1er Avent C 12-13
Cet évangile que nous venons d'entendre
fait un peu "froid dans le dos", comme l’on dit. Toutes les catastrophes possibles sont envisagées. Ce qu'on peut
connaître aujourd'hui n'est rien à côté de ce qui est annoncé.
En fait, St Luc utilise, là, dans son évangile
le genre “apocalyptique. Et si ce style littéraire est habituel dans la
Bible, il ne l’est pas pour nous ; aussi, il nous déconcerte quelque peu. Sachons
simplement qu’il veut illustrer avec vigueur le désarroi des croyants face à la
violence et aux forces de destruction toujours actives dans le monde, dans
notre monde ! Mais c'est, en même temps, un immense acte de foi : de
toute manière, malgré les plus fortes apparences contradictoires, Dieu aura le
dernier mot et nous relèvera de tous nos malheurs.
C'est d’ailleurs tout le sens de la
première lecture - celle du prophète Jérémie - : Rien, dit-il, ne peut
détourner Dieu de la fidélité à sa “promesse“, à son alliance : aucun mal,
pas même le mal par excellence, le péché. Dieu accomplira sa promesse de
bonheur!
Certes, à certains moments, on en viendrait
à se demander si la Parole de Dieu n'est pas une "parole en l'air",
sans effet. Non !,
répond vigoureusement Jérémie qui vivait pourtant, lui, à une époque de catastrophes. Dieu agit d'une manière plus subtile et plus
complexe que nous aurions tendance à l'imaginer. "Dieu-notre-Justice"
est là, à l'œuvre en nous, autour de nous ; il agit au cœur des réalités
visibles, par son Esprit dont on ne perçoit “ni
d'où il vient ni où il va“ (Jn 3.8), comme disait Jésus à Nicodème plongé dans
la détresse de l’incompréhension. Et le temps viendra où apparaîtra au grand
jour le salut qu'il accomplit dès maintenant, dans le secret !
Et tous les apôtres rediront ce message :
Certes, la Jérusalem terrestre n'est pas la Cité d'en-haut ; ni l'Eglise de
la terre, le Royaume céleste ! Et pourtant, ce Royaume est déjà parmi nous, en
gestation. Et cette assurance doit nous permettre d'espérer "contre toute espérance", comme disait St Paul (Rm 4/18), d’espérer avec
tous ceux qui ont cru, qui croient et qui croiront en la Promesse divine ; cette promesse doit nous permettre de nous tenir debout, de nous tenir sans cesse "debout devant le Fils de l'homme"
c’est-à-dire le Christ glorieux qui va paraître en nous-mêmes. Aussi, nous lui
disons avec le psalmiste : "Vers
toi, Seigneur, j'élève mon âme… ; Seigneur, enseigne-moi tes voies,
fais-moi connaître ta route ; dirige-moi, enseigne-moi, car tu es le Dieu qui
me sauve“ (Psaume).
Et après tous les prophètes, après tous les
apôtres, les Pères de l'Eglise, les auteurs spirituels rediront, à travers les
siècles, ce message d'espérance au milieu, parfois, des pires calamités : Oui, le Seigneur est venu. Oui le
Seigneur viendra. Oui, le Seigneur vient ! Il vient nous sauver !
C'est tout le sens de ce temps de l'Avent
qui nous incite constamment à découvrir à redécouvrir la proximité du Christ,
au milieu même de nos difficultés diverses et souffrances que, lui aussi, a
traversées avant nous !
Par ce temps de l'Avent, disait déjà un
évêque de Jérusalem des premiers siècles, St Cyrille, "nous annonçons l'avènement du Christ : non pas un avènement
seulement, mais aussi un second, qui est beaucoup plus beau que le premier.
- Celui-ci,
en effet, comportait une signification de souffrance ;
et
celui-là porte le diadème de la royauté divine.
- Dans
le premier avènement, il est enveloppé de langes dans la crèche ;
dans
le second, il est revêtu de lumière comme d'un manteau.
- Dans
le premier, il a subi la croix, ayant méprisé la honte ;
dans
le second, il viendra escorté par l'armée des anges, en triomphateur.
- Nous
ne nous arrêtons pas seulement au premier avènement : nous attendons aussi
le second".
Saint Bernard (+ II53) complétera en
parlant d'une triple venue du Seigneur :
« Nous
savons qu'il y a une triple venue du Seigneur...
La
troisième se situe entre les deux autres...
Celles-ci,
en effet, sont manifestes, celle-là, non !
-
Dans sa première venue, il est apparu sur la terre et il a vécu avec les
hommes, lorsque - comme lui-même en témoigne - ils l'ont vu et l'ont pris en
haine : “Si le monde vous hait, sachez que moi, il m'a pris en
haine avant vous !“ (Jn 15.18).
-
Mais lors de sa dernière venue, "toute chair verra le salut de notre Dieu
et ils regarderont vers celui qu'ils ont transpercé“ (Jn 19.37).
- La
venue intermédiaire, elle, est cachée : les élus seuls la voient au fond
d'eux-mêmes, et leur âme est sauvée.
Ainsi
il est venu d'abord dans la chair et la faiblesse ; puis, dans l'entre-deux, il
vient en esprit et en puissance ; enfin, il viendra dans la gloire et la
majesté...
Cette
venue intermédiaire est vraiment comme la voie par laquelle on passe de la
première à la dernière : dans la première le Christ fut notre Rédemption ;
dans la dernière il apparaîtra comme notre vie ; et entre-temps..., il est
notre repos et notre consolation, notre
force, car "il montre le chemin, il dirige les humbles, il les enseigne,
il fait connaître son alliance" comme le chante le psaume ».
En ce temps de l'Avent, portons toute notre
attention à cette venue intermédiaire, dit un autre Spirituel du XIVe siècle
(Tauler) : cette venue est celle par laquelle "Dieu, tous les jours et à toute heure, naît en vérité,
spirituellement, par la grâce de l'amour, dans une âme". Oui prêtons
attention ! Car en cette venue
"Dieu nous devient tellement nôtre ; il se donne à nous en telle
propriété, que personne n'a jamais rien eu en si intime possession".
Et il expliquera : « Le Christ peut naître mille fois à Bethléem, cela ne te sert de
rien s'il n'est pas né dans ton cœur, si tu n'as pas été engendré en lui. A
quoi peut vous servir que le Christ soit jamais venu dans la chair, s'il n'est
pas venu aussi jusqu'à votre âme? Prions donc pour que chaque jour son
avènement s'accomplisse en nous et que nous puissions dire comme St Paul : “je
vis, mais ce n'est plus moi, c'est le Christ qui vit en moi !“ » (Gal. 2.20).
Et, il y a simplement quelques années, le
Père de Lubac, grand théologien, se plaisait à souligner la richesse de ces thèmes
qui traversent les siècles : "Rien
de plus antique et moderne à la fois, rien de plus largement diffusé que ce
thème de l'avènement, de la naissance mystique du Christ dans l'âme du croyant,
avec ses très nombreuses variantes et résonances".
En ce temps de l'Avent, rejoignons ce long
cortège de ces "re-nés" dans le Seigneur. Car, depuis les
commencements jusqu'à nos jours, la foi chrétienne proclame que Dieu s'est fait
ce que nous sommes - prenant condition humaine - pour que nous devenions ce
qu'il est - partageant sa condition divine -. Naître à nouveau devint possible
puisque, selon St Augustin, “Dieu s'est
fait homme en prenant ce qu'il n'était pas - une humanité - et non en perdant
ce qu'il était - sa divinité -“.
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