3ème Avent 15-16 C - Année
de la miséricorde !
Le 8 Décembre, le pape a ouvert la porte de
l'"Année de la miséricorde" !
Hier, notre évêque, a fait de même en notre cathédrale
!
"Dieu conduira Israël, lui donnant comme
escorte sa miséricorde", nous disait Baruc (dimanche dernier). "Dieu te renouvellera par son
amour", par sa miséricorde, nous dit aujourd'hui Sophonie. Alors, "que devons-nous faire ?"
demande-t-on à Jean-Baptiste qui, déjà, dimanche dernier nous sollicitait : les
ravins doivent être comblés, les collines et les montagnes abaissées. Montagnes
de nos suffisances, ravins remplis de nos fautes !
Ainsi donc, -
par-delà fautes et erreurs, par-delà même succès et générosités diverses -, il nous
faut l'admettre : nous ne sommes qu'indignes serviteurs. Bien plus : "Tu es celle qui n'est pas ; je suis Celui qui suis, disait Jésus à Ste Catherine de
Sienne. Et si tu gardes en ton âme cette vérité, jamais l'ennemi ne pourra
te tromper ; tu échapperas à tous ses pièges, tu acquerras sans difficulté toute
grâce, toute vérité, toute clarté !".
Oui, croire à l'infinie miséricorde de Dieu, à son pardon
absolu, c'est notre seul salut ! Nous sommes si faibles, pauvres,
pécheurs, "pure vacuité", disait le P. Sertillanges, que Dieu
est notre "seul recours", (disent les psaumes) !
Mais ce qui est
merveilleux dans la Bible, c'est que Dieu prend toujours les hommes tels
qu'ils sont et là où ils en sont pour les mener plus outre en sa Vie
d'Amour, grâce à la puissance de sa miséricorde !
- Jacob - le
grand patriarche - avait un esprit "tordu" (selon l'une des étymologies de son nom) ; il en
a fait des coups "tordus", celui-là, au long de son existence ! Et
Dieu, avec grande miséricorde, l'a choisi pour qu'il devienne
"Israël" !
- David - ce
grand roi - fut un grand pécheur ! ...
- Et on pourrait
rappeler bien d'autres exemples, tel Lévi, ce tabellion véreux qui deviendra le
premier évangéliste !
Oui, Dieu
prend les hommes tels qu'ils sont, là où ils en sont. Et, grâce à sa
miséricorde infinie, il les amène peu à peu à cette perfection d'être "à
son image, à sa ressemblance", dès maintenant et pour l'éternité
!
De tout le bien
accompli - avec suffisance souvent -, il ne restera rien au jour de notre mort,
il ne restera que la miséricorde de Dieu qu'il aime accorder à tout
repentant qui, arrivant alors aux portes de la Jérusalem céleste, ira s'écriant
comme le pèlerin en la parabole de Hilton : "Je ne suis rien, je n'ai rien, je ne désire qu'une seule chose,
et c'est Notre Seigneur Jésus, et d'être avec lui dans la paix, à Jérusalem
!".
En cette
attitude, il n'y a plus rien à soi qui nous permettrait de nous
glorifier même quelque peu. Il n'y a plus que la miséricorde de Dieu !
Croire en cette miséricorde divine, ce n'est pas seulement un chemin qui nous conduit vers Dieu-Père, c'est
le seul chemin. Il n'y en a pas d'autre. Il nous faut tous passer, tôt
ou tard, par la porte de la repentance qui conduit à cette miséricorde divine.
Sans quoi il n'y aura pas de part pour nous au "Royaume de Dieu", comme Jésus le soulignait à Pierre s'entêtant
à ne pas vouloir être miséricordieusement lavé par Jésus, au soir du Jeudi
Saint.
Il ne fau pas
demeurer "prisonnier" de nos soi-disant "bonnes œuvres", de
nos réussites. Jésus ne peut nous abandonner ainsi à notre seule générosité. Il
s'ingénie à organiser notre vie de telle façon qu'il ne nous reste rien pour
nous glorifier, que tout semble perdu pour nous, qu'il n'y ait plus que sa
miséricorde. St Benoît avait compris cela en parlant de la véritable
humilité ?
Nous résistons à
cette "ruse divine", si je puis dire. Nous voudrions "sauver la
face" ; mais un jour, au moment où notre générosité coutumière vient à
nous trahir une bonne fois, nous nous retrouvons soudainement dans le champ de
la miséricorde divine, mêlés aux derniers des pécheurs.
Ceux qui ont
bien perçu cette miséricorde divine n'ont plus de "générosité" à eux.
Toute leur "vertu" vient alors du regard de pardon que le
Seigneur, un jour, a posé sur eux. Ceux-là savent, ceux-là peuvent,
ceux-là osent. Ils sont désormais les premiers : Zachée, le publicain ; Marie,
la pécheresse ; et ce merveilleux inconnu appelé le "bon larron".
Ayant trouvé la porte de la miséricorde divine, ils précédent les justes dans
le "Royaume de Dieu".
Le saint Curé
d’Ars avait bien compris cela : “Le plus grand plaisir de Dieu est de
nous pardonner !“ - “Nos fautes, disait-il encore, sont
des grains de sable à côté de la grande montagne des miséricordes de Dieu !“.
La Miséricorde
de Dieu ! Il ne restera que cela. J'aime cette
étymologie fantaisiste, inventée par un enfant : "La miséricorde de Dieu, c'est une "corde" que Dieu tend
à la "misère" de l'homme !".
Plus sérieusement, le mot “miséricorde”, dans la Bible,
signifie un sentiment qui monte des entrailles maternelles. Aussi, quand
Dieu intervient par des naissances miraculeuses parfois déconcertantes, il est
appelé "El Shaddaï", "shad" étant le sein maternel que tête
le nourrisson. Et bien, espérons que le
jour de notre mort sera plutôt "jour de naissance" ("dies natalis") miraculeuse que
Dieu - le "El Shaddaï" -
opèrera miraculeusement par la puissance de sa miséricorde. Dieu-Père est “matriciel”, disait André Chouraqui. Il sent ses
enfants comme une mère les siens, à tel point qu'Origène dira : “Personne
n'est aussi Mère que Dieu Père”. Plein de miséricorde maternelle
!
Cet amour de miséricorde “qui a des entrailles maternelles”, qui
est “neuf tous les matins” (Lm 3,23), court tout au long de la Bible et
arrache à l'homme ses cris les plus poignants en invoquant, selon Isaïe, “le
frémissement des entrailles divines” (Is 63,15). Et toute la vie du Christ manifeste
cette “bénignité” (Tt 3,4), cette
inlassable miséricorde divine. Aussi St Paul invite les chrétiens à “revêtir
les entrailles de miséricorde" de Dieu (Col 3,12).
Oui, espérons que, devant l'homme pécheur que nous sommes tous, l'amour de Dieu, au jour de notre départ d'ici-bas, se revêtira de l'habit de miséricorde, comme le montre le tableau de Rembrandt : le père qui couvre de ses mains son fils prodigue. Oui, la plus grande joie de Dieu sera de nous pardonner, puisque sa seule façon d'aimer, d'être éternellement fidèle à son amour créateur, c’est d'être miséricordieux en pardonnant.
Chaque fois que Dieu exerce sa miséricorde,
c'est comme s'il recréait l'homme ; il lui permet de repartir tout neuf
comme au sixième jour de la Création. St Ambroise a une parole étonnante ; il
cherche à comprendre pourquoi Dieu Créateur ne s’est reposé que le septième
jour : “Il a fait les cieux et je ne lis
pas qu'il se soit reposé ; il a fait la terre, et je ne lis pas qu'il se soit
reposé... Mais je lis qu'il a fait l'homme et qu'alors il se reposa, ayant
enfin quelqu'un à qui il put pardonner les péchés”.
Aussi,
j'aime les histoires de miséricorde. Au soir de sa vie, un saint homme
arrive à la porte du paradis. St Pierre lui dit : "Prends cette
feuille et écris tes bonnes œuvres. J'appliquerai à chacune d'elles la note
méritée. Quand tu arriveras au chiffre "cent", tu entreras". Notre homme s'empressa d'écrire : "Je me suis
dévoué auprès des malades...". - "Bien, dit St Pierre,: un-demi point ! - "J'ai fait le catéchisme !" - "Oui, oui, un point !" -
"J'ai partagé avec les plus pauvres !" - "Très bien ! Un
demi-point !". Notre
homme se lamentait intérieurement. A ce tarif, se disait-il, je n'arriverai pas
au paradis ! Inquiet, il lança avec fierté : "J'ai toujours
fleuri la statue de la Vierge Marie que je priais chaque jour ! -
"Parfait, dit le Portier du ciel, deux points...". Tout éploré, le saint homme s'écria : "Mais je n'y
arriverai jamais ; je n'ai plus qu'à compter sur la miséricorde de Dieu !". Alors, St Pierre se souvenant du regard plein de
miséricorde que le Seigneur lui avait accordé un certain Jeudi soir, lui lança
: "Vite,
tu peux entrer tout de suite. Jésus t'attends !".
St Paul n'avait-il
pas noté fortement : Dieu nous a manifesté sa tendresse, sa bonté. Il nous a
sauvés, non à cause d'actes méritoires de notre part, mais du fait de sa
grande "miséricorde" (Cf. Tite 3.4sv).
J'aime à remarquer encore :
quand l'Église nous appelle à recevoir le sacrement de réconciliation, (à
"nous confesser" comme l'on dit), elle nous appelle à confesser
notre foi au travers même de nos péchés. Confesser Dieu et confesser ses péchés
vont ensemble, s'articulent l'un l'autre. St Augustin, qui s'y entendait en
“Confessions”, disait avec force : “Pour louer Dieu, tu t'accuses : en
effet, sa grandeur est de remettre tes péchés. Cela fait partie de la louange
de Dieu quand tu confesses tes péchés. Et pourquoi ? Parce qu'on félicite le
médecin d'autant plus que l'on avait désespéré du malade”.
Confesser ses péchés, sa misère,
c'est confesser notre foi, c’est célébrer la miséricorde du Père.
Même à ses grands serviteurs,
Dieu ne se révèle que "plein de miséricorde". Moïse, "l'homme le plus humble (doux) que la terre ait porté" (cf. Nb
12.3), qui avait le privilège de parler "sur la bouche du Seigneur" ("al pi Adonaï" Cf. Nb 9.17sv; Nb 10.13...), voulait "voir Dieu".
Mais le Seigneur lui répondit : Je ferai seulement passer ma gloire derrière
toi. En te retournant, "tu me verras
de dos !". Et un midrash fait ce beau commentaire : "Autrement dit, Moïse ne vit que le
manteau de la miséricorde de Dieu qui recouvrait
toutes choses !".
Et puisque la bonté de Dieu peut être comparée aux entrailles d'une mère, il nous faut prier Marie, la Mère de Dieu ! Devant Élisabeth, elle proclame dans son Magnificat que la miséricorde de Dieu “s'étend d'âge en âge” (Lc 1,50). Au Père des miséricordes fait écho la Mère de la miséricorde !
Que la Vierge Marie, “Mère de
miséricorde”, nous aide à proclamer souvent comme St Paul : “Béni
soit Dieu, le Père de notre Seigneur
Jésus-Christ, le Père des miséricordes, le Dieu de toute consolation ; il nous console dans toutes nos détresses,
pour nous rendre capables de consoler tous ceux qui sont en détresse” (2 Co
1,3). Que Notre Dame de la Paix nous y aide !
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