31ème
T.O. Mercredi
Un homme s'avance vers sa mort annoncée. Un homme s'avance vers la ville qui
tue les prophètes. Il s'avance "le
visage durci", dit St Luc. Il sait ce qui l'attend !
Derrière lui,
du monde, trop de monde, "de
grande foules", dit le texte. Une foule bruyante qui veut signes, miracles,
guérisons, pain et poissons. C'est toujours actuel !
L'homme
s'arrête, se retourne. Il ne conduit pas une promenade champêtre. Alors, des
phrases tombent, lourdes, énormes, abruptes : "Celui qui ne porte pas sa croix... Si quelqu'un vient à moi sans
me préférer à père, mère, femme enfants.... Celui qui ne renonce pas à tout ne
peut être mon disciple !".
Ces phrases, bien
connues, donnent le vertige. Ou alors, "ça
ne passe pas", comme l'on dit. En tous les cas, de quoi s'asseoir,
avant de se décider à suivre cet homme. Qu'est-ce que cela veut dire ?
Pour les uns, ça ne veut rien dire. Trop, c'est trop ! Les discours excessifs sont insignifiants.
Seuls peuvent suivre cet homme quelques exaltés !
Pour d'autres, ce qui est écrit est écrit. Parole d'évangile est parole d'évangile !
A prendre ou à laisser !
Pour d'autres
encore - les plus nombreux -, on fait son petit choix,
son petit montage. Car l'intransigeance de Jésus est la même en tous domaines :
"On te gifle, tends l'autre joue...
On prend ton manteau, donne ta veste... Pardonne mille et mille fois... Pas un
riche n'entrera au Royaume... Que l'homme ne sépare pas ce que Dieu a
uni..." etc. Alors, on choisit. On a choisi, au fil des années, des
âges, l'exigence ici, la compromission là, ou encore l'oubli ailleurs.
Or il ne
s'agit pourtant pas de choisir, de prendre ceci et de laisser cela, mais de
comprendre. Ces phrases ne sont ni des rêveries impossibles ni des lois.
Rappelons-nous cette autre exigence : "Si
tu viens à l'autel et que là, tu te souviens que ton frère a quelque chose
contre toi, laisse-là ton offrande, va d'abord te réconcilier avec ton frère,
puis reviens à l'autel". S'il s'agit d'une loi, il me paraît clair que
nous pourrions, que nous devrions - moi le premier - quitter cet autel. Jamais
nous n'arriverions au bout d'une messe !
Comme les autres
phrases de Jésus, celle-ci est un cri, qui doit nous habiter sans cesse, pour
nous redire que l'amour et la fraternité sont plus importants que le culte,
que la miséricorde vaut mieux que le sacrifice.
L'évangile est
un appel, un appel à l'aventure extrême, loin des petites
religions de supérette et du confort spirituel à bon marché.
Un appel aux
noces pour un nouveau monde, celui de l'amour de Dieu
et du bonheur de l'homme. Le monde des Béatitudes (entendues récemment), le monde de cet homme qui
marche vers Jérusalem.
Marcher à sa
suite, le préférer, tout laisser, comme l'amoureuse laisse parent et maison
d'enfance pour celui qu'elle préfère. Mais n'est-ce pas à des noces que nous
sommes conviés ? Noces d'amour, noces de sang aussi, il est vrai : les
noces de l'Agneau immolé.
"Trop
dur", dira l'homme qui s'est assis pour réfléchir. Mais écoutons bien
Jésus. Quand il a tout dit (cf. ch. 5 selon St
Matthieu) de ses exigences sur l'amour, la violence, le
pouvoir, le pardon, il termine par cette phrase : "Je vous le dis ! Soyez parfaits comme votre Père céleste est
parfait". Je suis sûr qu'intérieurement, Jésus disait : "Vous pouvez toujours courir",
ou plus exactement : "Vous devez
toujours courir !".
Il ne nous est
pas demandé d'être des justes. On n'est jamais en règle avec l'évangile.
Personne ne peut dire : "J'ai tout
bien fait !".
Ce qui compte,
c'est de marcher, d'avancer. Jésus s'est adressé,
s'adresse à des pauvres. Et si nous nous reconnaissons "pauvres" - la
seule exigence véritable, la seule condition essentielle et suffisante - il
nous prend la main tels que nous sommes et là où nous en sommes. Qu'importe
d'où on part. L'important c'est de marcher parce qu'on a envie qu'advienne un
monde selon le cœur de Dieu.
Ce que Jésus
demande, ce n'est pas tellement de faire ceci ou cela, mais d'essayer d'être un
peu à la manière de Dieu, d'épouser sa bienveillance, sa passion pour la vie,
sa passion pour l'homme, pour tout homme. Voilà la seule et vraie Loi, la loi
du cœur, la loi du désir, la loi de la vie.
S'asseoir, puis
se lever. Prendre la route de Jérusalem. Avec lui. Avec lui "passer",
faire chaque jour Pâques, Pâques avec son Vendredi saint et son dimanche de
résurrection.
Et chaque jour
dire, se dire : "Aujourd'hui, je
commence !".
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire