lundi 8 juin 2009

Communion des Saints - Souffrance - T.O. 10 imp. – Lundi – (II Co. 1.1 svsv)

Nous savons en quel contexte St Paul écrit sa 2de lettre aux Corinthiens. Il est à Ephèse et en extrême souffrance. Il parle même d’une épreuve telle qu’il désespérait de conserver la vie (cf. 1.8sv). Quel fut donc son épreuve ?
  • Une maladie ? C’est bien possible !
  • Un emprisonnement à Ephèse ? C’est fort probable, même s’il fut court.
  • Une forte opposition de la part de ses compatriotes ? C’est certain. Ce problème des relations Juifs-Chrétiens et des manœuvres sournoises des Judéo-chrétiens fut toujours pour lui comme un écartèlement entre l’amour du Christ et l’amour de ses frères de race. Il s’en expliquera dans sa lettre aux Galates écrite à la même époque.
  • Les nombreuses préoccupations pour l’évangélisation des villes d’Asie mineure, telles Colosses, Laodicée, Hiérapolis ? Bien sûr ! Les fondations de nouvelles Communautés sont toujours source de grandes inquiétudes.
  • Les mauvaises nouvelles qu’il reçoit de Corinthe où les divisions s’accumulent, les interprétations de doctrine se multiplient, les mœurs elles-mêmes se dégradent ? Là encore, c’est certain.

En tous les cas, Paul est accablé physiquement et moralement, mais non spirituellement. Et c’est ce point qu’il nous faut retenir lorsque pour nous-mêmes les ouragans surviennent à répétition et risquent de nous anéantir.

En cette circonstance, Paul commence par louer Dieu, en bon Juif (le mot “Juif“ vient de la racine “louer“). Cette attitude de toujours dire “merci“ contient un acte de foi très profonde dans la “Communion des Saints“ et la valeur de la souffrance.

La “Communion des Saints“ (de notre “Credo“) est une réalité qui se construit dès ici-bas et qui se manifestera pleinement quand nous“ verrons Dieu tel qu’il est“ (I Jn 3.2). C’est la réalité d’une famille liée par une profonde solidarité spirituelle qui nous unit non seulement avec nos frères défunts, mais également, plus que nous le pensons, à tous ceux qui sont en marche vers la “Cité dont Dieu seul est l’architecte et le constructeur“. Une solidarité mystérieuse mais réelle alimentée par la prière - l’Eucharistie principalement -. C’est toujours dans le Christ que nous nous rencontrons véritablement, en franchissant bien des barrières, en s’échangeant nos richesses. Avec les Jeunes, je disais facilement que la “Communion des Saints“, c’est un “Web spirituel“ ! “Web“, ce sont les initiales d’une formule qui veut dire “toile d’araignée“. Et bien, si la toile est touchée à tel ou tel endroit, c’est toute la toile qui vibre. C’est ainsi que Thérèse de Lisieux, malade, pouvait dire : “Je marche pour un missionnaire !“.

Et bien dans le même sens, Paul écrit (en m. à m. et toujours avec son style difficile parce que répétitif) :

“Béni soit Dieu de tout réconfort, lui qui nous réconforte pour que nous devenions capables de réconforter, grâce au réconfort dont nous sommes réconfortés nous-mêmes par Dieu. (Ce n’est peut-être pas bien dit, mais c’est clair !)
De même, en effet, que les souffrances du Christ surabondent en nous, de même, par le Christ, surabonde aussi notre réconfort.
Que nous soyons affligés, c’est pour votre réconfort et votre salut, à vous ;
Que nous soyons réconfortés, c’est pour votre réconfort qui vous fait supporter les mêmes souffrances dont nous aussi souffrons.
Et notre espérance à votre égard est ferme, sachant bien que, comme vous êtes associés à nos souffrances, vous l’êtes également à notre réconfort“.

Quel est donc le réconfort de Paul ? Le Christ n’explique pas, rationnellement, la souffrance. Il dit simplement : Si tu souffres, prends ta part (communie) à cette œuvre que j’ai accomplie pour tous les hommes par mon mystère pascal de mort et de vie. La souffrance ne peut être acceptée qu’en union (qu’en communion) à la souffrance du Christ qui nous a ainsi rétablis dans l’Alliance avec Dieu, et, de ce fait, avec tous nos frères. Et c’est notre réconfort !

Par cette communion dans la foi et le réconfort qui en résulte, non seulement nous surmontons les sentiments d’inutilité de la souffrance - qui humainement ronge le cœur de l’homme et est souvent un poids pour son entourage -, mais nous découvrons la perspective spirituelle de l’œuvre d’amour du Christ. La souffrance devient, avec le Christ et dans la “Communion des Saints“, une source de bienfaits indispensables au salut du monde. En ce sens, elle peut même devenir un chemin de grâce et même de réconfort joyeux.

Oui, l’Evangile de la souffrance ne cesse de s’écrire et de s’exprimer en nous toujours par ce paradoxe étrange : les sources de la force divine jaillissent au cœur de la faiblesse humaine du croyant. Voilà notre réconfort !

Que le Seigneur nous donne cette vision de foi en nos épreuves diverses!

NOTE : Pour mieux comprendre les lettres de St Paul aux Corinthiens.

St Paul est à Ephèse. C’est son second séjour, plus long que le premier. Nous sommes sans doute au printemps 54 ! De Corinthe, des nouvelles arrivent ! Elles sont mauvaises.

Les échanges entre Corinthe et Ephèse étaient nombreux ! Des gens faisant partie du personnel d’une entrepreneuse de commerce, une certaine Chloé, étaient arrivés à Ephèse et avaient mis l’Apôtre au courant des dissensions qui avaient éclaté dans la communauté de Corinthe.

Un des fauteurs, bien involontaire, du trouble était Apollos.

Ce Juif helléniste, instruit des Ecritures et éloquent (Act 18/24), était bien fait pour plaire à Corinthe plus que Paul qui, non seulement n’avait ni “le prestige de la parole ni celui de la sagesse”, mais loin d’avoir été habile pour “les discours persuasifs de la sagesse” (l’échec d’Athènes !) semble bien, en outre, avoir eu un abord “timide, craintif et tout tremblant” (I Co. 2/3).

Aussi s’engoua-t-on, à Corinthe, pour le brillant Apollos, et certains firent des comparaisons déplaisantes avec Paul : “Moi, disaient-ils, je suis pour Apollos” (I Co 1/12)

Etait-ce uniquement son éloquence qui faisait ainsi préférer Apollos et l’opposer à Paul ? Ne serait-ce pas le fond de son enseignement lui-même, mélange original de conceptions hellénistiques et judaïques. Il semblait être revêtu de la “connaissance des sages”, c’est-à-dire de la connaissance de la volonté de Dieu à propos de diverses questions et des mœurs du temps…, connaissance qui donne la “liberté” du “spirituel”. D’où, parmi les fidèles, des divergences doctrinales qui risquent de diviser la Communauté, les uns se réclamant d’Apollos, d’autres de Paul.

Et, pour comble, étaient sans doute survenus les inévitables prédicateurs judaïsant la doctrine !

Ils critiquèrent les libertés, à l’égard de la Loi mosaïque, de ceux qui se réclamaient autant d’Apollos que de Paul. Eux, ils se réclamaient de Pierre, de “Cephas” comme l’appelle Paul. Non que Pierre ait mandaté ces intrus. Mais, naguère, n’avait-il pas semblé avoir gardé, à propos des pratiques juives, une attitude timorée, hésitante (Cf Gal 2/11 sv)… Aussi, ces “conservateurs” sectaires avaient beau jeu de dire dans les Communautés pauliniennes : cette façon de faire n’est pas celle de Pierre ; si Pierre voyait cela, il ne serait certainement pas d’accord !

Si bien que plusieurs, à Corinthe, furent pris de scrupules et se mirent à pratiquer les prescriptions mosaïques, critiquant ceux qui s’y refusaient. D’où le slogan : “Moi, je suis pour Cephas !”

Bien plus, dans chaque “obédience”, si l’on peut dire, on se targuait de posséder la seule vraie formule de doctrine et de vie qui permettait de se dire du Christ. D’où cet autre slogan : “Moi, je suis pour le Christ ! C’est nous qui sommes au Christ !” Tout cela, c’est tellement courant !

La communauté de Corinthe tendait à se briser en sectes !

Lorsque l’on se réunissait pour le “repas du Seigneur”, il se formait des groupes séparés. On prenait son propre repas à part, sans s’attendre mutuellement. Peut-être même, tandis que les “judaïsants“ s’abstenaient et jeûnaient, d’autres, se réclamant de la liberté au nom de Paul ou d’Apollos, s’empiffraient jusqu’à l’ébriété, ou bien se vantaient d’avoir mangé de la viande offerte aux idoles pour scandaliser les Juifs et leur manifester leur largeur de conscience. “Tout m’est permis”, disaient-ils, révoquant, par cette formule rabbinique, tout ce qui était juif !

Et certains d’entre eux appliquaient même ce principe pour excuser certaines de leurs pratiques plus ou moins scandaleuses dans une ville dédiée à la déesse Aphrodite… Certains baptisés étaient-ils tentés de retrouver des mœurs païennes ?

De part et d’autre, surtout dans le camp de la “connaissance des sages”, on rivalisait de transports mystiques, vrais ou simulés, pour manifester dans quel parti soufflait l’Esprit du Christ. C’était une débauche de “glossolalie”, gens qui, en extase, parlaient une langue incompréhensible. Les femmes s’en mêlaient. Les assemblées tournaient à la cacophonie et au ridicule !

Apprenant tout cela, Paul écrit à l’Eglise de Corinthe une lettre “sévère” qui ne nous a pas été conservée.

Cette lettre produit son effet, du moins dans l’immédiat.

L’Eglise de Corinthe rédige une missive et la fait porter à Ephèse. Paul y répond durant le temps pascal de l’an 57. C’est la première épître aux Corinthiens qui nous fait entrer dans les remous auxquels la vie chrétienne s’affrontait alors. Nous assistons aux premiers pas d’une Communauté qui s’efforce de vivre l’Evangile dans un milieu païen auquel elle se sent encore très attachée et dont elle dépend. Libéré du légalisme juif, le christianisme s’acclimatait en sol païen, mais il courait de gros risques. Paul en a parfaitement conscience : il ne va pas condamner systématiquement ; mais il soumet les audaces et les richesses d’une Communauté pleine de vie et de faiblesses à un sens chrétien authentique…

Cependant, le calme ne fut que de courte durée.

Si Apollos, lui, avait su déjà s’effacer, et, revenu à Ephèse, “refusait catégoriquement de se rendre à Corinthe”, certains prédicateurs, eux s’obstinaient. Ils se prévalaient de leur qualité d’Hébreux, de vrais Israelites, de la “postérité d’Abraham”, véritables ministres du Christ, ayant entendu la prédication originelle de Jésus. Se prétendant d’authentiques apôtres, par délégation ou succession, contrairement à Paul qualifié d’usurpateur du titre d’apôtre, ils réussirent à séduire des chrétiens de Corinthe…

Paul, informé, et jugeant la situation grave, quitte Ephèse précipitamment et se rend à Corinthe.

Que se passa-t-il ? Dieu le sait. Mais Paul en gadera une souvenir pénible (2 Co. 2/1).

Il y a une atmosphère vague de soupçons, d’insinuations cauteleuses, indirectes et presque insaisissables, dirigées contre sa prééminence dans l’apostolat, contre ses œuvres taxées d’exagération ou d’orgueil.

Il y a des réserves silencieuses, des sourires fugitifs dont Paul n’augure rien de bon. De plus, il sent qu’il y a un relâchement d’esprit chrétien et de mœurs chrétiennes.

Il se rend compte que la situation est devenue délicate ; il voudrait agir avec beaucoup de prudence… Aussi use-t-il de modération qui le fera taxer plus tard de faiblesse. S’il parle de ses droits spéciaux, c’est sans insister pour ne pas entrer en conflit… Il promet de revenir… Cependant, il semble bien avoir dû repartir très vite, après une scène douloureuse où il n’est pas exclu qu’il ait été insulté !

Mais il voulait manifester confiance, espérance. Il comptait que les choses allaient s’arranger et que les Corinthiens, peut-être même ses adversaires, auraient été touchés de son attitude modeste et conciliante.

Il rentre à Ephèse mais avec une lourde préoccupation qu’il ne pouvait chasser de son cœur, et une grande peine.

Après son départ, les intrigues se donnent libre carrière. Ses adversaires triomphent : “Vraiment, disaient-ils, ce Paul qui écrit des choses si fortes n’est pas si terrible quand on le regarde en face”… … Et c’est sans doute dans ce contexte qu’eut lieu un grave incident où l’autorité de l’Apôtre fut battue en brèche. (2 Co 2/5 ; 7/12).

On ne saura pas la nature de cette faute. Simplement elle bafouait, semble-t-il, l’autorité apostolique et mettait en péril la Communauté chrétienne.

D’Ephèse, alors, Paul, “dans une grande affliction et angoisse de cœur” écrit aux Corinthiens, “parmi bien des larmes”, une lettre enflammée, “non pour leur faire de la peine, mais pour qu’ils sachent l’extrême affection qu’il leur porte”, “ne se proposant que de les mettre à l’épreuve et de voir si leur obéissance est entière en exigeant réparation de l’offense”.

Cette lettre, la troisième que Paul écrivit aux Corinthiens, est perdue comme la toute première, à moins que ce ne soit elle, du moins en partie, qui constitue les chapitres 10, 11, 12 et 13 de celle qui nous est parvenue sous le titre de 2e épître aux Corinthiens.

Ces chapitres brûlants détonnent brusquement avec les précédents, où tout n’est qu’apaisement, la crise étant surmontée, tandis que ces chapitres sont exactement dans le ton de situation explosive… Il suffit de les relire pour se rendre compte de l’indignation et de la vivacité de l’Apôtre.

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