Quel étrange
récit que celui
de la disparition de Jésus et de son “recouvrement
au Temple", comme on dit dans le Rosaire.
Etrange car personne ne s'attend à voir Jésus - dont St Luc dit qu'il grandissait en sagesse - se comporter de cette façon envers Marie et Joseph. Il s'agit pourtant de la première démarche personnelle et de la première parole de Notre Seigneur que l'Evangile rapporte ! Démarche et parole qui nous déconcertent.
Et cependant si l'on y réfléchit, cet évènement apparaît exemplaire, en ce sens que l’avenir du Christ et aussi l'avenir de chacune de nos vies dans le Christ s’y trouvent annoncés.
Il n’y a qu’à remarquer certains détails ; et de singuliers rapprochements se
feront aussitôt :
- Trois jours : pendant trois jours Jésus n'est plus là et se laisse chercher ! Mais n'est-ce pas là ce délai qu'il fixera souvent quand il parlera de sa mort et de sa résurrection ? "Le Fils de l'homme - dira-t-il - doit
être livré aux mains des hommes… et il ressuscitera le troisième jour".
- Autre rapprochement : "Je dois être aux affaires de mon Père", répond-il à ses parents angoissés. Or ces mots : "Je dois" ou
bien "Il faut“, nous n’avons aucune peine à les retrouver en d'autres dialogues. “Le Fils de l'homme doit souffrir beaucoup", déclare Jésus à
ses apôtres. Et aux pèlerins d'Emmaüs : "Ne fallait-il pas que le Christ endurât ces souffrances pour entrer dans sa gloire
?”.
- Enfin, autre élément de comparaison : si la réponse de Jésus laisse interloqués
Marie et Joseph, de même, remarque St Luc souvent, les Apôtres "ne comprirent rien“, ils ne comprenaient rien à l’enseignement et aux événements que Jésus leur annonçait (Lc 2.50).
Ainsi l'évangile d'aujourd'hui nous découvre l'avenir de Jésus. Le voici annoncé, symbolisé : disparition, puis recouvrement. Autrement dit : Pâque, passage de la mort à la vie, passage des ténèbres à l'aube éblouissante du troisième jour, passage nécessaire selon la plan de Dieu, mais bouleversant pour la raison et pour le
cœur de ceux qui en sont les témoins… et pour nous encore.
Souvent il nous est dit qu'il n'est pas une peine, un effort, un geste de générosité qui ne puisse prendre cette orientation et cette valeur.
Je ne fais pas, là, allusion, bien sûr, à une rupture consentie de notre part ! Un auteur spirituel a écrit : “Dieu ne nous quitte pas ; on le renvoie… ! ”.
Je ne pense pas, ici, au mal où s’engage parfois la liberté humaine, au péché dont elle accepte les conséquences : perdre Dieu parce qu'on l'a renvoyé.
Non ! Je pense à ces journées, à ces périodes de l'existence, où le Christ semble absent, absent de notre cœur, absent de notre esprit. De cette absence qui nous fait nous
exclamer : “Je n’arrive plus à prier. Je n'ai plus de goût pour les choses de Dieu !”. Ou bien, “Toutes sortes de difficultés me submergent, et l'aide implorée ne vient pas !”. On dit cela… Ou encore : “Ma foi semble faiblir ; et je me sens comme dans un désert, une solitude. Je cherche
à tâtons, je frappe à toutes les portes, comme Marie et Joseph qui firent le
tour des amis et connaissances afin d’être rassurés… ! - Mon Dieu, où
êtes-vous ?”.
Ste Catherine de Sienne a posé cette question : “Mon Dieu, où étiez-vous ?” après qu'elle eut retrouvé cette présence du Seigneur. Elle s'était affrontée à des tentations obsédantes et, la paix revenue, elle se plaignait, elle aussi. - “J'étais dans ton cœur !”, répondit Jésus.
Voilà ce qu'il importe de retenir. Le Seigneur ne nous quitte pas. Il est là, invisible. Mais il agit parfois envers nous comme envers sa propre mère !
A Marie, il voulut rappeler l'œuvre pour laquelle il s'était incarné et qui réclamait son indépendance de Fils de Dieu.
Nous, il veut nous empêcher de nous endormir dans le confort spirituel trop humain,
obtenu par la force de notre propre volonté et en lequel on se complaît
facilement. Notre foi, il la met à l'épreuve - non pas pour l'abattre comme peut faire un entourage hostile - mais pour la fortifier, la purifier, pour que s'accomplisse cette chose fantastique : retrouver le Seigneur après l'avoir réellement
cherché, comme Marie et Joseph en quête de leur enfant.
Y a-t-il un seul converti parmi nous - et quel chrétien authentique n'est pas de quelque manière un converti ? - qui ne reconnaisse là son difficile chemin vers la
joie d’un recouvrement, la joie de trouver vraiment le Seigneur ?
Une phrase de St Luc éclaire ce mystère de la Sainte Famille : Marie “gardait toutes ces choses dans son cœur”.
Ils gardaient, les partageant certainement, tous les événements ; ils les
méditaient en leur cœur. Ce qu'ils comprenaient, Marie et Joseph s’en
pénétraient jusqu’au plus profond de leur être. Et ce qu’ils ne comprenaient
pas, comme cette disparition de leur enfant, ils la gardaient en eux, pour que
ces gestes et ces paroles qui les dépassaient, agissent sur leur cœur et
l'élargissent en une dimension divine.
Aussi, nous,religieux, religieuses, prions instamment pour tous les foyers chrétiens. J’ose moi-même faire cette prière : “Que s'épanouisse en vos familles l'idéal si
précis que trace Saint Paul : laissez le Christ venir au sein de vos
familles, le laisser vivre au milieu de vous et en vous.
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