Epsilon
de Carême
Comment articuler le temps et l'éternité dont nous parlons
souvent en cette période de Carême ?
Question courante et difficile ! Car l'homme a l'expérience de l'un mais pas de
l'autre.
Et l'on se dit pourtant : Derrière la fuite
inexorable du temps, la précarité et la fugacité de toute chose, il y a
certainement une permanence fondatrice sans laquelle rien ne serait, ni rien ne
tiendrait ! On peut donc affirmer, d'entrée de jeu, que le temps et l'éternité
ne sont pas deux mondes étrangers. Il nous faut les penser ensemble.
Mais tous, nous avons tendance à imaginer
une succession :
- le temps présent,
- puis l’attente de la résurrection,
- et enfin l'éternité.
Mais penser ainsi, c'est réintroduire le
temps et ses codes arbitraires dans quelque chose qui n'a rien à voir avec le
temps. On ne peut pas situer l'éternité après le temps : Dieu n'est ni avant ni
après !
Il faut donc essayer d'analyser et de
discerner. Et on peut dire de façon schématique :
- le temps, c'est la succession de nos
instants présents !
- l'Eternité, c'est Dieu qui n'a ni
"avant", ni "après". Il "est" ! Éternel Présent. Pur Acte d'être !
L'homme, affirme-t-on, a une "âme
immortelle" ; mais il n'est pas de soi "éternel". Il ne peut
accéder à l'éternité qu'en communiant à l'"Unique Éternel", à Dieu
lui-même ! Communion plénière quand nous serons dans la Gloire. Communion
anticipée ici-bas quand nous sommes dans la grâce.
- La résurrection, elle, relève de
ce que la théologie orientale appelle "l'Économie divine" : une réflexion sur l'Agir de
Dieu. Et non de la Théologie qui est une réflexion sur l’Être de Dieu.
La résurrection du Christ inaugure un monde
nouveau, tout en étant un événement de ce monde : elle est précisément à la
charnière des deux, du temps et de l'Eternité. Elle est une "Pâques",
où s'accomplit le passage d'un monde obscur marqué par la mort vers un monde de
lumière et de béatitude.
La Pâque du Christ annonce et appelle notre
propre résurrection, qui est également “quelque chose qui nous arrive” : un
événement !
Un "événement" ! En deux temps
:
- Tout d'abord, nous faisons l'expérience d'une
résurrection spirituelle, dès la vie présente : c'est comme une nouvelle
naissance. Nous recevons une vie nouvelle, qu'on appelle aussi "vie
éternelle". Nous entrons dans le Royaume de Dieu, par la porte de la foi
et des sacrements de la foi.
- Dans un deuxième “temps”, au-delà de la
mort, nous connaîtrons la résurrection corporelle.
L'une et l'autre s'inscrivent dans une
histoire et donc jalonnent une durée, durée temporelle pour la première, durée
mystérieuse pour la seconde.
La théologie classique appelle cette dernière
durée, cette "durée mystérieuse" : "aevum" qui n'est
ni le temps, ni l'éternité. Mais quelque chose entre les deux :
- une permanence sans avant ni après, ce en
quoi elle ressemble à l'éternité divine,
- mais dans laquelle cependant il peut y
avoir des “moments”, ce en quoi elle ressemble au temps des créatures
corporelles. (Cf
St Thomas d'Aquin : Somme théologique : Ia art. 1 - q. 5-6).
Bref,
- Dans le temps, nous allons vers Dieu,
avec l'aide de sa grâce qui nous fait déjà "participants de sa vie
divine".
- Par la mort, nous entrons dans
l'"Autre monde", jalonnés de "moments mystérieux" :
jugement personnel - éventuellement "moments" du purgatoire -
rencontre avec tous ceux qui, à leur tour, traversent la frontière de la
mort...
- Enfin, la Résurrection nous fera vivre
de la gloire divine du Ressuscité ;
Une vie sans fin, sans oublier que le mot “fin” à vrai dire n'a de sens que vu
d'ici-bas : notre joie sera sans fin parce que, en quelque sorte, toujours
nouvelle.
Aujourd'hui, profitons du temps de Carême
pour nous préparer à l'"Autre monde" qui nous introduira, nous
l'espérons, en la Vie éternelle de Dieu, Vie d'Amour que s'échangent
les trois Personnes divines.
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