T..O.
1 Vendredi Mc 2.12 – “Lève-toi et
marche !“
“Lève-toi et marche !“ Pour illustrer ce mot de l’évangile
d’aujourd’hui, je citerai volontiers la phrase de Bergson : "Ce qui m'a frappé dans le Jésus des
Evangiles, c'est cette consigne d'aller toujours plus avant, de sorte qu'on
pourrait dire que l'élément stable du christianisme, c'est l'ordre de ne jamais
s'arrêter"
Et, faute de temps - je l’avoue simplement
-, j’illustrerai ce propos par le début du panégyrique de Bossuet sur St
Benoît, texte qui peut inspirer tout chrétien, me semble-t-il.
« Toute la perfection de l’Evangile,
toute la discipline chrétienne est entièrement renfermée dans cette seule
parole : “Egredere !” - “Sors !”.
La vie du chrétien est un long et infini
voyage
durant le cours duquel,
quelque plaisir qui nous flatte,
quelque compagnie qui
nous divertisse,
quelque ennui qui nous prenne,
quelque fatigue qui nous
accable,
aussitôt que nous commençons à nous reposer, une voix s’élève d’en
haut qui nous dit sans cesse et sans relâche : “Egredere !” - “Sors !”,
et nous ordonne de marcher plus outre.
Telle est la vie chrétienne !
Dans ce grand et infini voyage, où nous
devons nous avancer sans relâche et marcher sans repos, je remarque trois
états et comme trois lieux où nous avons coutume de nous arrêter.
ou bien nous nous arrêtons dans le plaisir
des sens,
ou bien dans la satisfaction de notre
esprit propre,
ou bien enfin dans la vue de notre
perfection.
Voilà comme trois pays étrangers dans
lesquels nous nous arrêtons et ensuite nous n’arrivons pas en notre
patrie !
Et remarquons les divers progrès que fait
l’âme durant ce voyage.
ou nous nous arrêtons au-dessous de
nous ;
ou nous nous arrêtons en nous-mêmes ;
ou nous nous arrêtons au-dessus de nous.
Lorsque nous nous attachons au plaisir des
sens,
nous nous arrêtons au-dessous de nous !
C’est le premier attrait de l’âme encore
ignorante, lorsqu’elle commence son voyage.
Elle trouve premièrement en son
chemin cette basse région ; elle y voit des fleuves qui coulent, des fleurs
qui se flétrissent du matin au soir ; tout y passe dans une grande
inconstance.
Mais, dans ces fleuves qui s’écoulent, elle trouve de quoi
rafraîchir sa soif ; elle promène ses désirs errants dans cette variété
d’objets ; et quoiqu’elle perde toujours ce qu’elle possède, son espérance
flatteuse ne cesse de l’enchanter de telle sorte qu’elle se plaît dans cette
basse région.
“Egredere !” - “Sors !”. Songe
que tu es faite à l’image de Dieu ; rappelle ce qu’il y a en toi de divin
et d’immortel ; veux-tu être toujours captive des choses
inférieures ?
Que si elle obéit à cette voix, en sortant
de ce pays, elle se trouve comme dans un autre, qui n’est pas moins dangereux
pour elle ; c’est la satisfaction de son esprit propre.
Nuls
attraits que ses désirs, nulle règle que ses humeurs, nulle conduite que ses
volontés.
Elle n’est plus au-dessous d’elle, elle
commence à s’arrêter en elle-même : la voilà dans des objets et dans des
attaches qui sont plus convenables à sa dignité !
Et toutefois, l’oracle la presse et lui dit
encore : “Egredere !” - “Sors !”. Ame, ne sens-tu pas, par je ne sais quoi de
pressant qui te pousse au-dessus de toi, que tu n’es pas faite pour
toi-même ? Un bien infini t’appelle ; Dieu même te tend les
bras : sors donc de cette seconde région, c’est-à-dire de la satisfaction
de ton esprit propre.
Ainsi elle arrivera à ce qu’il y a de plus
relevé et de plus sublime, et commencera de s’unir à Dieu.
Et alors, ne lui sera-t-il pas permis de se
reposer ?
Non, il n’y a rien de plus dangereux : car c’est là qu’une
secrète complaisance fait qu’on s’endort dans la vue de sa propre perfection.
Tout est calme, tout est apaisé ; toutes les passions sont vaincues ;
toutes les humeurs, domptées ; l’esprit même, avec sa fierté et son audace
naturelle, abattu et mortifié : il est temps de se reposer !
Non, non ! “Egredere !” - “Sors !”.
Il nous est tellement ordonné de cheminer sans relâche, qu’il ne nous est pas
même permis de nous arrêter en Dieu ! Car, quoiqu’il n’y ait rien
au-dessus de lui à prétendre, il y a tous les jours à faire en lui de nouveaux
progrès ; et il découvre, pour ainsi dire, tous les jours à notre ardeur
de nouvelles infinités. Ainsi, nous enfermer en certaines bornes, c’est
entreprendre de resserrer l’immensité de sa nature.
Allez
donc, sans vous arrêter jamais : perdez la vue de toute la perfection que
vous pouvez avoir acquise ; marchez de vertus en vertus, si vous voulez
être digne de voir le Dieu des dieux. Telle est la vie chrétienne ! ».
Rien n’est un terme ici-bas. Tout est
seuil, départ, commencement ! Le Seigneur nous a dit, nous dit et nous
dura toujours : “Viens ; suis-moi !“ N’ayons pas peur de le
suivre.
A qui possède Dieu, rien ne manque ! "Dieu seul suffit !", disait Ste Thérèse d'Avila
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