samedi 5 décembre 2015

Etre témoin - Jean-Baptiste !

2ème Avent 15-16 C

Le temps de l'Avent nous met devant les yeux la grande figure de Jean le Baptiste. Et le Précurseur du Seigneur n'est-il pas pour nous un modèle très adapté à la situation que nous vivons.
Nous aussi, nous montrons, nous voulons montrer le Christ à nos frères. Et puissions-nous le faire à la manière de Jean-Baptiste bien davantage par nos comportements de vie que par nos paroles souvent inadaptées et fugaces. Nous ne pouvons que "montrer" - c'est là notre mission - et non donner le Christ ! Dieu seul donne Dieu, par pure grâce ! N'ayons pas l'énorme suffisance de vouloir donner Dieu ! De plus, comme Jean-Baptiste, nous ne pouvons "montrer" le Seigneur que de loin, en criant par toute notre vie : "Préparez-les chemins du Seigneur, rendez droits ses sentiers... tous verront le salut de Dieu !".

La voix qui crie dans le désert ! C'était déjà celle d'Isaïe qui eut tant de mal à se faire entendre. Ce fut aussi celle du Baptiste lui-même et ensuite celle de Jésus comme il le déclare lui-même : "Jean est venu, il ne mange ni ne boit, et l'on dit : "Il a perdu la tête". - Alors, on ne l'écoute pas ! - "Le Fils de l'Homme est venu, il mange, il boit, et l'on dit : Voilà un glouton et un ivrogne..." (Mth 11.18). - Et on ne l'écoute pas plus ! -.
Comme le Baptiste, comme Jésus lui-même, nous avons parfois l'impression de parler dans le désert, nous avons parfois l'impression qu'il est difficile pour un chrétien de se situer dans le monde d'aujourd'hui. On nous reproche, à nous aussi, d'être trop proches ou trop lointains. On nous dit tout à la fois : "Vous ne savez pas ce que c'est que la vie...", mais aussi : "Vous ne parlez pas assez de Dieu !". Ou pire : "Vous ne témoignez pas assez de Dieu par votre manière d vivre !".

Et cette situation crée notre propre désert, à nous aussi, car le désert n'est pas un endroit que l'on pourrait localiser : si Jean se tient dans le désert, au bord du Jourdain, Jésus, lui, se tenait partout. "J'ai parlé ouvertement au monde, j'ai toujours enseigné dans les synagogues et dans le temple où tous les Juifs se rassemblent..." (Jn 18.20).  Aussi, le désert n'est-il pas d'abord ce lieu du manque, ce lieu où chacun, au creux de sa conscience, ressent le vide, le silence qui reste, malgré tout, dans sa vie et autour de lui ? Le désert n'est-il pas ce besoin, ce désir que nous portons d'une vie que nous n'arrivons pas véritablement à mener et donc à communiquer, d'un sens que nous voudrions donner à notre existence et à celle de nos frères ?

De plus, nous vivons dans le désert d'un monde difficile, dans le désert d'un monde marqué par bien des désarrois :
- désarrois devant les attentats divers, d'une immigration galopante, d'une interrogation sur le devenir de notre planète..., et plus communément,
- désarrois devant la difficulté de vivre sa foi, de trouver du travail et d'organiser sa vie de famille, d'orienter les jeunes…, et que sais-je encore ! Oui, il est vrai : nous, chrétiens di 21ème siècle, nous pouvons nous reconnaître comme citoyens de ce désert qui existe en tout homme, en toute société, en l'Eglise elle-même.
Un désert qui pourrait ressembler à celui que traversèrent les Hébreux à la sortie d'Egypte, mais un désert aussi où peut se faire entendre la voix du Bien-Aimé, comme le disait le prophète Osée : "Je la conduirai au désert et je parlerai à son cœur" (Osée 2/16).
Dieu nous conduit au désert et c'est justement parce que nous sommes dans le désert que nous avons des chances d'entendre la voix du Père qui redira comme jadis à Moïse : "J'ai vu la misère de mon peuple" (Ex 3.7). 
Ce n'est pas le malheur qui nous rapproche de Dieu mais la conscience de nos fragilités, de nos manques et de notre attente. Oui, le désert peut devenir lieu de renouvellement, de ressourcement. Sachons profiter du désert pour refaire sans cesse alliance avec le Seigneur !

Mais les avantages du désert ne peuvent pas nous faire oublier ses inconvénients. Dans le désert d'un monde qui perd ses points de repère, il est difficile de proposer clairement une démarche de la foi, de faire entendre la parole toujours nouvelle de l'Evangile. C'est en ceci que nous nous trouvons, comme Jean Baptiste, dans la nécessité de montrer le Christ mais de le montrer de loin.
Ceux à qui nous proposons quelque chose de sa parole brûlante et exigeante n'en pourront parfois recevoir que les premières ébauches. Ils acceptent de venir à l'église pour les grands moments de la vie, ou ne serait-ce qu'aux grandes fêtes, à Noël, par exemple, et d'en parler quelque peu… Mais remarquons : ceux qui sont venus écouter le Baptiste quand il parlait aux foules devaient se trouver dans la même situation. Ils avaient déjà essayé d'autres voies et ils venaient vers lui parce qu'ils espéraient - sait-on jamais ? - trouver une réponse plus adéquate à leurs attentes. Et Jean ne fait que leur désigner Jésus qui passe au loin. Nous aussi, de très loin nous montrons ce jour où le désert deviendra fertile (Isaie 41/17-20).

Cela nous oblige à une infinie patience et surtout à une grande humilité : les gens que nous rencontrons, - et c'est parfois ceux de notre propre famille - avec lesquels nous faisons un bout de chemin, auquel nous avons peut être fait entrevoir quelque chose de Jésus, nous ne pourrons pas, nous ne pouvons pas les mener jusqu'au terme. D'autres circonstances interviendront, d'autres nous succéderont et pourront sans doute désigner clairement ce que nous leur avons permis d'entrevoir. Cette rencontre, cette conversation, cette fête religieuse - celle de Noël, par exemple - n'auront été pour eux qu'une étape. D'autres étapes viendront et d'autres "prophètes" seront là pour en montrer la signification. "Autre est celui qui sème et celui qui moissonne !" (Jn 4.37). Ne perdons pas courage. Ils verront peut être un jour que celui que nous avions montré de loin, s'est maintenant rapproché d'eux et qu'il chemine avec eux sur leur route d'Emmaüs.
Nous sommes dans le temps de l'attente et du dénuement, dans le temps de l'Avent. D'autres bergers viendront qui annonceront qu'ils ont découvert dans une étable obscure le sauveur ; d'autres femmes reviendront du tombeau vide pour annoncer qu'il est toujours vivant. Nous n'assisterons peut être pas à ces révélations mais nous les aurons préparées par notre fidèle marche au désert, dans l'espérance, dans l'attente !

Et en pensant à ceux qui nous sont si proches par le cœur et qui nous paraissent loin du Seigneur, nous pouvons leur murmurer, en notre prière, l'espérance de St Paul : "Puisque Dieu a si bien commencé en vous son travail, je suis persuadé qu'il le continuera jusqu'à son achèvement au jour où viendra le Christ Jésus !".

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