jeudi 24 décembre 2015

Un conte d'humanité !

Noël - Messe du Jour 15-16/C  


Office de la Nativité avec messe de minuit, messe de l'aurore, la fatigue, spécialement chez les Moniales, commence à se faire sentir. Aussi, je ne voudrais pas être trop long. Et pour ne pas amplifier la lassitude, je me permets de vous transmettre une histoire, un conte que j'ai glané je ne sais plus où ! Un conte, ce n'est pas trop difficile à entendre ; mais il peut être cependant très instructif !

Chaque année, quelques jours avant la fête de Noël, Marie-Noëlle, une jolie petite fille, bout d'impatience. Mettez-vous à sa place ! Dès le début de l'Avent, avec ses parents, elle creuse la grotte dans le papier-rocher. Ensuite apparaissent le bœuf et l'âne, puis les brebis qui restent à distance. Vers le 20 décembre, la maman place Joseph et Marie et la crèche où doit reposer l'enfant. Puis on rapproche un peu les moutons, chaque soir. Marie-Noëlle voudrait pousser tous les moutons jusqu'à la grotte, pour fêter l'événement. Mais ça n'est pas possible, paraît-il. Il faut attendre... et attendre !

L'an dernier, il s'est passé quelque chose de bouleversant. Figurez-vous que Marie-Noëlle, en visitant les alentours de la grotte, a trouvé le petit Jésus dans un creux des rochers. La maman l'avait mis là, dans une proximité discrète, pour qu'il soit prêt à prendre sa place, le soir de Noël. Vous imaginez l'émotion de la fillette : le nouveau-né était là, tout seul, au froid, sans personne pour s'occuper de lui. C'était terrible ! Elle a voulu le mettre immédiatement entre Marie et Joseph, sous le souffle tiède du bœuf, dans le regard profond de l'âne. Mais ce n'était pas encore Noël !

Aussi, pendant une absence de Marie-Noëlle, Jésus a disparu. Stupeur ! À son retour, elle l'a cherché partout. On lui a dit qu'il fallait attendre quatre jours. Ces quatre jours furent des siècles. On avait beau avancer les moutons, ça ne comblait pas le cœur de la petite !

Je vais continuer mon histoire. Mais remarquons d'abord - vous l'avez deviné -, que l'histoire de Marie-Noëlle, c'est la nôtre ! La petite fille qui s'impatiente et cherche encore et toujours, mais c'est l'humanité, cette humanité qui voudrait voir l'enfant, - Dieu fait homme - ! Quand verra-t-elle enfin apparaître le visage de l'homme-Dieu ?

Si l'on regarde vers le passé, que de sang versé, que de massacres !
Aujourd'hui encore, que de violences. Quand donc verrons-nous la naissance de cet enfant caché qui sera "Prince de la Paix" ?

Et pourtant, il y a vingt siècles, au milieu des ténèbres du peuple d'Israël, un événement s'est produit, infime, qui a commencé de féconder la vie humaine. Un enfant est né à Bethléem, dans l'obscurité de la nuit de l'histoire. Des bergers sont accourus. Des anges l'ont enrobé de leurs chants de lumière.

Trente ans plus tard, on a vu un jeune homme partir sur les chemins de Palestine, comme une flamme insolite d'humanité.
Partout où il passait, le feu de l'amour prenait :
Il a invité à changer le monde.
Il a bousculé toutes les pesanteurs,
il a supprimé les barrières.
Il a parlé au Dieu Très Haut avec la liberté d'un bambin.
Là où il arrivait, il renversait l'ordre établi :
les derniers devenaient les premiers,
les pauvres étaient plus heureux que les riches.
Il faisait renaître la femme perdue, le publicain voleur.
Un goût de vivre inconnu surgissait avec cet homme.
De quoi transfigurer l'existence, les sociétés, bâtir d'amour un monde neuf.

Je sais : cette flambée d'humanité n'a eu, apparemment, qu'un temps. Les puissants de ce monde se sont ligués contre le jeune prophète : l'enfant de l'étable de Bethléem a été cloué sur une barre, il est mort en croix pour avoir voulu faire naître l'humanité.

Et pourtant, il est ressuscité, il est vivant, il est parmi nous.
Dès lors, au long des siècles, sa contagion n'a cessé de courir dans le sang des hommes. "Celui dont la maladie s'appelle Jésus ne saurait jamais guérir !", dit un mystique. Car cet Enfant-Dieu, tout petit, tout frêle, apporte encore le salut qui change nos yeux et nos cœurs pour changer le monde.

Et aujourd'hui encore, l'humanité attend le visage de Dieu. Il prend le visage de ces jeunes qui le découvrent. Et ils chantent avec lui : nous sommes tous nés pour changer le monde.
Ce visage divin se découvre encore en tous ceux qui veulent substituer à la logique de la haine la dynamique de l'amour, comme un levier pour soulever le globe terrestre.
En tous ceux encore qui tissent autour de la planète une chaîne aussi serrée que rien ne pourra jamais la briser.
Et que sais-je encore.

Et c'est là que je rêve encore avec la jeune fille, Marie-Noëlle, qui, le jour de la Nativité de l'Enfant-Dieu, regarde, contemple et prophétise.

Le dernier pèlerin a quitté l'étable. L'enfant allait dormir enfin. Doucement la porte s'ouvre et une femme parait sur le seuil, couverte de haillons, si vieille et si ridée que dans son visage couleur de terre, sa bouche elle-même semblait n'être qu'une ride de plus.

En la voyant, Marie prend peur.
L'âne et le bœuf mâchent paisiblement leur paille, sans marquer plus d'étonnement que s'ils la connaissaient depuis toujours.
Chacun des pas que fait la femme semble long comme des siècles. Elle continue d'avancer et voici qu'elle est au bord de la crèche. Grâce à Dieu, Jésus dort toujours.
Soudain, il ouvre les paupières et sa mère est bien étonnée de voir que les yeux de la femme et ceux de son enfant étaient exactement pareils et brillaient de la même espérance.

La vieille alors se penche sur la paille, tandis que sa main va chercher dans le fouillis de ses haillons quelque chose qu'elle semble mettre encore des siècles à trouver.
Marie la regarde toujours avec la même inquiétude.
Enfin, au bout de très longtemps, la vieille finit par tirer de ses hardes un objet caché dans sa main et le remet à l'enfant. Après tous les trésors des mages et les offrandes des bergers, quel était donc ce présent ? D'où elle était, Marie ne pouvait pas le voir. Cela dura encore bien longtemps.

Puis la vieille femme se relève, comme allégée du poids très lourd qui l'attirait vers la terre. Ses épaules ne sont plus voûtées, son visage a retrouvé miraculeusement sa jeunesse. Et quand elle s'écarte du berceau pour regagner la porte et disparaître dans la nuit d'où elle était venue, Marie put voir enfin ce qu'était son mystérieux cadeau.
Eve, car c'était elle, venait de remettre à l'enfant un fruit, le fruit du premier péché ; et le fruit brillait aux mains du nouveau-né comme le globe du monde nouveau qui venait de naître avec lui.

En ce jour de Noël, ma parabole voudrait chanter
- la foi en cet enfant - Emmanuel, Dieu avec nous -, capable avec nous désormais de recréer le monde.
- l'espérance en ce monde nouveau qu'il est venu instaurer en nos cœurs, si nous savons l'accueillir.
- l'amour qui l'a inspiré et qu'il nous donne pour continuer son œuvre de salut !

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