Lundi après Epiphanie C 13
St Jean est souvent d’une lecture un peu
difficile. Son discours est comme les vagues d’une marée montante. Chacune, se
nourrissant du reflux des précédentes, ne fait que ramener ce qu’elles
contenaient avec, cependant, un
enrichissement, une vigueur nouvelle, en vue d’une avancée plus
importante ! - Dans la lecture d’aujourd’hui, l’Apôtre ne
fait que conclure son enseignement précédent.
Tout d'abord, il nous encourage : “Tout ce que nous demandons au Seigneur, il nous l’accorde !“.
C’est le privilège du chrétien d’avoir l’assurance d’être écouté du Seigneur,
d’être exaucé ! Notre Seigneur lui-même disait : “Demandez et l'on vous donnera ; cherchez et vous trouverez... Car
quiconque demande reçoit ; qui cherche trouve... Si vous savez donner de bonnes choses à vos
enfants, combien plus votre Père qui est dans les cieux en donnera-t-il de
bonnes à ceux qui l'en prient !“ (Mth 7.7—11).
Pour St Jean, cette assurance s’enracine dans
la foi du chrétien et dans la conformité de son vouloir avec la volonté divine :
“garder ses commandements et faire ce qui
plaît au Seigneur !“.
La logique est absolue : soucieux
d’obéir aux commandements de Dieu, le croyant ne peut rien demander qui ne soit
accordé à cette volonté divine. St Paul dira que dans une telle prière, Dieu
reconnaît son Esprit : “L'Esprit
vient au secours de notre faiblesse ; il intercède pour nous en des
gémissements ineffables. Et Celui qui sonde les cœurs sait quel est le désir de
l'Esprit et que son intercession pour les saints correspond aux vues de
Dieu !“ (Rm
8.26-27).
Cela étant affirmé, St Jean revient au thème qui lui est cher : la foi et les commandements dont le principal est de “nous aimer les uns les autres“.
Autrement dit : pour faire des
actes de charité explicites, il faut faire des actes de foi. La foi
et la charité sont liées ! On l’oublie parfois facilement. Et souvent, on
baptise un peu vite du nom de “charité“ tout sentiment d’amour éprouvé !
Pour un chrétien, normalement, il y aura toujours un acte de foi pour que la
charité s’exerce véritablement en lui. Un regard de charité est un regard
inspiré par la foi. Il faut sans cesse dépasser le regard naturel, spontané que
nous pouvons porter sur nos frères pour les regarder d’abord en Jésus qui est
notre Vie. Avoir foi en Notre Seigneur nous donne la faculté de poser de
véritables actes de charité. C’est à ce prix que la charité coule de source.
Sinon nous vivons facilement au gré de nos humeurs. Et l’on s’en va nous
détournant d’un frère en disant : “Oh !
Aujourd’hui, il a ses humeurs !“, oubliant, bien sûr, que ce frère
fait la même réflexion à notre propos !
Et St Jean de préciser : c’est en
gardant les commandements du Seigneur - surtout celui de la charité exercé dans la foi - que Dieu
demeure en nous. Et nous savons que Dieu demeure en nous “puisqu’il nous a donné son Esprit !“.
Encore faut-il faire bien attention à la
maïeutique, à la dialectique de St Jean :
- Dire que je demeure en Dieu et Dieu en
moi, parce que je tends, avec foi, à aimer mes frères, cela peut être
légitime du fait que je peux constater mes actes de charité qui sont de l’ordre
du concret, du palpable, du visible…
- Mais dire : parce que j’ai reçu
le Saint-Esprit, Dieu demeure en moi, et moi en Dieu, ce peut être,
simplement, de la présomption du fait que le Saint-Esprit, je ne le vois
pas !
Aussi, St Jean précise ensuite ce que fait
l’Esprit Saint en nous de façon que je puisse facilement le reconnaître !
- Il précise d’abord de façon
négative : Ne croyez pas n’importe quel esprit ; ne vous fiez pas à
tout esprit, c’est-à-dire à toute inspiration. Car il y a, de par le monde,
beaucoup d’inspirés, beaucoup de prophètes : ceux de la race (comme Hitler), ceux de la classe
sociale (comme
Marx),
ceux de l’honneur militaire (comme de Gaulle), ceux de l’art (comme Picasso)… et que sais-je
encore…, ceux de la mystique aussi (ils sont plus nombreux qu’on ne le pense,
ceux-là !).
Aussi, l’important, c’est d’éprouver les inspirations, savoir qui nous
inspire…, savoir ce qui vient du monde - pour mieux le renier - et ce qui vient
de l’Esprit !
- C’est pourquoi St Jean précise de façon
positive : “Tout inspiré qui proclame que Jésus Christ est venu
parmi nous dans la chair, celui-là appartient à Dieu !“. - Jésus
Christ parmi nous, dans la chair ! Une expression qui veut certainement
combattre les courants du gnosticisme du temps de St Jean. Bien sûr ! Mais
c’est une phrase qui vaut pour tous les temps. Autrement dit, le discernement
véritable est celui-ci : est-ce que j’incarne véritablement le don
de Dieu dans ma vie ? Est-ce que je suis fidèle à la logique de
l’Incarnation ?
Certes, je crois que le Verbe s’est fait
chair, qu’il est né à Bethléem, de la Vierge Marie, qu’il est mort sur une
croix “pour la multitude des hommes“. Cela, c’est ma foi théorique.
Est-ce que cette foi s’incarne dans ma vie. Voilà le critère de discernement
pour pouvoir affirmer : “Parce que
l’Esprit m’a été donné…“.
L’Esprit me poussera toujours à “incarner“
au maximum le don de Dieu dans ma vie. L’Esprit ne nous poussera jamais
à une sorte d’évasion, de désincarnation, à une spiritualisation de moi-même
qui ne peut être que fausse. L’Esprit nous pousse à assumer le plus pleinement
possible tous mes actes dans ma condition charnelle.
Dès lors, on ne peut pas souscrire à ce que
certains nous disent : Oh ! Vous les religieux, les religieuses, vous
êtes dans le spirituel… Nous, nous sommes obligés d’être dans le charnel !
Quelle fausseté ! : tous, nous y sommes jusqu’au cou, dans le charnel ;
car nous avons un corps, et un corps non encore spiritualisé. Cela arrivera, à l’exemple
du Christ pascal, au jour de notre éternité !
Mais St Jean nous console : “Celui qui est en vous est plus grand, c’est-à-dire
plus fort, que celui qui est dans le
monde“ : le prince de ce monde. C’est une affirmation
catégorique : Satan est extérieur à nous ; il ne peut être
véritablement en nous. Seul, Dieu peut nous habiter, dit St Jean. Vous les avez
vaincus les “anti-Christs“ parce que vous vous êtes laissés pénétrés par
l’Esprit-Saint !
Et puis, dernière remarque : dans son
raisonnement, St Jean discerne : il y a “vous“, il y a “eux“, il y a “nous“ !
Et ce “nous“, ce sont les Apôtres, le corps épiscopal. Voilà certainement un
deuxième critère de discernement.
Le premier, c’est la foi, l’incarnation de
la vie de foi, la présence de l’Esprit Saint en tous nos actes.
Le second, c’est écouter l’autorité de
l’Eglise, entrer volontiers, librement dans ce que demande l’autorité de l’Eglise,
non par une obéissance mécanique, rituelle, mais par une obéissance spirituelle.
Et cela pose bien des problèmes, surtout à certaines époques !
Mais pour celui qui accepte cette obéissance
dans la foi, c’est toujours fécond et pour l’Eglise et pour lui-même.
Certes,
l’autorité rendra compte de ses décisions. Et il sera demandé davantage à ceux
qui ont reçu davantage. Mais pour chacun, nous rendrons compte de notre
obéissance profonde, joyeuse, spontanée, même si quelques fois c’est difficile.
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