dimanche 31 juillet 2011

Les pains de Dieu

18ème Dimanche du T.O. 11/A -

Chaque évangéliste a sa manière propre de nous présenter Notre Seigneur. St Matthieu dont nous parcourons l’évangile durant cette année a vu en Jésus Christ, Fils de Dieu incarné, d’abord un MAITRE - nouveau Moïse - dont l’enseignement - la “Bonne Nouvelle du Royaume des cieux“ - devait nous apporter le salut, un salut plus grand que celui de la traversée de la mer rouge !

Ainsi, dès le début de l’évangile selon Matthieu, Jésus enseignait les foules. Mais “elles entendaient sans entendre“ (Mth 13.13sv) ; elles n’écoutèrent pas le message de ce divin Maître !

Aussi parla-t-il en paraboles afin que celui qui a des oreilles entende la parole, la comprenne et porte du fruit en abondance (id. 13). Mais cette manière ne fut pas suffisante non plus.

Enfin, avant de nous donner en croix le suprême témoignage de son amour pour les hommes, Jésus accomplit de nombreux miracles pour convaincre ceux qui les voyaient : “Si vous ne croyez pas mes paroles, croyez pourtant à cause de mes œuvres“ (Jn 14.11). Et l’une de ces principales œuvres du Seigneur, de ces principaux miracles fut la multiplication des pains. C’est le “Signe“ par excellence ! Un Signe qui prend son origine dans manne donnée par Dieu dans le désert, qui annonce le dernier repas du Seigneur le Jeudi-Saint lequel se poursuit jusque dans nos Eucharisties !

Comment doit-on considérer actuellement ce geste, ce “signe“ du Seigneur, comment peut-il motiver notre foi ? Si nous rejetons - plus ou moins, certes - l’enseignement de Jésus, c’est que, nous aussi, nous ne savons pas reconnaître ce “Signe“ qu’il a accompli, “Signe“ important et pour notre vie naturelle et pour notre vie surnaturelle.

Pour notre vie naturelle ! Car nous oublions trop, en effet, que c’est Dieu qui nous donne notre pain de chaque jour ; souvent pourtant, nous le lui demandons dans la prière que le Seigneur nous a apprise lui-même : “Donne-nous aujourd’hui le pain de ce jour !“. Et s’il est bon d’admirer les merveilleux miracles que Jésus Christ a accompli autrefois, ne serait-il pas juste de le louer pour celui qu’il accomplit toujours en nous donnant les fruits de la terre, œuvre de nos mains : “Tu es béni, Dieu de l’Univers, toi qui nous donne ce pain, fruit de la terre… !“ La louange, l’action de grâces (eucharistein, en grec), c’est le geste naturel de la reconnaissance ! Si Dieu a parfois donné aux hommes de façon spectaculaire la nourriture pour leur corps - telle la manne et les cailles aux Hébreux dans le désert -, tel le pain que Jésus multiplie -, c’est pour que nous sachions reconnaître sa prodigalité envers nous manifestée dans toute la création.

Nous l’oublions trop souvent. St Augustin le notait - avec esprit - à propos du miracle de l’eau changée en vin, à Cana. Ce premier signe du Seigneur, prévient-il, n’avait pourtant rien d’étonnant. Car “de même que l’eau a été changée en vin par l’action du Seigneur, de même l’eau qui tombe des nuages est changée en vin (dans les vignes) par le même Seigneur ! Mais ce dernier prodige ne nous étonne pas parce qu'il se renouvelle tous les ans : A cause de sa régularité, il a perdu notre admiration (reconnaissante). Et pourtant, si nous considérions avec attention tout ce que Dieu fait dans tout l’univers, notre esprit resterait saisi d’émerveillement ! Mais, parce que les hommes, soucieux d’autres choses, cessent de contempler les œuvres du Créateur, Dieu se réserve, en quelque sorte, d'accomplir des œuvres extraordinaires afin de réveiller ceux qui semblent dormir (c’est parfois notre cas !). Un mort est ressuscité, les hommes sont étonnés ; alors qu’il y a tant de naissances chaque jour, et personne ne s'en étonne ! Pourtant, si nous y regardions de plus près, il y a plus grand miracle à faire exister celui qui n'était pas qu’à faire revivre celui qui existait“. Cela dit avec humour ; mais cela dit en vérité !

De plus, Dieu veut associer les hommes eux-mêmes, les bénéficiaires de ses dons, à ses prodigalités. “Donnez-leur vous-mêmes à manger“, dit Jésus à ses apôtres. Aussi, tout chrétien devient comptable de la faim des hommes, du pain à ceux qui en manquent. Je ne voudrais pas m’étendre sur cet aspect social, si important cependant et toujours - malheureusement - si actuel (Somalie). Souvent les derniers papes ont rappelé qu’il appartient à tout chrétien, par sa libre initiative, de pénétrer d’esprit évangélique la mentalité et les mœurs, les lois et les structures de leur communauté de vie, pour résoudre ce problème !

Mais, par ce récit de la multiplication des pains, il faut, bien sûr, aller plus loin, car “l’homme ne vit pas seulement de pain, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu“ (Mth 4.4). Et le lien entre “pain“ et “parole“ était suffisamment attesté par tout l’Ancien Testament pour qu’il n’apparaisse pas sous-jacent à notre texte. Amos en particulier - le terrible Amos - parle de la faim et de la soif des jours à venir : faim et soif ni de pain ni d’eau, mais “d’entendre la Parole de Dieu“ (Am. 8.11sv). Ce à quoi le prophète Isaïe, quelques années plus tard, répond au nom de Dieu, comme nous l'avons entendu : "Vous qui avez soif, venez... Venez à moi ! Ecoutez et vous vivrez !" (première lecture) : – Ainsi Jésus, comme les prophètes d’autrefois, par ce miracle, veut faire comprendre que sa parole vient de Dieu, qu’il est la “Parole“ même de Dieu, qu’il faut s’en pénétrer, s’en nourrir.

Mais comment participer au repas de Jésus ? Comment accueillir son pain pour recevoir du même coup sa Parole, le recevoir ? - Les Juifs ne le comprirent pas, eux qui préférèrent leur propre parole, leur volonté tout humaine à celle de Dieu ? “Vous refusez la parole de Dieu au nom de vos habitudes“, leur reprochera un jour Jésus (Mth 15.6). Et, de fait, même s’ils ont mangé le pain qui n’était qu’un signe, ils ont rejeté le signifié : ils ont rejeté la parole de Jésus ; ils ont rejeté Jésus lui-même, Verbe de Dieu fait chair ! Parole nourrissante ! Parole de vie !

Et la même question nous est posée, à nous aussi, et plus clairement encore, car le Verbe de Dieu, la Parole de Dieu s’est non seulement fait chair par l’Incarnation, mais s’est fait également pain de vie, pain de nos âmes par l’Eucharistie. Et St Matthieu, dans son récit, nous le fait comprendre puisqu’il reprend, pour décrire le geste accompli par Jésus sur le pain qu’il allait faire distribuer aux foules, la phrase du rite eucharistique : “Jésus prit le pain, le bénit, le rompit et le donna à ses disciples“.

Derrière le miracle de Jésus apparaît donc le problème essentiel :
- croire en Jésus, croire que Jésus peut nourrir vraiment les hommes affamés ;
- croire qu’il peut les nourrir par sa parole, sa parole de vérité, de vie,
- avant de croire enfin - démarche ultime et prélude à l’union au ciel -, qu’il peut les nourrir efficacement, combler leurs désirs, en les associant au mystère de son corps immolé, de son sang versé : en les nourrissant de son Eucharistie !


Et ainsi réconfortés, comme Elie autrefois, par le Pain qui vient du ciel, nous pourrons nous écrier : "Qui pourra nous séparer de l'amour du Christ ? ... Rien ne pourra nous séparer de l'amour de Dieu qui est en Jésus Christ Notre Seigneur".

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