dimanche 29 novembre 2015

Apocalypse Now !

1er Avent 15-16 C

La question de l’Apocalypse, de la “fin du monde”, c’est-à-dire, finalement, la question du sens de l’Histoire et donc du sens de notre propre existence, est une question constante.
Oui, question constante même en notre Occident sceptique, plus ou moins agnostique ; question constante de l'homme qui toujours va s'interrogeant sur lui-même.

Oui, interrogation permanente ! Car regardons :
- ce sentiment d'appartenir à un monde incapable de se donner un sens ;
- ce constat que si la technique se poursuit, les civilisations, elles, meurent;
- cette vision globale du monde où la cohérence semble nous échapper ;
- cette tentative perpétuelle d'anticiper un avenir possible sans aucune assurance pour demain ;
- cette lucidité qui s'épuise à constater l'écroulement de nos espoirs en ruminant avec nostalgie l'intelligence des mondes passés… etc.
tout cela, n'est-ce une manière plus ou moins consciente de proclamer l’Apocalypse, tout en se posant la question fondamentale du sens de l’Histoire, de notre histoire ?

Non, le discours du Christ ne parle pas de choses absurdes dont nous pourrions faire l'économie en fermant pieusement cette page d’évangile au langage quelque peu voilé, abscons.
D'autant que l’homme, lui, n'écoutant pas la voix du Christ, ne cesse pas de se fabriquer ses propres “apocalypses” imaginaires ou, hélas, réelles : celles, inventées, des bandes dessinées d’aujourd’hui et celles, bien concrètes, des folies sanglantes et absurdes qui prétendent anticiper un avenir merveilleux, quitte à le déclarer, le lendemain, n’avoir aucun sens.

Pourtant, le Christ, lui, veut répondre à cette question du sens de l’Histoire, de notre propre histoire, de notre existence, mais sans accepter pour autant les termes de notre questionnement...

Ce que le Christ nous dévoile, c'est une image de notre vocation personnelle dans le destin collectif de l'humanité.
Et, tout d'abord,
- il faut accepter que cette image donnée par la Parole de Dieu provoque, en nous, un ébranlement des cohérences humaines que l'on recherche pour notre vie, en nous plaçant devant le Ressuscité, le Vivant par excellence !
- Il faut accepter que, devant lui, nous soyons sans cesse partagés de sentiments contradictoires : obscurité et lumière, péché et grâces, joie et peur tout à la fois.
- Il faut accepter de ne pas éclaircir ces textes comme on résout un problème avec un ordinateur.

Alors, seulement, nous pourrons entendre cette phrase qui se trouve au centre du discours du Christ : "Amen, je vous le dit : cette génération ne passera pas sans que tout cela n’arrive. Le ciel et la terre passeront, mes paroles ne passeront pas !”

St Luc rapporte ces propos de Jésus à une date plus tardive que celle des autres évangélistes, probablement après la ruine de Jérusalem, en 70. S'il les rapporte, c'est que ces propos ont un sens. Signifient-ils que les contemporains de Jésus ne mourront pas sans voir le bouleversement du ciel et de la terre et de la mer ? Manifestement ce n'est pas arrivé ! Il y a donc un sens plus simple à trouver !

Déjà, au temps de Notre Seigneur (comme en notre temps),
- même quand le désir d’une intervention divine se faisait suppliante (et cela nous arrive),
- même quand le désordre politique ou social provoquait des fuites soudaines et brutales, des émigrations, comme pour les parents de St Paul, par exemple, émigrants à Tarse (et cela arrive en notre temps)
- même quand il y avait des flambées d'espérance grâce à l’émergence d’un sauveur quelconque, etc.,
l'expérience religieuse savait bien, elle, qu'une “génération”, c'est un temps de l'histoire, un temps de l'humanité dont la clôture n’appartient pas à l'homme.

Et cette “génération”, mais c’est toujours la nôtre, au sens où, de fait, Jésus ouvre et ferme l'histoire, notre propre histoire d’aujourd’hui, à chacun de nous ! C'est ce temps-ci de notre histoire, ce temps auquel nous avons à faire face. Et “les paroles” de Jésus “qui ne passeront pas” sont destinées à nous permettre de tenir bon en ce temps-ci de l'histoire, en notre génération, et de remplir au mieux le rôle qui est le nôtre comme disciples de Jésus, au milieu des cataclysmes qui nous arrivent !

Ainsi ces paroles de Jésus décrivent surtout la manière dont nous devons nous situer en notre monde d’aujourd’hui, parfois si désespérant.
- Or, souvent, nous passons notre temps à vouloir construire par nous-mêmes comme une harmonie secrète entre nos propres vies et les hommes qui nous entourent, entre ciel et terre, en suppliant Dieu que notre univers soit sûr et solide.
- Nous passons notre temps à nous désirer un temps et un univers où les puissances d'En Haut, - bénéfiques, naturellement ! - nous assureraient un monde bien fait, un bonheur donné et assuré.
- Nous passons notre temps à succomber à la frayeur de voir que ce monde qui, selon nous, devrait être sûr, solide et rempli de bonté, est pourtant fissuré et déchiré par la présence de la mort... etc.
Et ainsi, chacun de nous fait l'expérience que les puissances du ciel - du ciel qu'il s'imagine - sont ébranlées.

Et cela est vrai pour tout homme
- quand s'écroule son univers et qu'il découvre qu'il est seul face à son propre passé,
- quand il découvre qu'il n'y a plus de référence au moment où la mort, celle de ceux qu’il aime et la sienne propre, déchire la sécurité d'un monde qui devrait être immortel et immuable.
Oui, le ciel et la terre et les puissances des cieux sont ébranlés chaque fois que s'accomplit l'irréversible d'une vie - gâchée ou réussie, qu'importe - puisque, de toutes façons, c'est une page qui se tourne.

Or ce monde que l’on désire si cohérent humainement,
- c'est un fantasme que l'homme se crée,
- c'est la manière imaginaire dont l'homme divinise son existence,
- c'est une façon d'appeler à son propre secours ciel et terre pour que tout l’univers soit à son propre service.
Et quand il constate que ce monde s'ébranle, il a peur. Et il dit que ce monde s'en va, que les temps sont finis, qu'il va y avoir la guerre, car ce monde n'est pas juste et il faut le casser.
Et il dit que si Dieu existait, les choses ne se passeraient pas ainsi, qu'on ne peut plus croire à rien ! Il y avait un âge d'or, et il n'y a plus d'âge d'or. Et les hommes sèchent de frayeur ou s'enferment dans le scepticisme.

Et Jésus, lui, de nous dire : N'ayez pas peur ! "Redressez ;-vous et relevez la tête, car votre rédemption approche !”.
Jésus veut traverser tous nos fantasmes, tous les fantasmes d'une fausse sécurité, et les fantasme de nos frayeurs païennes, pour nous donner non pas une autre vision qui se substituerait à la nôtre, mais une attitude de foi, cette foi qui nous fait traverser toute espérance illusoire et toutes craintes comme des disciples qui osent se relever debout devant Dieu, dans l'espérance de voir venir à lui le Christ qui a traversé la mort, le Christ ressuscité, toujours vivant !

Alors, vous, dit Jésus, veillez, car vous savez qu'en ce temps-ci est proche le règne de Dieu, votre délivrance, l'été de Dieu.
Vous êtes, en ce monde-ci avec ses frayeurs, les témoins d'une autre liberté et d’un autre été qui germe et qui vient.
Et même si vous échappez à la peur, vous connaissez aussi toutes les ruses du démon : n’allez pas vous endormir dans l'insignifiance de la vie, dans la noyade des beuveries, dans la vanité des richesses, dans le sommeil du désespoir.

Vous qui devez attendre, ne cessez pas d'attendre.
Vous qui devez non pas avoir peur mais veiller, priez en tout temps, la prière étant l’acte de foi qui exorcise tous les produits de notre imagination et permet à l’homme de rester debout en ce monde qui est le nôtre, porteur de l’espérance de la venue du Fils de l’homme en notre propre existence et dans tout l’univers ! 

Le Christ vient ! Ce sera le leitmotiv de ce temps de l'Avent qui nous invite à accueillir la venue du Fils de Dieu fait chair en notre vie. Sachons que l'arme de ce Fils de Dieu, le Christ, est sa grande miséricorde divine ! Tel est mon vœu en ce début d'année liturgique, "Année de la Miséricorde".

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