grâce et de vérité, il tient du Père” (Jn 1.14).

Jésus manifesta donc sa gloire à ses disciples. Déjà, St Jean en parlant du premier miracle de Jésus à Cana, avait noté : “Il manifesta sa gloire et ses disciples crurent en lui” (Jn 2.11). - A la Transfiguration comme à Cana, ces manifestations de gloire, chacune à sa manière, sont destinées à affermir la foi des disciples. C’est la foi qui conduit à la vision de la gloire divine. Voilà l’enseignement important qui nous est transmis. “Si tu crois, dira Jésus à Marthe avant la résurrection de Lazare, tu verras la gloire de Dieu”.

La foi est donc le germe de la gloire. La foi ! Oui, parce qu’il faut croire que le grain de blé doit être mis en terre et mourir pour porter son fruit. Nous voilà remis au centre même de l’objet de notre foi : le mystère pascal de mort et de vie que notre intelligence humaine ne peut appréhender en sa totalité.
Pour le Christ - et de même pour nous, chrétiens -, l’insatisfaction, l’humiliation et parfois la souffrance de notre condition humaine doivent être assumées pour parvenir à la gloire divine. Jésus aura même l’audace d’affirmer que l’heure de sa passion est déjà l’heure de sa gloire. “L’heure est venue, dira-t-il juste avant sa Passion, où le Fils de l’homme doit être glorifié” (Jn 12.23). Comme Jésus glorifie son Père en s’offrant à lui jusqu’à la mort, ainsi le Père va-t-il glorifié son Fils par la Résurrection (Id. 12.28).

La croix et la gloire sont les deux faces d’un unique mystère : Pâques. Et la Transfiguration, en faisant entrevoir quelque chose de la gloire de Jésus, doit préparer les apôtres au scandale de la croix, afin que leur foi ne défaille pas au moment où, dans cette épreuve, ils seront “secoués dans un crible, avait prédit Jésus, comme on fait pour le blé !“ (Lc 22/31)
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Quelle leçon pour notre propre foi ! “Que le Christ soit glorifié prouve sa divinité, dira le pape St Léon. Qu’il doive souffrir prouve son humanité”. C’est ce que tous, à la suite des apôtres, nous devons comprendre. Car si le mystère de la Transfiguration de Notre Seigneur devait affermir la foi des apôtres, il doit fonder aussi notre espérance, l’espérance de toute l’Eglise. Car cet épisode de la Transfiguration manifeste de quelle transformation tout le Corps du Christ doit être gratifié : désormais, nous pouvons espérer avoir part à la gloire qui a resplendi en Jésus, le jour où se réalisera pour nous également “notre transfiguration”.
Comme les trois apôtres, contemplons, nous aussi, la gloire de Dieu qui transparaît sur le visage du Christ. Jésus lui-même l’a dit : “Père, ceux que tu m’as donnés, je veux que là où je suis, ils y soient aussi avec moi, afin qu’ils contemplent la gloire que tu m’as donnée” (Jn 17.22.24).

Mais pour voir la lumière divine, il faut une certaine “accommodation”, non pas optique, mais de tout notre être, il faut une nouvelle “naissance” : “nul, s’il ne naît d’eau et d’esprit, dit Jésus à Nicodème, ne peut entrer dans le Royaume de Dieu” (Jn 3.3).

Ainsi, Jésus a voulu nous donner dans sa Transfiguration le signe de cette “régénération” que nous devons opérer. Car avant d’être “transfigurés” avec le Christ, une “configuration” avec lui est nécessaire ; et elle ne s’opère que dans et par la foi. Pour voir Dieu, “Père des Lumières” (I Jac 1/17), lui qui “habite une lumière inaccessible” (I Tim 6/18), il faut que nous devenions “des fils de lumière” (Lc 16/8), “que nous soyons transformés en son image, de clarté en clarté par son Esprit” (II Cor 3/18). Mais cette transfiguration ne s’accomplira pas sans une purification ; Jésus l’accorde à ceux qui le suivent en son mystère pascal. Il faut que nous comprenions qu’au milieu des épreuves de la vie présente, - et tous, nous en avons -, nous devons solliciter la grâce de les supporter avec constance, avant d’obtenir la gloire divine. “Mais quand le Christ, notre vie, apparaîtra au grand jour, alors nous aussi, nous apparaîtrons avec lui dans la gloire“ (I Cor 3/4).

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