2ème Dimanche du T.O. 13.C
Tous les ingrédients de la fête
sont réunis :
- les invités entourent les
nouveaux époux, tout émus.
- Le repas s'avère succulent.
Bien sûr !
- L’ambiance familiale est
chaleureuse.
- C’est un mariage prévu depuis
longtemps et qui a demandé grande énergie et grandes dépenses.
Et notons d'emblée avec quelle
solennité l'évangéliste conclut la scène : “tel fut le premier des signes de Jésus. Il l'accomplit à Cana en
Galilée. Il manifesta sa gloire ; et ses disciples crurent en lui”.
Il faut rapprocher cette phrase
solennelle de celle qui est proclamée au sujet de Moïse conduisant le peuple
d'Israël vers le "Dieu de
l'Alliance" au Sinaï. Au moment de la traversée de la mer rouge, il
est dit : "Israël vit la prouesse
accomplie par Dieu. Le peuple crut en Dieu et en Moïse, son
serviteur" (Ex 14.39).
Ainsi, à propos du miracle de
Cana, St Jean répète en un raccourci : "Jésus
manifesta sa gloire (une "prouesse accomplie par Dieu") et ses disciples crurent en lui !". Non seulement,
Jésus est un nouveau Moïse qui entraîne vers une Alliance avec Dieu, mais lui-même manifeste la gloire divine
"la prouesse de Dieu" en ce signe d'un mariage à Cana, posé comme signe
de la possible Alliance de tout homme avec Dieu.
Tel fut le "premier"
signe de ce qu'il accomplira en son mystère pascal : mystère de l'Alliance de Dieu avec l'homme !
- “Premier”, au sens
chronologique : ce signe marque bien le début du ministère public de
Jésus.
- “Premier” au sens où après
Cana, suivront d'autres “signes” : les miracles et guérisons de toutes sortes
que Jésus accomplira par la suite.
- Mais “premier” surtout au sens
hiérarchique : c'est un acte prépondérant, primordial, fondateur,
emblématique de tout ce qui suivra. Un acte par lequel s'exprime la
signification de la venue du Fils de Dieu parmi les hommes : une Alliance de Dieu avec l'homme !
Ce mariage à Cana est comme
l'occasion de révéler la véritable identité de Jésus. Oui, Jésus se révèle
comme le véritable époux de l'humanité. Jean l'évangéliste n'hésite pas à
appeler d'ailleurs Jésus “l'Époux”. Et Jésus lui-même se présentera ainsi. Aux
pharisiens qui reprochent à ses disciples de ne pas jeûner comme les disciples
de Jean-Baptiste, il répliquera : “Pouvez-vous
faire jeûner les invités à la noce pendant que l’époux est avec eux ? Oui,
un temps viendra ou l’époux leur sera enlevé…”. (Luc 5/34).
Très souvent on souligne la
dimension paternelle de Dieu, de Dieu-Créateur, ou même sa dimension maternelle
qui se traduit par des sentiments de tendresse et de miséricorde… Mais on n’a
pas coutume de relever dans la Bible l'aspect nuptial de Dieu.
Et pourtant, cette dimension
éclate à plusieurs reprises. Isaïe prophétisait : “Comme un jeune homme épouse une jeune fille, celui qui t'a faite,
Dieu, t'épousera. Comme la jeune mariée est la joie de son mari, ainsi tu seras
la joie de Dieu” (62.5). Et le prophète Osée nous
présente l'image d'un Dieu épris d'Israël et qui va jusque dans le désert
rechercher son épouse infidèle. L'apôtre Paul, lui-même, à propos de l'amour de
Dieu qui nous presse et nous étreint, emprunte l'image de jeunes époux enlacés.
Et il dira aux Corinthiens : “Je
vous ai fiancés à un époux unique”. (II Cor 11/2).
Ainsi, pour Jésus, la célébration
de toute noce qualifie, doit qualifier la relation intime et vivante que Dieu
noue avec l'humanité, avec chacun d'entre nous. Et dans cette relation, on
retrouve les traits spécifiques de la vie conjugale.
1. D'abord le choix libre.
Parler d'un Dieu époux, c'est
prendre conscience que Dieu m'a choisi, qu'il m'a élu et aimé de toute
éternité : “Tu m'as fait surgir du
sein de ma mère et tu m'as mis en sécurité sur elle..., dit le psaume 22, Dès le
sein de ma mère, tu as été Mon Dieu !".
Aussi, parler
d'épousailles entre Dieu et l'humanité.
c'est
engager chacun à faire le choix de Dieu, à se déterminer pour Dieu,
c’est
reconnaître cet amour divin qui m'est antérieur, qui me sollicite et m'invite
sans cesse à lui répondre, à nouer avec lui une alliance de vie,
c’est être
appelé à choisir, en toute liberté le Seigneur, à l'accueillir, à lui ouvrir
les portes de son cœur et de toute sa vie,
c’est se
confier à lui comme à son conjoint, à laisser son amour nous envahir. Car “aimer, n’est-ce pas être sans repos à cause
d’un autre ?”, demandait un philosophe.
2. Aimer, c'est se choisir. Mais aimer, c'est aussi s'engager.
Tel est le sens d'une cérémonie
publique de mariage :
Devant les parents, les amis,
devant la société, deux personnes posent un acte officiel d'engagement.
Ils se promettent fidélité,
assistance, soutien.
Ils savent que dans les moments
difficiles, ils se feront un devoir, une règle de s'aimer. Et cet engagement
est perçu comme la preuve d’un véritable amour.
Ils comprennent que
"aimer", c'est durer en amour. C'est le point de départ d'une
confiance réciproque et que l'on veut éternelle, pour toujours.
Or Dieu qui est comme un époux
est toujours fidèle. Son amour
ne connaît ni sautes d'humeur, ni états d'âme. Il est invariable, indéfectible.
Et pour peu que nous nous éloignions de lui et que la distance se creuse entre
lui et nous, voici que son amour se fait supplication, compassion. Comme le
père du fils prodigue, son amour endure patience, souffrance.
Mais qu’en est-il en retour de
notre fidélité ?
Tel est bien le drame de notre
vie, souvent. Par faiblesse, par oubli de nos promesses baptismales, de nos
professions de foi, de nos bonnes intentions initiales, nous nous reprenons,
nous faisons des compromis, nous biaisons. Notre amour est incertain. Il est
parfois, disait le prophète Osée, comme la rosée matinale qui s’évapore.
C’est en ce sens que St Jean note
qu’à Cana, le vin manqua : “Ils
n'ont plus de vin” se lamente Marie qui intercède auprès de son Fils.
“ll y avait six jarres de pierre” note St Jean. Le chiffre n'est
pas anodin. C'est le chiffre de l'homme créé le sixième jour selon le récit
symbolique de la Genèse. Les six jarres sont vides. Vide est l’humanité. Vide
de ce vin qui traditionnellement est symbole d'amour, de joie.
À Cana, Jésus vient à la
rencontre d'une humanité qu'il veut épouser, mais il la trouve privée d'amour.
Il vient la rejoindre dans son incapacité à rendre amour pour amour. Il nous
rejoint dans nos manques d’amour !
Nos insatisfactions, nos échecs,
nos déceptions, nos épreuves sont bien à l'image de ces jarres vides. Cependant
n’allons pas nous désespérer de nos vides, ruminer nos frustrations tout en
essayant de les combler par des artifices trompeurs. Au contraire, sachons tout
disposer - même nos privations et pauvretés, nos échecs et nos lâchetés -,
sachons tout disposer en une immense coupe en laquelle l’amour miséricordieux
de Dieu viendra déposer la tendresse et la joie d'un vin nouveau, d'un nouvel
amour comme à Cana.
Et sachons encore - et surtout -
être interpellés, nous aussi, comme les serviteurs de Cana par l'invitation de
Marie : “Faites tout ce qu'il vous
dira !”. Présentons nos jarres vides, nos mains vides, nos cœurs vides...
comme autant de lieux où un amour nouveau, celui du Christ, viendra nous
consoler de toute peine et nous apporter une joie indicible. La joie de l'Époux
! Dès aujourd’hui et pour toujours
Car Jésus veut nous faire
comprendre que nous ne serons pas sauvés malgré nos faiblesses, mais à partir
d'elles. C’est toujours aujourd’hui le "premier
signe de Jésus" en nos vies !
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