vendredi 22 juillet 2011

Marie Madeleine

22 Juillet 2011

Ste Marie-Madeleine ! Précisons tout d’abord que les textes évangéliques ne permettent pas de confondre Marie-Madeleine avec la pècheresse dont il est question en St Luc (ch 7) sous prétexte que Jésus l’avait délivrée de sept démons (Lc 8.2). Certains prédicateurs ont facilement utilisé cet amalgame pour alimenter leurs sermons et démontrer ainsi que même les grands pécheurs peuvent devenir de grands saints. Si l’intention est louable et l’affirmation indéniable, l’exemple n’est pas probant ! - Il ne faut pas confondre non plus Marie-Madeleine avec Marie de Béthanie, sœur de Lazare. Il vaut mieux en rester à la distinction de la Tradition : la pècheresse (dont on ignore le nom), Marie de Béthanie et Marie de Magdala, même si certains exégètes la distinguent encore d’une Marie, disciple du Seigneur !

Notre évangile d’aujourd’hui est l’un des récits de la résurrection du Seigneur qui sont si réalistes, si précis qu’ils ne peuvent pas avoir été inventés. Ce sont d’abord des femmes - il faut le souligner - qui trouvent le tombeau vide ; des êtres mystérieux affirment : “Pourquoi cherchez-vous le Vivant parmi les morts ? Il n’est pas ici… ! (Lc 24.7). Quand, à Jérusalem, je me rends en la basilique de l’Anastasie et que j’entre dans le mémorial du Saint-Sépulcre - démarche de dévotion fort louable, n’est-ce pas -, je ressens toujours une folle envie d’en vite sortir pour aller crier : “Il n’est pas ici !“. Le tombeau est vide et reste vide ! A cette nouvelle, les apôtres restèrent indécis, voire incrédules : “Ce ne sont que rêveries de femmes !“ (Cf. Lc 24.23-24).

Cependant, Marie-Madeleine est demeurée devant le tombeau vide. Elle non plus ne croit pas aussitôt. Elle pleure, abîmée en sa douleur. Elle avait vu le Christ mort ; elle savait bien que ce n’était pas un mort endormi paisiblement, mais un corps torturé, flagellé, vidé de son sang. Pour elle, c’était bien fini !
Or, voici que Jésus lui parle. Elle ne le reconnaît que lorsqu’il prononce son nom : “Marie !“. A chacun Dieu dit toujours comme à Isaïe : “Je t’ai appelé par ton nom !“ (Is 43.1). Jésus n’avait-il pas dit que le Bon Pasteur connaît chacune de ses brebis par son nom (Jn 10.3) ? C’était annoncer que les noms de ceux qui le suivent sont déjà inscrits dans le ciel (Lc 10.20), sur le “livre de vie“ (Ph 4.3 ; Ap. 3.5 ; 13.8 ; 17.8). A l’appel de son nom, Marie se sent reconnue par son Seigneur ; elle se lance alors vers lui !

Jésus lui dit alors : “Ne me retiens pas ! Car je ne suis pas encore remonté vers mon Père !“. Phrase mystérieuse mais qui se comprend dans la pensée de St Jean : le Christ ne peut être atteint désormais à la façon purement humaine, façon fragmentaire comme toutes nos connaissances. Certes, il reste bien pleinement homme. Et son humanité restera toujours pour nous le canal des grâces divines. Mais pour cela il faut qu’il monte vers son Père, qu’en lui il soit glorifié, qu’en sa chair se révèle la gloire du Fils unique de Dieu (Cf. Jn 1.14,18). Et pour le voir désormais, il faut que cette “gloire du Fils Unique“ soit reconnue : “Si tu crois, avait déjà dit Jésus en ressuscitant Lazare, annonçant ainsi sa propre résurrection, tu verras la gloire de Dieu !“.
“Je m’en vais, avait-il dit encore ; mais je reviens“. (Jn 14.28). Je quitte cette forme de présence que vous aviez avec moi ; mais une fois glorifié, vous me trouverez en une autre présence encore plus réelle, plus forte : “C’est votre avantage que je m’en aille ; en effet, si je ne pars pas, le Paraclet ne viendra pas à vous ; si je pars, je vous l’enverrai… Il me glorifiera car il recevra de ce qui est à moi ; et il vous le communiquera“ (Jn 16. 7sv). Ainsi “encore un peu et vous ne m’aurez plus sous les yeux ; et puis encore un peu et vous me verrez !“ (Jn 16.19). Et alors, votre joie, “nul ne vous la ravira“ (Id 16.22).
Par cet Esprit qu’il enverra, Jésus sera en ses disciples comme son Père est en lui (Jn 14.19sv). Voilà pourquoi il est meilleur qu’il soit absent de nos yeux de chair (Jn 16.7). Cette absence est la condition d’une présence intérieure réalisée par le don de l’Esprit. Grâce à ce don, les disciples ont en eux l’amour qui unit le Père et le Fils (Jn 17.26). C’est pourquoi, conclura St Jean, Dieu demeure en eux (Cf. I Jn 4.12).

Aussi, Jésus enjoint à Marie-Madeleine : “Va trouver mes frères et dis-leur que je monte vers mon Père qui est votre Père, vers mon Dieu qui est votre Dieu“. Tout en affirmant qu’il est le “Fils Unique“, Jésus annonce la paternité de Dieu à l’égard de tous ses disciples qu’il nomme “ses frères“. Désormais une nouvelle et grandiose Alliance entre Dieu et les hommes est possible, à cause de cette nouvelle relation avec Jésus quand il sera entré dans la gloire du Père !

Marie-Madeleine, après cette annonce, est demeurée en silence ; on ne parlera plus d’elle ! Je l’imagine facilement comme ressemblante à sa statue en l’église Saint-Pierre de Solesmes. Elle attend dans notre nuit d’humanité, en fermant les yeux, elle attend le retour plénier de son Seigneur en sa gloire divine. Son silence est devenue une seule parole qu’elle proclame à tous : “Le Christ est ressuscité !“.
Son silence est une invitation à la foi. La foi est ordonnée à l’amour divin. Et cet amour réclame le silence, un silence si fort qu’il devient proclamation. Seul l’amour peut se nourrir de ce silence. Si la parole est première pour communiquer, elle est ordonnée, dans l’intimité avec Dieu, à ce silence d’amour. Dieu nous cache en quelque sorte dans le silence de son amour…
La vie devient alors une vie qui échappe à l’histoire, au temps, parce qu’elle ne se réalise déjà qu’en Dieu seul. C’est comme un préambule du ciel, de la vie glorieuse où le Christ est entré le premier avec son corps… Du moment que vous êtes cachés avec le Christ, dira St Paul (Cf. Col 3.1-4) recherchez les choses d’en-haut, là où se trouve le Christ ! – C’est alors que le silence d’une vie peut devenir une proclamation qui retentira jusqu’à la fin des temps : “Le Christ est ressuscité !“.

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