samedi 26 décembre 2015

La famille de Jésus !

Fête de la Sainte Famille 15-16

Bonne Année à tous, à chacun en cette fin d'année 2015, au seuil de 2016 !

Au seuil d’une nouvelle année, l'Eglise offre à notre contemplation la plus émouvante des icônes : celle de la Sainte Famille.
Oui, le Fils de Dieu a voulu imprégner d'un amour divin la réalité de la famille humaine !
Et cette réalité de la famille humaine n’est pas une réalité statique ; elle est d'abord une histoire, une évolution, un mouvement. On l'oublierait volontiers. Et le témoignage des évangiles est là pour nous le rappeler.

Le jour de Noël, il nous fut donné de contempler un jeune couple avec son enfant. Sans doute cette famille naissante échappe‑t‑elle à la mesure commune. Mais de cela rien ne paraissait, car l'incarnation du Fils de Dieu devait se jouer dans la réalité humaine la plus commune, la plus fami­lière, celle que nous connaissons bien.
Ce fut une naissance comme les autres, avec tout ce que cela comporte à la fois de mystérieux et de simple, de pénible et d'émouvant. Un couple uni par l'amour, un enfant aimé et puis... un secret. Mais chaque couple a son secret. Celui qui liait Marie et Joseph était, certes, d'une profondeur incomparable. Mais il n'en paraissait rien.

Ainsi commence une famille : un homme, une femme liés par l'amour, puis un enfant qui grandit sous le regard attentif et aimant de ses parents. Cet enfant représente, disait naguère le pape Jean-Paul II, la floraison de l’amour conjugal qui, en lui, se retrouve et se consolide. En voyant le jour, il apporte un message de vie qui, en dernière analyse, renvoie à l’Auteur de la Vie !”.
Tel est le secret de toute famille !

Mais s'il est relativement aisé de mettre un enfant au monde, fleur de l’amour conjugal, don de l’Auteur de toute vie, il est moins facile faire con éducation, comme l'on dit, c'est-à-dire de l'élever, de le "ré-engendrer" jour après jour jusqu'à son accession à la peine liberté de l'âge adulte.
Et c’est là, encore et toujours, œuvre de l’amour conjugal. Elever un enfant c'est essentiellement l'aimer, l'aimer à deux, l'aimer de l'amour même dont on s'aime mutuellement. La réussite d'un enfant est davantage le fruit de l'amour du couple parental que de toutes les techniques d'éducation. Il a besoin que s'incruste en lui l'image de deux visages unis, au point qu'il puisse un jour s'écrier en action de grâce : "Mes parents m'ont aimé comme ils s'aimaient".

L'amour du couple pour son enfant doit revêtir les mêmes qualités que l'amour réciproque des époux, tout au long des jours. D'ailleurs les enfants soumettent souvent leurs parents à une sorte d’“examen” permanent. Ils le font ne serait-ce qu’à travers l’expression de leur visage, parfois souriant, parfois voilé par la tristesse. C’est comme si, dans toute leur façon d’être, était inscrite une interrogation : maman, papa, m’aimez-vous… ? 
J'imagine que, dans le cadre si attachant de Nazareth, Marie et Joseph ont accompagné cette interrogation de l’enfant Jésus…  !

Et voici qu'arrive le jour l'enfant, devenu adolescent, donne les premiers signes de liberté. Le besoin de s'éloigner de la tutelle de ses parents est une manifestation naturelle de la croissance, comme en toute société d'ailleurs : car on ne peut pas, on ne doit pas rester "enfant", physiquement, psycholo-giquement, spirituellement, toute sa vie. Et la grâce d'"enfants de Dieu" qui nous a été donnée ne doit pas conduire à une vie infantile. Elle doit s'exercer avec cette pleine liberté que donne l'Esprit-Saint. St Paul le dit souvent ! (Le P. Anatrella - prêtre psychiatre bien connu - le dit fortement dans un livre récent sur les Communautés religieuses).

Aussi, sur le plan humain - et même parfois spirituel -, ce sont alors parfois les douleurs de l'affranchisse­ment. C'est comme si l'enfant sortait une seconde fois du sein maternel, en s'évadant du sein familial. Et c'est souvent le temps des conflits entre un jeune, pressé de conquérir sa liberté, et des parents affolés de perdre leur petit jusqu'à en éprouver une sorte de douleur inexprimable.

La Sainte Famille n'a pas échappé à cela. A douze ans, Jésus s'affranchit d'une singulière façon. Il fait une véritable "fugue". Non par opposition à sa famille, mais pour manifester son indépendance et déjà signifier son exceptionnelle vocation. Chacun a une vocation particulière - Dieu n'aime pas "en masse" ; j'aime à le rappeler ; il aime toujours en particulier -... Chacun a une vocation particulière qu'il doit accomplir avec pleine liberté en toute société, une liberté à toujours respecter. 

L'évangile nous montre que Jésus, adolescent, a ainsi plongé ses parents dans l'angoisse ; et ceux-ci, l'ayant retrouvé au Temple, ne lui épargnèrent pas leurs reproches.  Sans doute, Jésus était Jésus, à nul autre comparable ! Et pourtant… En affirmant devant ses parents qu'il se devait d'être "chez son Père" (selon la nouvelle traduction liturgique, plus fidèle au texte) , ceux-ci comprirent qu'il s'éloignait d'eux pour rejoindre cet univers mystérieux auquel eux n'avaient pas encore accès.

Il est bon de remarquer ici que, selon St Luc, ce furent les premières paroles de Jésus : "être chez son Père". Elles seront également ses dernières paroles dans ce même évangile (Cf. 23.46 ; 24.49). Jésus lui-même, selon St Jean, résumera parfaitement le sens de sa vocation : "Je suis sorti d'auprès Père - Je suis venu dans le monde - et je vais vers le Père" (Jn 16.28). Du Père il est venu pour nous conduire vers le Père ! Telle est bien sa vocation !

Marie et Joseph ont dû faire un effort douloureux pour situer cet événement dans la trame humaine, commune, naturelle du processus de croissance de tout adolescent en qui s'enfante un homme libre, en qui se dessine un destin personnel. L'évangile note bien : "Mais ils ne comprirent pas ce qu'il leur disait !". C’est déjà l’irruption de l’inconnu au-dedans et au-delà des efforts d'amour les plus ingénieux de parents face aux provocations de la liberté de leur enfant. Paradoxe de l’éducation qui repose sur des convictions mais ne jouit d’aucune assurance, qui ne s’affirme aujourd’hui que pour s’effacer demain.

Que les parents qui s'affolent parfois des signes de libération en leur enfant, se souviennent de ce qui est arrivé un jour dans l'existence de la Sainte Famille. Qu'ils invoquent Marie et Joseph ! Car généra­lement, les bouleversantes manifestations de l'adolescence et ses contestations préludent à une sorte de retour au calme. "Quant à Jésus, est-il dit, il grandissait en sagesse, en taille et en grâce sous le regard de Dieu et des hommes !".

Et, si le témoignage d'amour des parents a été suffisant, la relation enfant‑parents, passe peu à peu du plan vertical de l'obéissance au plan horizontal d'un amour profond et réciproquement partagé ; elle devient une relation de confiance, de confidences réciproques. Et la famille retrouve son équilibre, sa sérénité et sa paix, prête à engendrer une nou­velle famille.

Nous ne savons rien de l'existence familiale de Jésus, entre l'incident de sa "fugue" au Temple et son entrée dans ce que l'on appelle sa vie publique.
Mais dès les noces de Cana nous voyons réapparaître Marie avec son fils dans un rapport, justement, d'affec­tueuse confiance réciproque. Et déjà se dessine, alors, une nouvelle famille : celle des disciples, avec qui il prendra le repas pascal pour en faire le signe prophétique de l'immense famille humaine réconciliée en lui.
Et puis ce sera la croix d'où il confiera sa mère à ses apôtres et son Eglise à sa mère, avant de la retrouver et de l'accueillir dans le Royaume du "Père" au matin de l'Assomption, pour une ineffable et éternelle confiance.

Entre la souffrance de la croix et la gloire du ciel, Marie a très probablement passé ses "vieux jours" au sein de la nouvelle famille engendrée par son Fils : l'Eglise naissante. Et c’est à ce niveau que doit nous hisser tout sacrement de mariage.
Le Cal Etchegaray écrivait : “Il faut témoigner de l'originalité du mariage chrétien que si peu de gens, et même si peu de chrétiens comprennent, le réduisant à un mariage civil soupoudré de quelques rites religieux.
Le mariage chrétien est le symbole du don que le Christ fait de sa vie pour l'Eglise, il est signe de l'alliance de Dieu avec son peuple. Ce thème mystique peut paraître à certains inaccessible, voire irréel. Il demeure pourtant le fond même du mariage chrétien où les époux annoncent prophétiquement, par leur vie commune, la "création nouvelle" où seront parfaitement conjuguées l'intimité et l'universalité de l'amour, sans que la première - l'intimité - perde de sa profondeur, ni la seconde - l'universalité - de son extension”.

Oui, comme tout homme, Jésus a fondé une famille, l'Eglise, réalité humaine et divine, l'Eglise, signe de la Famille divine, Père, Fils, Esprit-Saint en laquelle toutes les familles de la terre sont appelés à s'insérer éternellement. C'était son but à Jésus : quitter la Famille divine pour venir en une famille humaine afin que toutes les familles de la terre puissent entrer en la Famille de Dieu. Oui, le Fils de Dieu s'est fait homme pour que l'homme devienne Dieu, disait St Irénée. Et ce plan d'amour divin passe le plus souvent par la réalité de la famille humaine.

N'oublions pas également que c'est à Marie qu'a été confiée la nouvelle "Famille" de son Fils, l'Eglise, signe familial à la fois humain et divin.
Aussi c'est en elle que je vous redis, que je redis à toutes vos familles, quelles qu'elles soient : "Bonne et sainte Année"!

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