dimanche 13 décembre 2015

Miséricorde divine !

3ème Avent 15-16 C -  Année de la miséricorde !

Le 8 Décembre, le pape a ouvert la porte de l'"Année de la miséricorde" !
Hier, notre évêque, a fait de même en notre cathédrale !

"Dieu conduira Israël, lui donnant comme escorte sa miséricorde", nous disait Baruc (dimanche dernier). "Dieu te renouvellera par son amour", par sa miséricorde, nous dit aujourd'hui Sophonie. Alors, "que devons-nous faire ?" demande-t-on à Jean-Baptiste qui, déjà, dimanche dernier nous sollicitait : les ravins doivent être comblés, les collines et les montagnes abaissées. Montagnes de nos suffisances, ravins remplis de nos fautes !

Ainsi donc, - par-delà fautes et erreurs, par-delà même succès et générosités diverses -, il nous faut l'admettre : nous ne sommes qu'indignes serviteurs. Bien plus : "Tu es celle qui n'est pas ; je suis Celui qui suis, disait Jésus à Ste Catherine de Sienne. Et si tu gardes en ton âme cette vérité, jamais l'ennemi ne pourra te tromper ; tu échapperas à tous ses pièges, tu acquerras sans difficulté toute grâce, toute vérité, toute clarté !".
Oui, croire à l'infinie miséricorde de Dieu, à son pardon absolu, c'est notre seul salut ! Nous sommes si faibles, pauvres, pécheurs, "pure vacuité", disait le P. Sertillanges, que Dieu est notre "seul recours", (disent les psaumes) !

Mais ce qui est merveilleux dans la Bible, c'est que Dieu prend toujours les hommes tels qu'ils sont et là où ils en sont pour les mener plus outre en sa Vie d'Amour, grâce à la puissance de sa miséricorde !
- Jacob - le grand patriarche - avait un esprit "tordu" (selon l'une des étymologies de son nom) ; il en a fait des coups "tordus", celui-là, au long de son existence ! Et Dieu, avec grande miséricorde, l'a choisi pour qu'il devienne "Israël" !
- David - ce grand roi - fut un grand pécheur ! ...  
- Et on pourrait rappeler bien d'autres exemples, tel Lévi, ce tabellion véreux qui deviendra le premier évangéliste !
Oui, Dieu prend les hommes tels qu'ils sont, là où ils en sont. Et, grâce à sa miséricorde infinie, il les amène peu à peu à cette perfection d'être "à son image, à sa ressemblance", dès maintenant et pour l'éternité !

De tout le bien accompli - avec suffisance souvent -, il ne restera rien au jour de notre mort, il ne restera que la miséricorde de Dieu qu'il aime accorder à tout repentant qui, arrivant alors aux portes de la Jérusalem céleste, ira s'écriant comme le pèlerin en la parabole de Hilton : "Je ne suis rien, je n'ai rien, je ne désire qu'une seule chose, et c'est Notre Seigneur Jésus, et d'être avec lui dans la paix, à Jérusalem !".
En cette attitude, il n'y a plus rien à soi qui nous permettrait de nous glorifier même quelque peu. Il n'y a plus que la miséricorde de Dieu !

Croire en cette miséricorde divine, ce n'est pas seulement un chemin qui nous conduit vers Dieu-Père, c'est le seul chemin. Il n'y en a pas d'autre. Il nous faut tous passer, tôt ou tard, par la porte de la repentance qui conduit à cette miséricorde divine. Sans quoi il n'y aura pas de part pour nous au "Royaume de Dieu", comme Jésus le soulignait à Pierre s'entêtant à ne pas vouloir être miséricordieusement lavé par Jésus, au soir du Jeudi Saint.

Il ne fau pas demeurer "prisonnier" de nos soi-disant "bonnes œuvres", de nos réussites. Jésus ne peut nous abandonner ainsi à notre seule générosité. Il s'ingénie à organiser notre vie de telle façon qu'il ne nous reste rien pour nous glorifier, que tout semble perdu pour nous, qu'il n'y ait plus que sa miséricorde. St Benoît avait compris cela en parlant de la véritable humilité ?
Nous résistons à cette "ruse divine", si je puis dire. Nous voudrions "sauver la face" ; mais un jour, au moment où notre générosité coutumière vient à nous trahir une bonne fois, nous nous retrouvons soudainement dans le champ de la miséricorde divine, mêlés aux derniers des pécheurs.
Ceux qui ont bien perçu cette miséricorde divine n'ont plus de "générosité" à eux. Toute leur "vertu" vient alors du regard de pardon que le Seigneur, un jour, a posé sur eux. Ceux-là savent, ceux-là peuvent, ceux-là osent. Ils sont désormais les premiers : Zachée, le publicain ; Marie, la pécheresse ; et ce merveilleux inconnu appelé le "bon larron". Ayant trouvé la porte de la miséricorde divine, ils précédent les justes dans le "Royaume de Dieu".

Le saint Curé d’Ars avait bien compris cela : “Le plus grand plaisir de Dieu est de nous pardonner !“ - “Nos fautes, disait-il encore, sont des grains de sable à côté de la grande montagne des miséricordes de Dieu !“.

La Miséricorde de Dieu ! Il ne restera que cela. J'aime cette étymologie fantaisiste, inventée par un enfant : "La miséricorde de Dieu, c'est une "corde" que Dieu tend à la "misère" de l'homme !".

Plus sérieusement, le mot “miséricorde”, dans la Bible, signifie un sentiment qui monte des entrailles maternelles. Aussi, quand Dieu intervient par des naissances miraculeuses parfois déconcertantes, il est appelé "El Shaddaï", "shad" étant le sein maternel que tête le nourrisson. Et bien, espérons que le jour de notre mort sera plutôt "jour de naissance" ("dies natalis") miraculeuse que Dieu - le "El Shaddaï" - opèrera miraculeusement par la puissance de sa miséricorde. Dieu-Père est “matriciel”, disait André Chouraqui. Il sent ses enfants comme une mère les siens, à tel point qu'Origène dira : “Personne n'est aussi Mère que Dieu Père”. Plein de miséricorde maternelle !

Cet amour de miséricorde “qui a des entrailles maternelles”, qui est “neuf tous les matins” (Lm 3,23), court tout au long de la Bible et arrache à l'homme ses cris les plus poignants en invoquant, selon Isaïe, “le frémissement des entrailles divines” (Is 63,15). Et toute la vie du Christ manifeste cette “bénignité” (Tt 3,4), cette inlassable miséricorde divine. Aussi St Paul invite les chrétiens à “revêtir les entrailles de miséricorde" de Dieu (Col 3,12).

Oui, espérons que, devant l'homme pécheur que nous sommes tous, l'amour de Dieu, au jour de notre départ d'ici-bas, se revêtira de l'habit de miséricorde, comme le montre le tableau de Rembrandt : le père qui couvre de ses mains son fils prodigue. Oui, la plus grande joie de Dieu sera de nous pardonner, puisque sa seule façon d'aimer, d'être éternellement fidèle à son amour créateur, c’est d'être miséricordieux en pardonnant.
Chaque fois que Dieu exerce sa miséricorde, c'est comme s'il recréait l'homme ; il lui permet de repartir tout neuf comme au sixième jour de la Création. St Ambroise a une parole étonnante ; il cherche à comprendre pourquoi Dieu Créateur ne s’est reposé que le septième jour : “Il a fait les cieux et je ne lis pas qu'il se soit reposé ; il a fait la terre, et je ne lis pas qu'il se soit reposé... Mais je lis qu'il a fait l'homme et qu'alors il se reposa, ayant enfin quelqu'un à qui il put pardonner les péchés”.

Aussi, j'aime les histoires de miséricorde. Au soir de sa vie, un saint homme arrive à la porte du paradis. St Pierre lui dit : "Prends cette feuille et écris tes bonnes œuvres. J'appliquerai à chacune d'elles la note méritée. Quand tu arriveras au chiffre "cent", tu entreras". Notre homme s'empressa d'écrire : "Je me suis dévoué auprès des malades...". - "Bien, dit St Pierre,: un-demi point ! - "J'ai fait le catéchisme !"  - "Oui, oui, un point !" - "J'ai partagé avec les plus pauvres !" - "Très bien ! Un demi-point !". Notre homme se lamentait intérieurement. A ce tarif, se disait-il, je n'arriverai pas au paradis ! Inquiet, il lança avec fierté : "J'ai toujours fleuri la statue de la Vierge Marie que je priais chaque jour ! - "Parfait, dit le Portier du ciel, deux points...". Tout éploré, le saint homme s'écria : "Mais je n'y arriverai jamais ; je n'ai plus qu'à compter sur la miséricorde de Dieu !". Alors, St Pierre se souvenant du regard plein de miséricorde que le Seigneur lui avait accordé un certain Jeudi soir, lui lança : "Vite, tu peux entrer tout de suite. Jésus t'attends !".
St Paul n'avait-il pas noté fortement : Dieu nous a manifesté sa tendresse, sa bonté. Il nous a sauvés, non à cause d'actes méritoires de notre part, mais du fait de sa grande "miséricorde" (Cf. Tite 3.4sv).

J'aime à remarquer encore : quand l'Église nous appelle à recevoir le sacrement de réconciliation, (à "nous confesser" comme l'on dit), elle nous appelle à confesser notre foi au travers même de nos péchés. Confesser Dieu et confesser ses péchés vont ensemble, s'articulent l'un l'autre. St Augustin, qui s'y entendait en “Confessions”, disait avec force : “Pour louer Dieu, tu t'accuses : en effet, sa grandeur est de remettre tes péchés. Cela fait partie de la louange de Dieu quand tu confesses tes péchés. Et pourquoi ? Parce qu'on félicite le médecin d'autant plus que l'on avait désespéré du malade”.
Confesser ses péchés, sa misère, c'est confesser notre foi, c’est célébrer la miséricorde du Père. 

Même à ses grands serviteurs, Dieu ne se révèle que "plein de miséricorde". Moïse, "l'homme le plus humble (doux) que la terre ait porté" (cf. Nb 12.3), qui avait le privilège de parler "sur la bouche du Seigneur" ("al pi Adonaï" Cf. Nb 9.17sv; Nb 10.13...), voulait "voir Dieu". Mais le Seigneur lui répondit : Je ferai seulement passer ma gloire derrière toi. En te retournant, "tu me verras de dos !". Et un midrash fait ce beau commentaire : "Autrement dit, Moïse ne vit que le manteau de la miséricorde de Dieu qui recouvrait toutes choses !".

Et puisque la bonté de Dieu peut être comparée aux entrailles d'une mère, il nous faut prier Marie, la Mère de Dieu ! Devant Élisabeth, elle proclame dans son Magnificat que la miséricorde de Dieu “s'étend d'âge en âge” 
(Lc 1,50). Au Père des miséricordes fait écho la Mère de la miséricorde !

Que la Vierge Marie, “Mère de miséricorde”, nous aide à proclamer souvent comme St Paul : “Béni soit Dieu, le Père de notre Seigneur Jésus-Christ, le Père des miséricordes, le Dieu de toute consolation ; il nous console dans toutes nos détresses, pour nous rendre capables de consoler tous ceux qui sont en détresse” (2 Co 1,3). Que Notre Dame de la Paix nous y aide !

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