Avent 2 Lundi 12-13 -
Pour comprendre quelque
peu le prophète Isaïe, il faut toujours se souvenir de la clef qu’il nous
transmet pour déchiffrer l’histoire, l’histoire sainte et notre propre
histoire, lorsqu’il affirme :
“Ne vous souvenez plus des événements anciens, ne
pensez plus aux choses passées. Voici que je vais faire une chose nouvelle.
Déjà elle pointe. Ne la reconnaissez-vous pas ?“ (Is 43.18).
Isaïe est vraiment
l’homme de la foi ; il avait réuni ses disciples en “une école de la foi“
près de la petite source de Gihon en contrebas de Jérusalem, à l’est. Cette toute
petite source, affirmait-il, est le symbole de la présence de Dieu, de la force
de Dieu face aux grandes puissances symbolisées, elles, par des fleuves
immenses, le Nil et l’Euphrate.
Aussi, près de
cette petite source de Gihon, face à une coalition de l’Assyrie et du Royaume
du nord (Samarie), il lance son refrain
de fidélité : “Si vous ne
croyez pas, vous ne vous maintiendrez pas“. - “Si vous ne tenez pas fermes (dans la foi), vous ne serez pas affermis !“. Il
y a un jeu de mots en hébreu : “Si
vous ne tenez pas fermes (ta’aminu), vous ne serez pas affermis (té’aménu)!“. La racine “aman“ (d’où vient notre “amen“) signifie solidité, stabilité,
évoque l’idée de soutien, d’appui, de support durable…
Et c’est avec ce
slogan de foi, qu’Isaïe invite ses disciples à considérer toute l’histoire du
peuple élu ; et il s’écrie en quelque sorte : Avec le Seigneur,
nous allons toujours vers un “plus“. Et le Royaume vers lequel nous marchons
sera plus beau que tous les paradis que nous laissons derrière nous. On va
toujours vers du nouveau. - Avec la
lecture d’aujourd’hui et celle de demain, c’est comme un nouvel exode :
“Le désert et la terre de la soif, qu’ils se
réjouissent. Le pays aride, qu’il exulte et fleurisse…. On verra la gloire du
Seigneur, la splendeur de notre Dieu…
Aplanissez la route pour notre Dieu... ! Alors la
gloire de Dieu se révèlera ; et toute chair, d’un coup, la verra, car la
bouche du Seigneur a parlé…“.
Oui, il s’agit,
avec Isaïe (le
1er, 2ème ou 3ème, selon les distinctions
actuelles, peu importe),
d’un exode qui fera sortir le peuple élu, non plus d’Egypte, mais de Babylone,
qui le fera encore traverser par bien des déserts pour toujours revenir en
Terre promise, en Jérusalem !
Et conjointement
aux diverses délivrances accomplies par le Seigneur, il ya, il y aura toujours une
progression dans une nouvelle “Alliance“, plus grande que celle du Sinaï. C’est
Jérémie qui précisera :
“Voici venir des jours - oracle du Seigneur - où je
conclurai avec la maison d'Israël et la maison de Juda une alliance nouvelle.
Non pas comme l'alliance que j'ai conclue avec leurs pères, … et qu'eux-mêmes
ont rompue… Voici l'alliance que je conclurai : … Je mettrai ma Loi au
fond de leur être et je l'écrirai sur leur cœur. Je serai leur Dieu et eux
seront mon peuple“
(Jr
31.31sv).
On va vers une
nouvelle Alliance. Et l’on peut suivre, en survolant l’Ancien Testament, les
étapes par lesquelles le peuple en arrive à cette conviction que, pour s’en
sortir, si l’on peut dire, il faut
une nouvelle Alliance qui ne sera rien moins qu’une nouvelle Création grâce à
laquelle la Loi du Seigneur sera inscrite dans les cœurs.
Au fur et à mesure
que l’on avance dans cette Alliance avec Dieu, il y a comme un leitmotiv que,
malheureusement, on peut reprendre à notre propre compte : le peuple fait
l’expérience de l’infidélité (comme nous tous) et, de l’infidélité, il tombe dans
l’esclavage (comme
nous tous).
Du fond de l’esclavage, comme au temps où il faisait des briques en Egypte,
il crie vers Dieu. Et Dieu lui envoie un
Sauveur. Alors la délivrance se produit !
C’est un leitmotiv
qui parcourt toute la Bible (Cf. livre des Juges, des Rois etc).
Mais vient un
moment où, si je puis dire, le rythme s’accélère : lorsque le peuple est
déporté à Babylone, il n’est plus qu’ossements desséchés. C’est
l’anéantissement. Il se rend compte qu’il faut non seulement une nouvelle
Alliance, mais bien un nouvelle Création. C’est Ezéchiel qui développera cette théologie de la
régénération comme d’une nouvelle création, par l’eau et par l’Esprit (Cf. sa vision ch.
37).
Et il est bon de
remarquer que cette théologie d’exode et de délivrance, cette théologie de
régénération nécessaire par l’eau et par l’Esprit, sera reprise sur un plan
tout à fait personnel, par le psaume 50ème, par exemple, mis
dans la bouche de David après son péché avec Bethsabée qui lui a fait commettre
un meurtre :
“Crée en moi un cœur pur; restaure en ma poitrine un
esprit nouveau !“. (Ps
50)
Il faut, il nous
faut sans cesse une nouvelle “création“ qui sera due, comme la première, à un
amour divin purement gratuit. Purement gratuit, comme l’affirme
souvent St Paul. Il nous faut encore lutter contre une certaine philosophie platonicienne
(transmise
à nous par le “pseudo-Denys surtout) qui enferme la Révélation dans certaines
catégories de pensée : “Le Bien est
diffusif de lui-même“, comme si Dieu avait été obligé de créer parce qu’il
est Bon ! - Et bien “NON“ ! C’est par un acte purement gratuit que
Dieu a créé, qu’il ne cesse de créer, et qu’aujourd’hui même, si nous le
voulons, il nous recrée… en vue d’une Alliance éternelle !
“Vois ! priait David. Mauvais je suis né, pécheur, ma mère m’a conçu. Mais tu aimes la vérité
au fond de l’être !“.
Et Jésus qui est la
Vérité...
“Je suis venu dans le monde, disait-il à Pilate
qui ne comprenait pas (comme
nous-mêmes parfois)
pour rendre témoignage à la vérité.
Quiconque est de la vérité écoute ma voix“ (Jn 18.37)
...Jésus qui est la
Vérité fait la vérité - tu aimes la
vérité au fond de l’être ! -, à condition de l’écouter avec foi, avec
cette profonde foi que proclamait Isaïe, l’homme de la foi !
Aussi, dans l’évangile
d’aujourd’hui, Jésus, regardant la foi de ceux qui portaient un paralysé
sur une civière, dit : “Tes péchés
sont pardonnés !“. Et comme signe de cette délivrance d’un exode
douloureux, il le fait mettre debout et marcher…
Et tous de s’exclamer :
“Aujourd’hui, nous avons vu des choses
extraordinaires !“. C’est le refrain de toutes les délivrances qui
ponctuent tous les exodes : “Merveilles
que fit pour nous le Seigneur !“
C’est le refrain
des bergers de Noël !
C’est le refrain pascal !
Aussi, avec St Jean nous nous
préparons à chanter ce refrain d’éternité après nos exodes terrestres : “J’entendis comme la grande rumeur d’une
foule immense qui, dans le ciel, chantait : « Alleluia ! Le
salut, la gloire et la puissance sont à notre Dieu ! »“ (Apoc 19.1).
Dans cette attente, restons, avec
Isaïe, fermes dans la foi :
“Si vous ne tenez pas fermes (ta’aminu), vous ne serez pas affermis (té’aménu)!“. Amen !
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