lundi 15 août 2011

Marie, femme de la terre et du ciel !

Assomption. 2011

L’Église aime regarder Marie, mère de Jésus. Car elle voit en elle la fleur de l'humanité dont nous faisons partie.
Une littérature mariale, parfois ambiguë, nous la présente toujours venant du ciel. Et, facilement, on a donné à Marie - légitimement, certes - les plus beaux titres de gloire. On les a rassemblés dans la gerbe multicolore des litanies.

Cependant, je souhaite ajouter un titre qu’on ne trouve pas facilement, un titre un peu étonnant mais si réel. Ce titre serait celui-ci : “Marie, femme de la terre !”

Oui, il est nécessaire de bien se souvenir qu'elle vient d'abord de la terre ! Avant d’être “Notre Dame de l’Assomption” que nous honorons aujourd’hui ! Femme de la terre !

- Celle que toutes les générations appellent “bienheureuse” a été d'abord cellule minuscule, fruit de l'amour de ses parents : mystère de la conception !

- Elle a été embryon vivant, tissé cellule après cellule, dans le sein d'une mère : mystère de la naissance !

- Celle que la terre et le ciel proclament “bienheureuse et bénie” a été ce bébé fragile, ébloui par la lumière du jour, se confiant en ses parents : Merveilles de l'éducation !

- Petite juive de Palestine, elle grandissait dans l'espérance et la solidarité du peuple de l'Alliance. Elle vivait avec lui, comme lui. Elle était solidaire de ses compatriotes qui travaillaient dur pour vivre ou qui cherchaient, angoissés, de quoi survivre. Elle les aimait ; elle partageait leurs joies, leurs inquiétudes et leurs peines, toujours prête à rendre service. Elle pourra alors dire “oui” à la demande de l'ange. Merveille de la vocation !

- Joseph, son fiancé, fut éduqué dans la solidarité avec tout un peuple et dans l'espérance d'un salut venant de Dieu. Il pourra lui aussi comprendre le message de l'ange et accepter la mission. Merveilles des commencements !

- Elle aimait voir sont fils Jésus travailler avec Joseph, parce que lui aussi avait voulu être pleinement “fils de la terre”. Elle sera peinée de le voir se détacher d’elle comme toutes les mères quand leurs enfants grandissent. Mais elle apprenait que sa famille, son peuple, c’étaient tous les “fils de la terre” : “Qui sont mon père, ma mère, mes frères, mes sœurs ?…”. Sa famille, c’était tout le peuple de Dieu, sans barrières sociales… : Mystère de communion !

- Et c’est en vivant quotidiennement dans tout ce tissu d’humanité que Marie entre progressivement, profondément dans le mystère d’alliance de Dieu avec son peuple, dans ce mystère d’amour de Dieu pour tous les hommes. La mort de son fils lui dira, douloureusement, quelle pointe extrême cet amour peut atteindre et à quelles immensités il peut ouvrir les hommes. Ainsi, sous l’action permanente de l’Esprit Saint, se déploie en elle la lente germination d’un monde nouveau : Mystère de maternité spirituelle pour une alliance éternelle…


Deux mille ans après, Marie est devenue “parfaite image de l'Église à venir, aurore de l'Église triomphante” (préface de la messe). Par cette fête de l'Assomption, l'Église catholique présente à l'humanité entière le signe de Marie, transportée de la terre au ciel, transfigurée par la résurrection de son fils Jésus. À la suite du Christ, premier de cordée, Marie est la première sur le chemin de la Résurrection. Ainsi se réalise ce que l’Apôtre Paul écrivait aux Corinthiens (2ème lect.) : “Dans le Christ, tous revivront, mais chacun a son rang : en premier, le Christ ; et ensuite, ceux qui seront au Christ... Alors tout sera achevé, quand le Christ remettra son pouvoir royal à Dieu le Père, après avoir détruit toutes les puissances du mal... Et le dernier ennemi qu'il détruira, c'est la mort”.

Oui, élevée désormais dans la gloire du ciel, Marie est “l'image parfaite de l'Église à venir”. Ce qu'elle est, nous le deviendrons. L'aurore qui l'éclaire, éclaire déjà l'humanité. En contemplant Marie, l'humanité peut découvrir ce qu'elle deviendra elle-même. Toute la création se prépare à cette transformation. Et déjà, nous pouvons chanter le Magnificat ! “Mon âme exalte le Seigneur, son amour s'étend d'âge en âge sur ceux qui le craignent... Il se souvient de son amour, de la promesse faite à nos pères...”. (Luc 1, 39-56).

L'Espérance et la louange ne devraient plus nous quitter. Cette espérance nous engage aussi dans un réel combat spirituel. Nous sommes sûrs du chemin, du sommet et du guide ; mais nous ne sommes pas encore arrivés. Nous sommes sûrs de la victoire du Christ sur toutes les forces du mal ; mais actuellement encore, ces forces font rage dans tous les domaines.

Tous les textes de la Bible choisis pour cette fête expriment le combat à mener. La première lecture tirée de l’Apocalypse nous présente une femme qui porte la vie, menacée par un dragon rouge feu voulant dévorer l'enfant : dragon de la violence et de l'intolérance, de la maladie et de la mort ; dragon de la pollution et des puissances infernales ; dragon d'un système économique dévoreur d'hommes et d'innocents..., dragon de toutes les dictatures orgueilleuses. Les forces de vie, de créativité et d'espérance sont toujours menacées. Mais le dragon ne pourra rien contre les forces de vie. Il ne pourra pas détruire la vitalité de l'Église, la liberté des enfants de Dieu, des fils de la terre appelés à être fils d’un même Père du ciel.

Mais pour lui échapper, il faut aller au désert... Passer par des manques, revenir toujours à l'essentiel... La lettre de Paul aux Corinthiens montre le Christ engagé dans un combat spirituel contre tous les ennemis de l'homme. Comment ne pas s'engager avec lui ? Sachons ne pas laisser Jésus seul, comme à Gethsémani, dans les combats qu'il mène pour nous.

Et justement, Marie, dans l'Évangile, nous invite à rejoindre son divin Fils, le Libérateur, le Rédempteur qui veut renverser ceux qui dominent au lieu de servir, ceux qui accumulent au lieu de partager. Elle nous invite à regarder vers Dieu, notre Père qui élève et éduque les humbles, nourrit les affamés et guérit les cœurs blessés.

Cette fête de l’Assomption soutient notre espérance, l'espérance chrétienne qui, en éclairant le regard, le chemin et l'horizon, nous montre l'urgence d'un engagement tenace et joyeux pour aider tous les hommes, quels qu’ils soient, à s’élever vers Marie qui est désormais dans la gloire de son Fils ressuscité ! Puisqu'ils sont tous appelés à une si haute destinée, il est urgent de leur annoncer la Bonne Nouvelle qui les concerne. Il est urgent aussi de nous aider les uns et les autres à prendre la direction de cette belle Assomption.

1 commentaire:

Jean-Pierre Fattal a dit…

Oui ! En effet, comment envisager la fête de l’Assomption si Marie n’était pas au préalable « femme de la terre ». Finalement, vous nous rappelez par cette prédication que l’Evangile nous ramène toujours au réel ; nous sommes de ce fait pris dans une « double tension » qui semble nous écarteler entre le ciel et la terre. Mais il n'en est rien car ces deux tensions nous mènent à la résultante qui est Dieu notre Père.

Quelle est vaine la tendance à nous échapper dans un imaginaire purement céleste pour fuir les duretés de la terre et qu’elle est misérable la faiblesse qui nous fait refuser le regard mystique sur le monde et l’orientation eschatologique de notre fin terrestre.

Merci de cet éclairage….