samedi 20 août 2011

St Bernard

20 Août 2011

St Bernard ! C’est un personnage très contrasté que St Bernard qui vécut en un siècle qui le fut lui-même. Une époque remarquable par ces hommes, ces femmes si passionnés de Dieu et en même temps si déconcertants par la rudesse de leurs combats tant sociaux que religieux… ! (temps des Croisades !!!)

Après avoir fait des études que l’on qualifierait aujourd’hui de “classiques“, Bernard entre, à 20 ans, au monastère de Citeaux. Cinq ans plus tard, son abbé l’envoie fonder Clairvaux où il affine sa propre conception de la vie monastique en rappelant avec fermeté la nécessité d'une vie sobre et mesurée : à table comme dans l'habillement et dans les édifices monastiques. Très vite, les fondations se multiplient !

Au cours de ces premières années, Bernard commence une longue correspondance avec de nombreuses personnes, aussi bien importantes que de conditions sociales modestes. Il écrit de nombreux “Sermons“, ainsi que des “Traités“. C'est à cette époque que remonte sa grande amitié avec Guillaume de Saint-Thierry et avec Guillaume de Champeaux, figures importantes du 12ème siècle.

A partir de 1130, il commença à s'occuper de nombreuses et graves questions concernant l'Eglise, surtout en 1145, quand l’un de ses élèves est élu pape sous le nom d’Eugène III. Il dirigea surtout ses écrits polémiques contre Abélard et contre l'hérésie des Cathares, qui, méprisant la matière et le corps humain, méprisaient en conséquence le Créateur. En revanche, il sentit le devoir de prendre la défense des Juifs, en condamnant les vagues d'antisémitisme toujours plus diffuses ! (Surtout au temps des fameuses croisades !)

Quel homme quand même ce Bernard !
Quel homme pour son amour passionné de Dieu !
Quel homme pour l’amitié qu’il exaltait à condition, disait-il, qu’elle prenne sa source en Dieu pour y retourner après avoir tissé des liens qui nous réuniront en Dieu comme les grains juteux d’une belle grappe de la vigne du Seigneur.
Quel homme, entraîneur d’hommes !

Mais quel homme aussi qui se mêle de tout : le Social, la Politique et, bien sûr, l’Eglise ; rien ne l’arrête quand il croit qu’il y va de l’honneur de Dieu et du bien des âmes !

Mais ne s’est-il pas trompé parfois (Après tout, même un saint peut se tromper !) ? Et je pense à ce pauvre Abélard - non pas tant à cause de sa mésaventure avec Héloïse, ce qui l’a rendu trop célèbre pour son malheur - mais bien plutôt à cause de sa grande intelligence mise au service de la pensée toujours en quête de Dieu.

Son intelligence était telle qu’on l’appelait : “Le Maître !“. Spirituellement, c’est le temps du “Fides quaerens intellectum“, la foi qui cherche à comprendre : “Je ne cherche pas à comprendre pour croire, précisait St Anselme lui-même, mais je crois pour comprendre“. Et Abélard, motivant la foi qui s’adresse à notre cœur, mais aussi à notre intelligence, lança une nouvelle manière de faire de la théologie en introduisant la dialectique, la philosophie dans la construction de la pensée théologique. Ce n’est certes pas sans danger. Bernard dira : “Sans une véritable humilité, c’est en regardant les cimes que nous tombons dans les précipices !“. Et sans doute que la suffisance fut le “talon d’Achille“ de ce grand “Maître“, Abélard ! Et en ce cas, “le talent trouve toujours des adversaires“, disait St Jérôme. Et St Bernard fut l’adversaire redoutable d’Abélard.

L’Abbé de Clairvaux, lui, configure le théologien au contemplatif, au mystique. Seul Jésus, insiste-t-il face à tous les raisonneurs de son temps, seul Jésus est “miel à la bouche, cantique à l’oreille, joie dans le cœur“ (“mel in ore, aure mélos, in corde jubilum“). “Mel in ore...!. C’est précisément pour cela que la tradition lui attribue le titre de “Docteur mellifluus“ : sa louange de Jésus coule comme le miel ! “Lorsque tu discutes ou que tu parles, disait-il, rien n'a de saveur pour moi, si je n'ai pas entendu résonner le nom de Jésus“ ! Pour Bernard, la véritable connaissance de Dieu consiste dans l'expérience personnelle et profonde de Jésus Christ et de son amour, la foi étant avant tout une rencontre personnelle, intime avec Jésus ; elle doit faire l'expérience de sa proximité, de son amitié, de son amour ; et ce n'est qu'ainsi que l'on apprend à le connaître toujours plus, à l'aimer et le suivre davantage. Il écrira à son ancien élève, le pape Eugène III : “On devrait poursuivre la recherche de Dieu, qui n'est pas encore assez recherchée“, (que dirait-il aujourd’hui ?) ; “mais on peut peut-être mieux le chercher et le trouver plus facilement avec la prière qu'avec la discussion !“

L’un et l’autre - Bernard et Abélard - n’avaient pas entièrement tort ! Et ils n’avaient pas entièrement raison. L’’Eglise, par la suite, sut peu à peu allier avec bonheur foi et raison, sans éviter pour autant les excès ou écueils de certains ! Cependant, Bernard réussit à faire condamner Abélard à un moment où la santé de celui-ci était défaillante !!!

Heureusement, ces “deux-là“ se réconcilièrent par l’intermédiaire de Pierre “le Vénérable“ (Abbé de Cluny), homme si modéré, si affable, si juste et surtout si aimant au point de toujours voir en celui qu’il rencontrait, par delà les contingences de sa vie et les diverses turpitudes du siècle, la créature que Dieu aimait et que sa grâce voulait façonner - même après ses échecs ou ses fautes - à son image et ressemblance !

Ce Pierre-là, j’avoue que je l’aime bien (1). Il savait regarder choses et personnes avec, déjà, un œil d’éternité d’où s’échappait tant une larme de miséricorde, tant un rayon lumineux de tendresse divine…, à l’exemple du “Bon Pasteur“ ! Finalement, même si j’admire fortement St Bernard, je me sentirais quand même bien installé aux pieds de “ Pierre le Vénérable“, tout façonné de noblesse, de cette noblesse de charité, j’entends, et qui nous manque tant !

Peut-être qu’en fréquentant quelque peu l’Abbé de Cluny, St Bernard a-t-il ressenti une conscience moins tranquille, lui qui décrira si bien les multiples ricochets de l’orgueil : “Déjà j’en porte la peine et suis durement châtié. Ce n’est pas sans cause que, depuis hier ou avant-hier, je me sens gagné par cette langueur de l’âme, cette hébétude de l’intelligence, cette inertie insolite de l’esprit“. Par ces mots, il rappelait cette faute que les Anciens stigmatisaient : l’“acédie“, si bien décrite également par de plus modernes : “Les sanglots longs Des violons De l'automne Blessent mon cœur D'une langueur Monotone. Et je m'en vais. Au vent mauvais Qui m'emporte Deçà, delà, Pareil à la Feuille morte“ ! (Verlaine). Mais Bernard en savait la cause : “L’orgueil a été trouvé en moi ; et le Seigneur s’est détourné de son serviteur. De là, cette stérilité en mon âme et cette impuissance dans la dévotion. Comment mon cœur s’est-il ainsi desséché et s’est-il coagulé comme du lait caillé ?...“.

Cependant, écoutons encore Bernard pour notre enseignement :
“Qui s’enseigne lui-même pourrait bien avoir un sot pour maître !“. Pour éviter ce dernier piège, faisons nôtre sa grande dévotion envers Marie. C’est elle qui nous conduit avec sûreté : “per Mariam ad Jesum“, disait-il. (Devise si chère à Jean-Paul II). Aller à Jésus par Marie, l’humble Servante du Seigneur ! Alors, nous serons tranquillisés dans la “Paix-Notre-Dame“ !

Et si j’ai été trop long, veuillez admirer St Bernard avec moi ; et vous me pardonnerez !

(1) Il fut l’une de mes premières amitiés monastiques, après Grégoire de Nazianze, cependant !

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