dimanche 27 décembre 2015

Innocence !

28 Déc. 15-16 - Les Saints Innocents ! -  Pouvoir et pouvoirs !

L'Eglise serait-elle parfois provocatrice ? Provocatrice et pour notre intelligence et pour notre foi en même temps ?
Il y a trois jours, nous étions émerveillés devant un enfant nouveau-né - Dieu fait homme - ! Aujourd'hui, nous sommes affrontés à la mort inqualifiable d'enfants innocents !

Bien plus, en cette circonstance affreuse, non seulement Dieu se tait, mais il envoie un ange informer Joseph du danger que court l'enfant Jésus, sans se soucier, semble-t-il, d'enfants qui vont périr à cause de lui !
Toujours cette même question lancinante que notre intelligence peine à appréhender et à résoudre : Pourquoi Dieu n'intervient-il pas pour nous écarter de telle ou telle catastrophe, pour nous protéger des malheurs possibles, pour anéantir les "ouvriers du mal", comme disent les psaumes ?

Seule notre foi peu avancer quelques réflexions !

Remarquons d'abord qu'il s'agit, finalement, dans l'évangile de ce jour, d'une lutte, et d'une lutte qui est vieille comme le monde, la lutte de pouvoirs !
Où est né le "roi des Juifs", avaient demandé les Rois-Mages, passant par Jérusalem. Et voilà qu'aussitôt le roi Hérode a peur de perdre son pouvoir, a peur d'un roi tout juste né ! Comme tout tenant d'un pouvoir quelconque, il a peur de le perdre...
Remarquons au passage que ce roi, tout sanguinaire qu'il soit, n'est pas dépourvu d'un certain réalisme et d'une intelligence modeste - ce ne sera pas toujours le cas dans l'histoire, et aujourd'hui encore - : il reconnait implicitement que tout pouvoir n'est pas tout savoir ! Il convoque grands prêtres et scribes pour s'enquérir du lieu où doit naître ce roi qui peut s'opposer à sa royauté !

Cependant, il se trompe lourdement, ce roi comme tout homme assoiffé de domination. Car le pouvoir de Jésus n'est pas celui d'Hérode. Il n'en veut nullement ! Un jour, on lui demandera : "Tu es roi ?". Et il répondra : "Oui, je suis roi. Mais ma royauté n'est pas de ce monde. Je suis venu pour rendre témoignage à la vérité. Quiconque est de la vérité écoute ma voix" (Cf. Jn 33-37). Et Pilate conclura : "Mais qu'est-ce que la vérité ?". Comme pour dire : la vérité n'est-elle pas ce que le pouvoir pense ? C'est toujours si actuel !

Vérité de vie et vérité d'un homme, d'un groupe d'hommes..., quelle différence ! Il ne s'agit donc pas de la même royauté !
Le trône de Jésus fut d'abord une mangeoire ; et toute sa vie consistera à se donner en nourriture. Et cela jusqu'à nous, par l'Eucharistie, afin de nous donner sa vie, la Vie divine, vraie Vérité ! Aussi, son trône sera une croix ; son sceptre, un roseau ; son vêtement royal un manteau de pourpre propre à la dérision que facilement utilise l'orgueil de la "vérité" humaine !

Depuis l'Incarnation, la puissance de Dieu s'est établit dans l'humilité, dans la fragilité humaine. Et pour le rencontrer véritablement, le rencontrer, en vérité, dans la Vérité, sa Vérité, il faut soi-même se faire petit, se délivrer de toutes nos petites puissances trop humaines et facilement dérisoires auxquelles nous sommes pourtant souvent si attachés. Comme Hérode, nous avons peur de les perdre. Pourtant, ce sont aux "petits", aux "humbles" que le Royaume de Dieu sera accordé ! Et c'est bien là le paradoxe provocateur de la foi chrétienne... ! Personnellement, je garde en mémoire la vie du pape Benoît XVI, homme de Dieu si intelligent et si humble tout à la fois. Il fut un grand exemple !

Autre petite réflexion : Jésus semble donc avoir été protégé lors du massacres des enfants innocents ! Mais ce n'était pas un privilège.
C'était pour attendre "son heure", comme il le dira à sa propre mère. Son "heure" arrivée, il se livrera à ses bourreaux en pleine conscience d'homme, en un libre consentement d'amour : faire consciemment de sa mort un acte d'amour pour tous les hommes.

Bien plus, Jésus fera de sa mort un acte d'amour qui, en la personne du bon larron, ouvre le ciel à tous les brigands repentants de notre humanité : "Père, priera-t-il, pardonne-leur ; ils ne savent pas ce qu'ils font !". Car il sait que Dieu, lui, peut faire miséricorde avec justice, et justice avec miséricorde. C'est un des grands mystères de Dieu : en Lui, justice et miséricorde se conjuguent parfaitement. Déjà, ici-bas, nous comprenons que "la justice sans la miséricorde n'est que cruauté" ; et que "la miséricorde sans la justice est mère de la débauche !", comme dira si bien St Thomas d'Aquin. Mais en Dieu, justice et miséricorde sont en parfaite connexion... Quelle consolation, pour nous, pécheurs !

Et lorsque Jésus intercède ainsi pour tous les bourreaux de l'histoire, ce n'est pas seulement sa vie livrée qui prend sens, mais celle également de tous ceux qu'il "récapitule" en lui, selon l'expression de St Paul, c'est-à-dire la vie de toutes les victimes innocentes dont le sang rejaillit sur notre pauvre humanité marquée par le péché. C'est en leur nom que Jésus intercède auprès du Père.

Finalement, si l'Eglise "canonise" ces enfants que l'on nomme "Saints Innocents", c'est pour nous signifier que toutes les victimes innocentes - alors même qu''elles ne pouvaient en avoir conscience - ont été, dans leur vie comme dans leur mort, étroitement unies au sacrifice conscient du Christ qui est notre défenseur devant le Père. Il est "la victime offerte" qui fait de toutes les morts innocentes des sacrifices parfaits de charité...  Leurs souffrances insérées ainsi en celles du Christ, prennent alors une valeur de rédemption que nous ne pouvons soupçonner totalement !

Ainsi prier les "Saints Innocents", c'est prier avec le Christ en croix qui intercède pour nous !

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