dimanche 21 août 2011

Pierre, Grand-Prêtre de l'Eglise

21ème Dimanche 11/A -

Aujourd'hui, St Matthieu nous entraîne près des sources du Jourdain, vers cette ville que Philippe, l’un des fils d’Hérode, avait fondée en l’honneur de l’empereur ; c’était Césarée de Philippe. Aujourd’hui, elle a retrouvé son nom d’origine, Banias, ainsi dénommée naguère en l’honneur du dieu Pan, ce dieu musicien qui, parmi les roseaux des lacs, choisissait le bois de ses flutes tout en effrayant les nymphes des environs qui s’enfuyaient prises de peur panique ! Mais ce lieu de légendes païennes était, dit Flavius Jospèphe, “un endroit grandiose, ultime contrefort de l’Hermon qui culmine à près de 3.000 mètres, où d’une falaise volcanique rouge-feu jaillit, au milieu des eucalyptus et figuiers, des fleurs et arbustes agréablement odorants“, ce fleuve dont le nom “Jourdain“ veut dire “descendre“ (Yarden). Il dévale en effet jusqu’au point le plus bas du globe, la mer morte (- 400 m) comme pour la purifier, l’assainir, entraînant en ses eaux les bienfaits de Dieu-Créateur.

C’est dans ces eaux descendantes que Jésus a voulu se faire baptiser par Jean, son précurseur, afin de prophétiser, Lui, les bienfaits de Dieu-Rédempteur : Lui, de condition divine, écrira St Paul, il s’est abaissé, il est descendu, devenant semblable aux hommes. C’est pourquoi Dieu l’a relevé, lui conférant le Nom qui est au-dessus de tout nom. Il est remonté, nous entraînant, régénérés par les eaux du baptême, dans la gloire de son Père ! (Cf. Phil 2.6sv).

Aussi, cet immense bienfait de l’Alliance en la Gloire divine, Jésus veut déjà le transmettre pour la suite des siècles, en cet endroit majestueux des sources du Jourdain !

Il est entouré de ses disciples qui l’ont suivi, se sont mis à son école. Et il leur pose une question simple : "Au dire des hommes, qui suis-je ?". Ses disciples ont été souvent témoins de ses faits et gestes auprès des malades, des pauvres. - Ils l’ont entendu parler en paraboles. - Ils l'ont vu calmer la tempête. - Ils ont été témoins de son attitude face à la Loi, au shabbat. Ils l’ont entendu parler mystérieusement de la croix, de la mort, de son Père.

Aussi, la question que Jésus pose est comme une invitation à relire ce qu’ils ont déjà entendu, vu, perçu de Jésus. Ils savent, eux, qu’il n’est pas un meneur de foule comme on en trouve à toutes les époques. D'emblée, ils le situent dans le registre des personnages bibliques importants : Jean-Baptiste, Élie, Jérémie. - Et c’est déjà, là, un acte de foi que de savoir replacer une personne dans toute la trame d’une histoire sainte. Savons-nous le faire à l’égard de toute personne rencontrée, à notre égard ? Savoir placer événe-ment et personne dans l’économie divine, cette pédagogie de Dieu qui attire tout homme vers lui !

Mais la première question de Jésus en cache une seconde : "Et vous, qui dites-vous que je suis ?". La question a été préparée ; elle est directe, ne supporte pas de faux-fuyants. Parmi les disciples, c'est Pierre qui répond, toujours très spontané.

Pierre ! Pierre dont le nom signifie "rocher", nous le rencontrons souvent dans l'Évangile. Il est capable de reconnaître Jésus et de le renier, de marcher à sa suite même sur les eaux et de perdre pied tout aussitôt dans son doute. Ici, répondant à la question de Jésus, il prend vivement la parole devant tout le monde et dit, tout de go, sa foi en Jésus : "Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant !". L’affirmation est énorme : Jésus, reconnu comme Fils du Dieu unique !

Aussi, l’intuition de Pierre - “Tu es le Fils du Dieu vivant !“ - est si extraordinaire que Jésus lui apprend que cette connaissance lui vient de “son Père qui est aux cieux !“, une connaissance qui est en même temps un appel !

Car, par sa réponse, Pierre devient comme le plus célèbre des grands Prêtres dont on parlait encore au temps de Jésus, ce “Simon, fils de Yonas“, qu’évoque le livre du Siracide (ch. 50). Ce Simon demeurait l’archétype du Grand Prêtre qui seul, une fois par an, en la fête du Yom Kippour, en ce “Jour des expiations“ pour les péchés du peuple, entrait dans le Saint des saints, derrière le voile, et prononçait (ou balbutiait, bafouillait) le Nom de Dieu, ce Nom divin que Moïse avait connu par révélation divine, lui aussi, au “buisson ardent (Ex 3.14. Cf. 15.3), ce Nom que “ni la chair ni le sang“ ne lui avaient révélé, mais seulement le “Dieu Unique et vivant“ !

Ainsi, Pierre en évoquant sur Jésus ce “Nom qui est au-dessus de tout nom“ - “Tu es le Fils de Dieu !“ - remplit déjà, en quelque sorte, la fonction du grand-Prêtre ! Jésus l’appelle déjà, une fois que le voile du temps sera déchiré lors de sa mort pour les péchés du monde entier, à proclamer, à révéler le Nom de Dieu aux hommes, le Nom de ce Dieu “riche en miséricorde !“, “le Nom qui est au-dessus de tout nom“ !

Aussi, Jésus lui dit : “Tu es Pierre, et sur cette pierre, je bâtirai mon Eglise“ : Pierre est prêtre à l’exemple de ce “Simon, fils de Yonas“ ; il reçoit déjà la plénitude du sacerdoce pour pouvoir implorer le Nom de Dieu, ce “Nom qui est au-dessus de tout nom“ sur tout homme pécheur ! En ce lieu de montagne divine, Pierre aurait pu dire avec le psaume : “C’est la rosée de l’Hermon qui descend sur la montagne de Sion. Là le Seigneur a décidé de bénir : c’est la Vie pour toujours ! (Ps 133.3). Et, nous, pécheurs que nous sommes, nous pouvons entendre et comprendre : “Vous vous êtes approchés de la montagne de Sion…, de la Jérusalem céleste.., et de Jésus, médiateur d’une Alliance nouvelle“ (Heb. 12.22). Et Pierre en est déjà le "Grand-Prêtre !"

Cette “rosée“ de l’Hermon sur Sion, sur la Jérusalem nouvelle qui aura donc pour fondation Pierre et les apôtres (Eph. 2.20), est un immense don de Dieu, (Eph 4.11), une grâce divine qui est inimaginable pour l’homme ! Paul, lui aussi “apôtre, non de la part des hommes, mais par Jésus Christ“ (Gal 1.1) l’affirme à plusieurs reprise et s’en émerveille en notre seconde lecture : "Qui a connu la pensée du Seigneur ?... Les décisions de Dieu sont insondables, ses chemins impénétrables". - Comme Pierre, comme tout apôtre, Paul sera invité par Jésus à reconnaître et à proclamer que “tout est de Jésus, et par lui, et pour lui !“. Il suffit, à l’exemple de Marie, de reconnaître que toujours "Dieu rejette les puissants et élève les humbles“ !

Ainsi, si la réponse de Pierre est une “révélation“ qui vient de loin, qui vient du “Père des cieux“, cette réponse, encore, va très loin : elle est en même temps une vocation, un appel, une invitation à proclamer le “Nom qui est au-dessus de tout nom“, à professer sa foi même devant les tribunaux, comme Pierre le fera d’ailleurs : “Nous ne pouvons pas taire ce que nous avons entendu et vu“, ce que nous avons reçu par grâce divine (Ac. 4.20) ! Aussi, Jésus fait de Pierre, faible et humble, le “rocher” sur lequel il va asseoir son groupe de disciples, il fait de lui le “Grand-Prêtre“ de sa Communauté nouvelle, l'Église appelée à proclamer, célébrer le “Nom de Dieu !“. Et cette Église, si humaine et fragile qu'elle soit, résistera aux forces de mort : “Tu es Pierre ; et sur cette Pierre, je bâtirai mon Eglise ; et la puissance de la Mort ne l’emporteront pas sur elle”.

Ainsi, la réponse de Pierre vient de loin, de Dieu ; elle va très loin, comme vocation à proclamer, professer… Elle va, doit aller, cette réponse de Pierre, aussi loin que nous sommes nous-mêmes, pour nous entraîner à célébrer la puissance de la Sagesse de Dieu !

C’est ainsi qu’avec Pierre, l’Eglise est fondée ! C’est un point important de notre foi auquel nous devons apporter une grande attention. Car, souligner la connexion qui existe - de par la volonté de Dieu - entre le Christ et l’Eglise, c’est s’inscrire contre tout courant de pensée qui prétend dissocier le Christ de l’Eglise, le Christ de la foi de Pierre !
Le Christ ? dit-on, Oui, nous y croyons !
Mais l’Eglise, Non ! Elle est dépassée ! Curieusement, on la dit toujours dépassée, mais toujours elle subsiste cependant !
Et ainsi, rejetant l’Eglise, que retient-on de l’Evangile ? Oh ! L’Evangile, dit-on alors, c’est une force extraordinaire depuis des siècles, force de solidarité, de fraternité, d’amour, de paix, de justice… …

Et choisissant ce qui paraît admissible de l’Evangile, Jésus lui-même est facilement “récupéré” par des courants de pensée très divers, voire opposés !
C’est le Jésus des non-violents et le Jésus des révolutionnaires !
Il est le Jésus des intégristes comme des progressistes !
Il est encore celui des mystiques et celui des matérialistes !

Et que sais-je encore ? Que sais-je, sinon que ce n’est plus la foi de Pierre que Jésus a louée : “Tu es le Messie, le Fils du Dieu vivant !”. - “Tu es Pierre, et sur cette pierre, je bâtirai mon Eglise”.

Il est bon encore de se rappeler la conversion de St Paul sur le chemin de Damas. Jésus se manifeste à lui et l’‘envoie aussitôt près de la communauté des croyants, près de l’Eglise naissante : “Relève toi, entre dans la ville et là, on te dira ce que tu dois faire” (Ac. 9.6). Et lui-même dira plus tard : Dieu “a jugé bon de révéler en moi son Fils“ (comme pour Pierre). Aussi, “sans recourir à la chair et au sang (sans l’aide de l’homme, comme pour Pierre), je suis partie pour l’Arabie… Puis, je suis monté à Jérusalem faire la connaissance de Céphas (de Pierre) et je suis resté quinze jours auprès de lui !...“ (Gal 1.15 sv).

Ainsi, dissocier l’Eglise de Pierre, c’est dissocier Pierre du Christ. Et le Christ n’est plus reconnu comme Fils de Dieu, Sauveur des hommes. C’est inutile et un grand dommage ! Jeanne, la petite bergère, avait raison elle aussi d’affirmer devant les tribunaux : “Il m’est avis que c’est tout un de Notre Seigneur et de l’Eglise, et qu’on n’en doit pas faire de difficulté !“. Et le pape Paul VI, que je nommerais facilement “martyr de l’Eglise“, ne faisait que répéter : “Aimez l’Eglise ! Car aimer l’Eglise, c’est aimer Jésus Christ !“.

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