samedi 2 juillet 2011

Enfant de Dieu !

14ème dimanche du T.O. 11/A

Dans l’une de ses lettres, (I Co. 3.9.), St Paul nous dit que nous sommes les coopérateurs de Dieu, ses collaborateurs… Si cette parole est dite à propos de notre ministère extérieur, il en est de même - et bien davantage - pour la croissance de notre vie intérieure. Car Dieu nous respecte tant qu’il attend notre “bonne volonté“ active ; selon la belle expression de l’Apocalypse, il est là frappant à notre porte, nous sollicitant de lui ouvrir afin qu’il puisse entrer et “souper“ avec nous (Apoc 3.20) !

Mais quelle est donc cette aide que nous pouvons fournir à notre Dieu tout-puissant ? Il me semble que le Seigneur n’attend qu’une seule chose : que nous nous fassions pure capacité de sa lumière, pure capacité à sa grâce !

Un jour, les apôtres discutaient pour savoir qui d’entre eux était le plus grand, le plus important. Et Jésus de leur désigner un enfant. Or, aujourd’hui, il nous fait part de sa prière à son Père : “Père, je proclame ta louange. Ce que tu as caché aus sages et aux savants, tu l’as révélé aux tout-petits“ – Et une autre fois, Jésus annoncera : “L’Esprit du Seigneur m’a consacré pour annoncer l’Evangile aux pauvres(Mth 11.5 ; Lc 4.18 ; 7.22) !

Qui sont ces pauvres, ces enfants, ces tout-petits auxquels est promise l’entrée dans le Royaume. Car le pauvre devant Dieu, le tout-petit, l’enfant, c’est tout un. C’est celui qui, en vérité, n’est que pure capacité de lumière, que pure capacité de grâce !

C’est peut-être étrange de dire cela à un moment où l’on ne parle - tant pour les personnes que pour les peuples dans leurs évolutions ou révolutions (!) - que de maturité, de majorité, d’âge adulte ! Bien plus, notre foi, notre espérance, notre charité doivent se personnaliser de plus en plus, ne pas en rester aux comportements et expressions d’un enfant ! St Paul le souligne fortement dans sa lettre aux Corinthiens (I Co. 13.11sv). Il nous faut évacuer, nous dit-il, ce qui est de l’enfance, c’est-à-dire la fragilité, l’inconstance, le non-engagement, la non-responsabilité ! Et vouloir maintenir des personnes dans cet état inoffensif de l’enfance, c’est vouloir les réduire à un esclavage (humain ou spirituel) ! Cependant, cette majorité des fils de Dieu ne va nullement à l’encontre de ce qui constitue cette petitesse, cette pauvreté et cet “esprit d’enfance“ dont parle Jésus. De quoi s’agit-il donc ?

Ce qui caractérise souvent l’enfant - et ce qu’il faut conserver -, c’est sa réceptivité, son accueil, son abandon et sa confiance face à nous, les grandes personnes qu’il considère évidemment comme bien plus puissantes, savantes, sages que lui. L’enfant étonne parfois par cet espèce de démission de lui-même entre nos mains…, afin de se laisser conduire, enseigner, guider, porter… !

Or, ce qui gêne le plus le Seigneur pour se manifester à nous pleinement, pour nous introduire en sa vie même, c’est bien notre suffisance et notre orgueil. St Paul le souligne dans la seconde lecture : la “chair“ dont il parle n’a rien à voir avec les questions de sexe. Dans le langage biblique, “la chair“ désigne l’arrogance de l’homme devant Dieu.

C’était, au cours de l’histoire du peuple hébreu, l’entreprise assyrienne ou babylonienne de puissance (Cf 1ère lecture) ; c’était, au siècle dernier, l’entreprise hitlérienne de domination universelle ; c’est, aujourd’hui, la prétention prométhéenne d’assurer la souveraineté humaine par la science et la technique, la recherche du bonheur par des plaisirs faciles et fallacieux…

Oui, nous nous enveloppons si facilement dans le manteau de notre suffisance ; et nous essayons par tous les moyens de ramener Dieu à la raison, à notre raison. Il n’est pas étonnant alors que, dans nos idées, dans nos actions, nous ayons si peu le “sens de Dieu“ ! – Et voulant ramener Dieu à sa raison, l’homme n’accepte pas, pour ainsi dire, la folie de Dieu, la folie de l’amour de Dieu, la folie de la conduite providentielle de Dieu à l’égard des hommes ! Alors, évidemment, bien des choses nous échappent quand on place Dieu sur notre petite échelle humaine. Alors que si l’on prenait l’attitude de l’enfant qui accueille, qui sait recevoir, oui, on deviendrait vraiment “enfants de Dieu“, “fils de Dieu“. “Ceux-là sont enfants de Dieu, dit St Paul (Rm 8.14), ceux qui se laissent pousser par l’Esprit“.
(Le terme grec veut dire tout à la fois “presser“, “pousser“. C’est comme lorsque l’on prend un tube de dentifrice en main : on le “presse“ ; et ça “pousse“ en même temps !).

Une autre caractéristique de l’enfant, entre plusieurs, c’est son sens de l’admiration et de la gratuité.

Une personne m’a rapporté un jour cet épisode : Elle se promenait dans le parc Monceaux, à Paris ; et elle regardait les cygnes… Et un petit garçon vint à passer avec sa maman ; et il fit comme elle : il regarda les cygnes. C’est si beau, si majestueux, un cygne sur l’eau ! Mais sa maman le prit par les bras et lui dit : “Viens donc, dépêche-toi ! On dirait que tu n’as jamais rien vu !“. Et mon interlocuteur d’ajouter : “j’ai vraiment eu de la peine pour cet enfant. Car il aurait pu devenir un artiste, un inventeur, un homme qui sait regarder les choses et les personnes, alors qu’il sera comme beaucoup : un homme très affairé qui ne sait plus regarder les cygnes !

Vous savez ! C’est une grande catastrophe quand on ne sait plus vaquer à ce qui peut paraître inutile, quand on ne sait plus faire de ces gestes gratuits, apparemment non productifs, quand on ne sait plus quitter la logique de la production, de la sur-production, de la consommation, de l’utilitaire, quand on ne sait plus poser de ces gestes qui surgissent comme naturellement parce que, tout simplement, …on aime, on veut chanter, admirer, louer…, danser ! … Parce qu’on veut chanter, admirer Dieu, le seul Saint, le seul Seigneur, le seul Très-Haut. Et dans le monde de la foi, Dieu n’est-il pas l’Admirable ; la Trinité n’est-elle pas, par excellence, le mystère admirable ? Et l’enfant de la crèche ? Le Fils de Dieu qui se fait enfant d’homme !

Si nous n’avons plus le sens de l’admiration, le sens du gratuit, nous n’aurons jamais le sens de Dieu et, par conséquence je le crains, le sens du véritable amour pour ceux qui nous entourent !

En cette période de vacances pendant laquelle nous pouvons avoir plus grande liberté dans notre emploi du temps, ne serait-ce pas l’occasion de nous monter plus accueillants à Dieu (par la prière la lecture de l’évangile, que sais-je encore !)…, et, de ce fait, plus accueillants pour ceux qui nous entourent. Alors, j’en suis certain : ceux-là revêtiraient soudainement une beauté si grande - immensément plus grande que celle d’un cygne sur un lac - que vous seriez saisis de cette profonde admiration qui laisse facilement un enfant “bouche bée“ ! C’est alors que vous deviendriez “enfants de Dieu ! Et toute votre vie deviendrait “action de grâces“ qui est comme l’antichambre du Royaume de Dieu !

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