mardi 2 août 2011

Amour et Humilité !

T.O. 18 Mardi 11/A

Le début de notre lecture d’aujourd’hui est un peu obscur et a suscité des commentaires très divers : “Parce que Moïse avait épousé une femme éthiopienne, sa sœur Myriam et son frère dirent du mal de lui !“. D’après l’hébreu, c’est surtout Myriam - ne vous en déplaise - qui mène cette contestation à propos d’une koushite, dit l’hébreu ! C’est normalement, de fait, une éthiopienne. Mais d’après Habacuc (3.7), ce peut être une Madianite. Or, depuis toujours, les Madianites n’entretenaient pas de bonnes relations avec les Hébreux ! Ainsi, l’objet du mécontentement de Myriam et de son frère pourrait être que Moïse ait épousé une étrangère, et quelle étrangère, une Madianite ! Soit que cette Madianite fut Cippora, l’épouse de Moïse déjà connue, soit que ce fut une seconde épouse !

Mais la tradition juive ne l’entend pas ainsi ; elle pense qu’il s’agit bien de Cippora mais que l’objet de la contestation n’est pas tellement le fait qu’elle soit une étrangère mais bien plutôt que Moïse se soit séparé d’elle, comme il est dit dans le livre de l’Exode quand Jéthro va à la rencontre de son gendre après la traversée de la Mer rouge : “Jéthro prit avec lui Cippora, la femme de Moïse, après qu’il l’eût renvoyée…“. (Ex. 18.2). - Et cette hypothèse concorde parfaitement avec le contexte du livre des Nombres. Le chapitre qui précède rapporte une effusion de l’Esprit qui structure le peuple principalement par l’institution de 70 “prophètes“ qui, est-il dit, reçoivent un peu de l’esprit de Moïse. Alors, vous comprenez, les femmes des 70 nouveaux prophètes institués se disent tout logiquement : “Tout comme Moïse, nos maris vont aussi de désintéresser de nous, nous abandonner !“. Rendez-vous compte ! Et ce serait la cause de la révolte menée par Myriam !

Cette hypothèse n’est pas dans la Bible, bien sûr. On la trouve dans la littérature midrashique. Mais enfin, il y a là une réflexion à approfondir. J’ai eu l’occasion de le dire : Moïse aurait renvoyée Cippora après la vision du Buisson ardent, comme si son attention avait été, en quelque sorte, dépolarisée de son épouse pour se polariser sur Dieu seul ! Une remarque bibliquement peu fondée sans doute, mais judicieuse ! On entend toujours dire que la chasteté chrétienne, c'est une contamination du gnosticisme, une méfiance vis-à-vis de la l’amour humain, de l’union de l’homme et de la femme qui, pourtant, personnellement et l’un avec l’autre, sont créés “à l’image de Dieu“ : “Dieu créa l’homme à son image ; à l’image de Dieu, il le créa ; homme et femme il les créa“ (Gen 2.27). “Dieu vit tout ce qu’il avait fait. C’était très bon !“ (id.34). Et nous affirmons, nous chrétiens, que le mariage est un sacrement ! Autrement dit : l’amour horizontal de l’homme et de la femme est, doit être signe et réceptacle de l’amour vertical de Dieu pour les hommes, du Christ pour son Eglise… Qu’y a-t-il de plus beau ?

Mais cela dit, pour Dieu et pour Dieu seul, l’homme peut "télescoper" en quelque sorte les valeurs les plus belles de la Création, pour aller directement vers le Créateur. On peut témoigner de l’immense amour de Dieu sans passer par des intermédiaires si beaux soient-ils - comme l’amour humain -. Et cela, de façon définitive ou temporairement comme le précise St Paul aux personnes mariées : “Ne vous refusez pas l'un à l'autre (qui a dit que St Paul était misogyne ?), sauf d'un commun accord et temporairement, afin de vous consacrer à la prière…”. (1 Co. 7/5).

Il y a donc contestation. Or, est-il dit : “Moïse était un homme très humble, l’homme le plus humble que la terre ait porté !“. Il serait intéressant de voir comment Moïse fut très humble, lui qui se mit parfois en colère (cela arriva plusieurs fois !). Comme Jésus lui-même, d’ailleurs. Qu’est-ce donc que l’humilité ! Le contraire de l’humilité, c’est l’orgueil, nous le savons bien, la suffisance ! St Benoît le souligne dès le début de son chapitre sur l’humilité. Mais il ne faut pas confondre non plus humilité avec le complexe d’infériorité. Ce n’est pas du tout la même chose. L’humilité ne consiste pas obligatoirement à s’effacer, à se taire, mais à être dans une attitude de vérité. Faire la vérité, le plus possible. “Je suis venu dans le monde, dira Jésus, pour rendre témoignage à la vérité“ (Jn 18.37). Et l’orgueilleux, attaché à sa volonté propre, à ses propres idées, répondra : “Qu’est-ce que la vérité ?“ (Id. 38). La suite du texte est significative à cet égard : “Le Seigneur dit à Moïse, à Aaron et à Myriam : « Venez tous les trois à la tente de réunion »…“. Faire la vérité sous le regard non de l’autre, mais de Dieu ! Avec la crainte de Dieu, dira souvent St Benoît ! “Nous disons que tous doivent être appelés au Conseil, car souvent le Seigneur révèle à un jeune ce qui est préférable“ (Règle ch. 3). - “Venez à la tente de réunion !“ : c’est là que le Seigneur parle, et parfois avec sévérité s’il le faut, comme envers Myriam qui, devenue lépreuse, dut attendre sept jours avant sa guérison. Une guérison, une conversion, c’est comme une nouvelle création en sept jours !

Enfin notre lecture note : “Dieu dit : « … Je parle à Moïse de bouche à bouche, dans l’évidence, non en énigmes ; et il voit la forme du Seigneur ! »". C’est une phrase extrêmement forte qui montre la transcendance du prophétisme de Moïse par rapport à celui de tous les autres prophètes. Et, bien sûr, c’est à partir de ce texte que l’auteur de la lettre aux Hébreux dégage la transcendance de Jésus par rapport à Moïse (Heb 3.1-6). Il serait trop long de lire le texte auquel vous pourrez vous reporter !

On pourrait conclure : Amour et humilité ! Ce sont sans doute les conditions qui conduisent, avec le Christ, vers une véritable union avec Dieu : lui parler “de bouche à bouche et voir la forme du Seigneur“ !

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