mercredi 16 juin 2010

T.O. 11 Mercredi - Prophétisme ; charisme et grâce ! - (II Rois 2.1sv ; Mth 6.1sv)

Pour bien comprendre la lecture d’aujourd’hui, il faudrait relire toute la “geste“ d’Elie et d’Elisée qui s’inscrit dans tout un courant - disons - de “prophétisme charismatique“ qui commence surtout avec Samuel (et l’institution de la royauté). Elie et surtout Elisée faisaient partie de ces groupes de croyants qui vivaient en ascètes près du Jourdain dans des espèces de “bicoques“ construites sommairement. (Cf. Amos 7.10sv). Ce sont les “précurseurs“ de notre Jean-Baptiste ! Quand l’Esprit s’emparaient d’eux, ils entraient en transe, en délire, disons plus aimablement en effervescence !

Ce genre de “prophétisme charismatique“ n’était pas toujours apprécié. Il rappelait certaines pratiques païennes de divinisation, de magies noires (Il en est toujours ainsi !). Du moins, on avait tendance à attribuer ce genre de manifestations à un tempérament spécial - je ne dis pas de déséquilibré, mais qui soulignait une vulnérabilité particulière -. Cependant, quand l’Esprit de Dieu fondait sur des personnes avec mission de sauver le peuple (tel Sanson, Saül…) ou pour répandre les bienfaits divins, tout le monde s’enthousiasmait, même si certains signes déroutaient, voire effrayaient.

Mais ce qui est caractéristique du don de l’esprit prophétique dans l’A. T, c’est qu’il est individuel. Nous le voyons dans notre lecture : Elie n’est pas en capacité de transmettre son “esprit“ à son disciple Elisée. Si vous lisez d’ailleurs le passage en son entier, vous verrez qu’Elie essaie, à plusieurs reprises, de “semer“ son disciple pour ne pas être importuné avant d’être emporté par un “tourbillon“, mot presque technique qui veut exprimer l’ineffable ! Et Elisée, témoin de cet “ineffable“ de s’écrier : “Char d’Israël et ses cavaliers !“, en déchirant ses vêtements en signe de deuil. Car Elisée est loin de penser : “Quelle chance, je suis maintenant l’héritier d’Elie !“. Au contraire, l’expression “Char d’Israël et ses cavaliers“ signifie que la divine “force de frappe“, si je puis dire, qui maintenait le peuple en vie face à tous ses adversaires, s’éloigne avec Elie. C’est un cri de désespérance : que va-t-on devenir ? Elisée reçoit cependant la réponse : avec le manteau d’Elie, il frappe les eaux du Jourdain qui s’ouvrent comme avec Moïse, Josué, Elie ! Alors il s’écrit : “(Où est) le Seigneur, le Dieu d’Elie !“. D’après le texte, on n’est pas certain de “où est ?“… le Seigneur… ? C’est une forme plus exclamative qu’interrogative : “Le Dieu d’Elie est toujours là !“. Finalement, le signe qu’Elisée reçoit l’esprit de son maître - ce qui n’était pas habituel -, c’est que Dieu est toujours là !

La caractéristique du passage de l’Ancienne Alliance à la Nouvelle, ce sera, justement, la possibilité de transmettre l’Esprit de Dieu (sens de la confirmation). Cette transmission est à la fois individuel et collectif - disons ecclésial -. Ces deux dimensions ne doivent jamais être dissociées. C’est pour nous un critère essentiel. Si un membre du Corps du Christ reçoit un don (l’un de ceux qu’énumère St Paul. Cf. lettres aux Romains, Corinthiens) : enseigner, exhorter, servir, présider…), ce doit être toujours au bénéfice du Corps entier!

Cela est important, car à la suite de ce texte (et d’autres), à l’occasion du “prophétisme charismatique“, je me fais souvent cette réflexion :
  • D’une part, il y a l’Eglise - Corps du Christ, ne l’oublions surtout pas ! - ; il y a l’Eglise visible, l’Eglise-Institution qui n’est pas toujours comprise - soit ! -, qui, par un enseignement cohérent, peut paraître rigide - soit ! -, qui n’a pas toujours l’art de communiquer - soit encore ! -, mais qui nous transmet tout un extraordinaire patrimoine intellectuel, spirituel, divin que l’on peut être fier - avec humilité certes ! - de recevoir… et de profiter… !
  • Et, d’autre part, il y a toute une floraison de mouvements appelés “charismatiques“, grands ou petits, composés parfois de personnes plus ou moins originales, voire marginales. Et on est parfois un peu perplexe devant leur langage particulier, leur comportement affectif un peu étrange, leurs attitudes parfois provocantes sinon agressives. Mais, en même temps, on est interloqué parce qu’ils font des choses auxquelles les chrétiens, globalement, semblent avoir renoncé… Ils récupèrent les irrécupérables…, ils redonnent espoir aux désespérés…, relèvent les affligés, délivrent les enchaînés, etc. Et c’est bien, très bien !

Il faut cependant bien distinguer ; et l’Eglise - dans sa sagesse - l’a fait depuis le 4ème siècle (à propos du donatisme).

* Il y a des dons, des grâces que Dieu donne gratuitement (“gratia gratis data“). Et ces dons sont accordés pour sanctifier, aider, soutenir…, etc. ; mais ceux qui les possèdent n’en sont pas pour autant sanctifiés eux-mêmes ! (Il faut le savoir !). Tels sont les dons des langues, des miracles, des prophéties, etc.
* Et il y a “le Don“, “la Grâce“ qui nous rend “agréables“ à Dieu (“gratia gratum faciens“), la “grâce sanctifiante“, qui nous rend peu à peu saints.

Et il ne faut pas juger de son “état de grâce“, comme on dit, d’après les charismes que l’on peut avoir reçus. Avoir des “dons particuliers“ (don d’enseigner par exemple) ne veut pas dire qu’on est en accord avec Dieu, qu’on a une vie de sainteté… Il ne faut pas se leurrer soi-même.

Il suffit d’ailleurs de relire l’“hymne à la charité“ de St Paul : Quand je parlerais les langues des hommes et des anges…., quand je connaîtrais tout les mystères, quand j’aurais une foi à transporter les montagnes… etc…, si je n’ai pas la charité, cela ne me sert à rien, je ne suis rien…

Alors, la charité, qu’est-ce que c’est ? Elle est indéfinissable. On peut l’appeler “grâce sanctifiante. Mais comme Dieu ne donne pas son Nom dans la Bible, les théologiens ont beaucoup de mal à la cerner. C’est quelque chose de divin en nous ! On ne peut la décrire. On rencontre seulement des hommes et des femmes qui ont la charité. Et c’est merveilleux ! Car dans la mesure où nous avons la charité, nous sommes déjà dans la Vie éternelle !

Retenons : La charité c’est ce sans quoi tout le reste n’est rien !

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