2ème
Avent 15-16 C
Le temps de l'Avent nous met devant les
yeux la grande figure de Jean le Baptiste. Et le Précurseur du Seigneur
n'est-il pas pour nous un modèle très adapté à la situation que nous vivons.
Nous aussi, nous montrons, nous voulons
montrer le Christ à nos frères. Et puissions-nous le faire à la manière de
Jean-Baptiste bien davantage par nos comportements de vie que par nos paroles
souvent inadaptées et fugaces. Nous ne pouvons que "montrer" - c'est
là notre mission - et non donner le Christ ! Dieu seul donne Dieu, par pure
grâce ! N'ayons pas l'énorme suffisance de vouloir donner Dieu ! De plus, comme
Jean-Baptiste, nous ne pouvons "montrer" le Seigneur que de loin, en
criant par toute notre vie : "Préparez-les chemins du Seigneur, rendez
droits ses sentiers... tous verront le
salut de Dieu !".
La voix qui crie dans le désert ! C'était déjà
celle d'Isaïe qui eut tant de mal à se faire entendre. Ce fut aussi celle du
Baptiste lui-même et ensuite celle de Jésus comme il le déclare lui-même : "Jean est venu, il ne mange ni ne boit,
et l'on dit : "Il a perdu la tête". - Alors, on ne l'écoute pas !
- "Le Fils de l'Homme est venu, il
mange, il boit, et l'on dit : Voilà un glouton et un ivrogne..." (Mth 11.18). - Et on ne l'écoute pas plus ! -.
Comme le Baptiste, comme Jésus lui-même,
nous avons parfois l'impression de parler dans le désert, nous avons parfois
l'impression qu'il est difficile pour un chrétien de se situer dans le monde
d'aujourd'hui. On nous reproche, à nous aussi, d'être trop proches ou trop
lointains. On nous dit tout à la fois : "Vous
ne savez pas ce que c'est que la vie...", mais aussi : "Vous ne parlez pas assez de Dieu
!". Ou pire : "Vous ne
témoignez pas assez de Dieu par votre manière d vivre !".
Et cette situation crée notre propre
désert, à nous aussi, car le désert n'est pas un endroit que l'on pourrait
localiser : si Jean se tient dans le désert, au bord du Jourdain, Jésus, lui,
se tenait partout. "J'ai parlé
ouvertement au monde, j'ai toujours enseigné dans les synagogues et dans le temple
où tous les Juifs se rassemblent..." (Jn 18.20). Aussi, le désert n'est-il pas d'abord ce lieu
du manque, ce lieu où chacun, au creux de sa conscience, ressent le vide, le
silence qui reste, malgré tout, dans sa vie et autour de lui ? Le désert
n'est-il pas ce besoin, ce désir que nous portons d'une vie que nous n'arrivons
pas véritablement à mener et donc à communiquer, d'un sens que nous voudrions
donner à notre existence et à celle de nos frères ?
De plus, nous vivons dans le désert d'un
monde difficile, dans le désert d'un monde marqué par bien des désarrois :
- désarrois devant les attentats divers,
d'une immigration galopante, d'une interrogation sur le devenir de notre
planète..., et plus communément,
- désarrois devant la difficulté de vivre
sa foi, de trouver du travail et d'organiser sa vie de famille, d'orienter les
jeunes…, et que sais-je encore ! Oui, il est vrai : nous, chrétiens di 21ème
siècle, nous pouvons nous reconnaître comme citoyens de ce désert qui existe en
tout homme, en toute société, en l'Eglise elle-même.
Un désert qui pourrait ressembler à celui
que traversèrent les Hébreux à la sortie d'Egypte, mais un désert aussi où peut
se faire entendre la voix du Bien-Aimé, comme le disait le prophète Osée : "Je la conduirai au désert et je
parlerai à son cœur" (Osée 2/16).
Dieu nous conduit au désert et c'est
justement parce que nous sommes dans le désert que nous avons des chances
d'entendre la voix du Père qui redira comme jadis à Moïse : "J'ai vu la misère de mon peuple" (Ex 3.7).
Ce n'est pas le malheur qui nous rapproche
de Dieu mais la conscience de nos fragilités, de nos manques et de notre
attente. Oui, le désert peut devenir lieu de renouvellement, de
ressourcement. Sachons profiter du désert pour refaire sans cesse alliance
avec le Seigneur !
Mais les avantages du désert ne peuvent pas
nous faire oublier ses inconvénients. Dans le désert d'un monde qui perd
ses points de repère, il est difficile de proposer clairement une démarche de
la foi, de faire entendre la parole toujours nouvelle de l'Evangile. C'est en
ceci que nous nous trouvons, comme Jean Baptiste, dans la nécessité de montrer
le Christ mais de le montrer de loin.
Ceux à qui nous proposons quelque chose de
sa parole brûlante et exigeante n'en pourront parfois recevoir que les
premières ébauches. Ils acceptent de venir à l'église pour les grands moments
de la vie, ou ne serait-ce qu'aux grandes fêtes, à Noël, par exemple, et d'en
parler quelque peu… Mais remarquons : ceux qui sont venus écouter le
Baptiste quand il parlait aux foules devaient se trouver dans la même
situation. Ils avaient déjà essayé d'autres voies et ils venaient vers lui
parce qu'ils espéraient - sait-on jamais ? - trouver une réponse plus adéquate
à leurs attentes. Et Jean ne fait que leur désigner Jésus qui passe au loin.
Nous aussi, de très loin nous montrons ce jour où le désert deviendra fertile (Isaie 41/17-20).
Cela nous oblige à une infinie patience
et surtout à une grande humilité : les gens que nous rencontrons, - et c'est
parfois ceux de notre propre famille - avec lesquels nous faisons un bout de
chemin, auquel nous avons peut être fait entrevoir quelque chose de Jésus, nous
ne pourrons pas, nous ne pouvons pas les mener jusqu'au terme. D'autres circonstances
interviendront, d'autres nous succéderont et pourront sans doute désigner
clairement ce que nous leur avons permis d'entrevoir. Cette rencontre, cette
conversation, cette fête religieuse - celle de Noël, par exemple - n'auront été
pour eux qu'une étape. D'autres étapes viendront et d'autres "prophètes"
seront là pour en montrer la signification. "Autre
est celui qui sème et celui qui moissonne !" (Jn 4.37). Ne perdons pas courage. Ils verront peut être un jour
que celui que nous avions montré de loin, s'est maintenant rapproché d'eux et
qu'il chemine avec eux sur leur route d'Emmaüs.
Nous sommes dans le temps de l'attente et
du dénuement, dans le temps de l'Avent. D'autres bergers viendront qui
annonceront qu'ils ont découvert dans une étable obscure le sauveur ; d'autres
femmes reviendront du tombeau vide pour annoncer qu'il est toujours vivant.
Nous n'assisterons peut être pas à ces révélations mais nous les aurons
préparées par notre fidèle marche au désert, dans l'espérance, dans
l'attente !
Et en pensant à ceux qui nous sont si
proches par le cœur et qui nous paraissent loin du Seigneur, nous pouvons leur
murmurer, en notre prière, l'espérance de St Paul : "Puisque Dieu a si bien commencé en vous son travail, je suis
persuadé qu'il le continuera jusqu'à son achèvement au jour où viendra le
Christ Jésus !".
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