jeudi 24 décembre 2015

Un Dieu si loin qui se fait proche !

Noël 2015 - Nuit. 

En nos temps parfois si troublés, ce dont nous avons besoin, n'est-ce pas, c'est de sécurité, de tranquillité, de paix. Ce sont des vœux que nous nous adressons facilement !
Si la fête de Noël porte en elle tant de nostalgie, de tendresse, d’émotions, c'est qu'elle nous remet devant les yeux la figure de l'enfance la plus fragile. En elle, nous voyons tout à la fois la beauté, l'innocence, mais aussi la faiblesse de l'existence et donc la protection qu'elle réclame et l'amour qu'elle demande.

Et facilement, nous nous identifions à cette enfance ; et c'est sur nous-mêmes que nous nous apitoyons quand une telle figure de l'innocence nous est présentée.
Comme si, secrètement, nous était rendue la sécurité de l'enfant enveloppé par l'amour d'un père, d'une mère.
Comme si nous pouvions nous donner un instant l'illusion d'être à nouveau petits enfants dans la sécurité de l'amour originel.

Et si nous trouvons souvent que le monde est dur, c'est parce qu'il y a un trop grand contraste entre cette nostalgie qui nous habite et la réalité de notre existence.
Au fond, nous voudrions que le monde soit comme l'amour d'une mère pour son petit. Nous cherchons l’assurance que Dieu nous entoure comme un nourrisson est porté par ses parents, selon une expression d'Isaïe (Cf. Is 49.15).
Et nous nous étonnons que le monde ne soit pas cela.
Et si nous ressentons une émotion, c'est souvent d'avoir rêvé, l'espace d'une nuit ou d'une heure, que cela pourrait être ainsi. Alors qu'en fait, le monde demeure dur, impitoyable, et que nous ne sommes plus des bébés.

Mais est-ce bien un tel rêve enfantin, une telle sécurité illusoire qui nous sont proposés par l'image de l’Enfant de la crèche ? Terrible question que doit soulever notre foi !

En effet, dire qu'en cet Enfant nous reconnaissons le Fils de Dieu qui vient habiter parmi nous,
est-ce reconnaître en lui un instant de rêve et de fragilité
ou est-ce, au contraire, être heurtés - encore et encore -, affrontés à ce qui est le plus proprement incroyable : Dieu, que personne n'a jamais vu ?
Terrible question posée à notre intelligence si faible !

Car Dieu nous est presque inconnaissable ! Ne dit-on pas facilement : “Je n’arrive pas à me faire une idée de Dieu, à en être sûr comme je suis sûr d'un théorème mathématique”.
Parce que Dieu, ce n'est pas le résultat d’une conviction purement rationnelle.
Parce que Dieu ne se vérifie pas tous les matins comme on regarde le soleil.
Parce que Dieu ne se voit pas comme un bout de bois sculpté dans une église.
Nous ne savons pas qui est Dieu vraiment, totalement !

Car Dieu est plus grand que nous et plus grand que tout ce que nous pouvons concevoir ; nous ne pouvons parler de son existence comme de celle d'un être de ce monde. Dieu est comme un gouffre et un abîme au-delà de nous-mêmes. Et celui qui veut regarder ce mystère de Dieu frôle parfois des abîmes où l'incroyance et la foi, le doute le plus profond et la foi la plus forte se côtoient et oscillent de l'un à l'autre. Et ce n'est pas toujours la tranquillité que nous recherchons trop facilement !

Et il est à remarquer que cette épreuve où doute et foi se côtoient, cette épreuve n’est pas l'athéisme de celui qui refuse. Non point ! Car l’homme qui est ainsi dérouté devant le mystère de Dieu et qui n'ose pas concevoir dans son propre cœur que Dieu, l'Inconcevable, puisse s'intéresser à lui et l'aimer, cet homme-là commence à croire ; il commence à ressentir que Dieu se fait proche de lui !

Or, justement, nous affirmons en cette nuit de Noël que
celui qui est plus grand que nous, plus grand que tout, plus grand que tous nos doutes et espérances, plus grand que toute idée que nous pouvons nous en faire,
celui à qui, surtout en des moments difficiles, nous oserions reprocher : “Tu es loin et tu sembles nous laisser seuls”,
celui-là, Dieu, se livre à nous en devenant nous-mêmes, en prenant sur lui notre propre fragilité, celle d’un enfant qui quémande sécurité.
Mystère et don incompréhensible qui ne peuvent nous être accordés que dans le secret de notre cœur.

Car dire que Dieu devient accessible dans le mystère d'un enfant, c'est dire que Dieu devient combien plus incroyable, combien plus inconcevable. La maman qui a tenu un petit bébé dans ses bras, saint bien, elle, sa fragilité, sa dépendance. Oser croire que Dieu lui-même se livre ainsi dans cette fragilité d’un tout petit, c'est presque moins croyable que toute autre idée de Dieu.
Oui, c'est au moment même où Dieu se donne à nous qu'il nous paraît encore plus incompréhensible.
Mais dites-moi, n'est-ce pas quand un véritable amour nous atteint que l'amour devient inconcevable ?
Ainsi c'est quand Dieu-Amour se fait proche, que nous aurions envie de reculer en disant : “C’est si beau ; mais est-ce vrai ?”

Cela veut peut-être dire que nous ne pouvons approcher un mystère si déroutant pour notre esprit, bouleversant tellement notre existence - le mystère de Dieu -, qu'à condition d’être nous-mêmes changés.
Si Dieu se livre ainsi entre nos mains, tel un enfant entre les bras de ses parents, cela veut dire que Dieu, l'Inconcevable, non seulement est pour nous comme un vis-à-vis, mais que Celui qui est au dessus de nous, au dessus de tout, se livre à nous dans la figure d’un frère.
Et ce frère nous ne pouvons le découvrir qu'en devenant, nous-mêmes, son frère.
Nous ne découvrons l’amour d’un frère que lorsque nous consentons à l'aimer comme frère.
Nous ne pouvons reconnaître le mystère de Dieu qui se cache dans cet enfant livré que si nous, nous acceptons de nous livrer à lui comme un enfant dépendant qui quémande sécurité et paix.

Nous sommes ici devant la question la plus fondamentale, devant le secret le plus difficile et le plus simple, la joie la plus grande et la plus profonde, mais qui demeure comme fragile, cachée au centre de notre existence et qui, sans cesse, nous appelle à naître comme Jésus le disait à Nicodème : “Il vous faut naître d’En-Haut”. La naissance du Fils de Dieu doit provoquer notre permanente "renaissance".

Noël n’est donc pas l'instant d’un rêve, le rêve de notre enfance évanoui, mais c'est au contraire l’instant le plus profond et le plus réel de toute vie.
De même que l'Enfant Jésus naît de Marie, de même, nous aussi, il nous faut naître d'"En Haut", être mis au monde par l'amour de Dieu, nous recevoir de lui pour mieux le recevoir, Lui, "Dieu-Amour" !

St Jean ne disait-il pas : “Il est venu chez lui, et à tous ceux qui l’ont accueilli, il a donné pouvoir de devenir enfants de Dieu…  Ils sont nés de Dieu. … Et le Verbe s'est fait chair et il a habité parmi nous…!”. 

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