dimanche 4 novembre 2012

Un seul commandement : Aimer !


31ème Dim. T.O. 12/B  - L’Amour !

Si la première lecture nous rappelle le commandement de l'Amour de Dieu, nous savons combien le peuple de Dieu - et aussi des chrétiens (à certaines époques surtout) - furent “craintifs“ face de cet Amour de Dieu, selon cette incise du texte : “Tu craindras (1) le Seigneur ton Dieu !”. Et nous avons toujours un effort à faire pour nous libérer de cette crainte, de la crainte servile, j'entends.  -  Car, bien sûr, il y a aussi la “crainte amoureuse“ qui nous fait craindre de blesser l'être aimé. Voilà pourquoi Jésus insistera : Dieu est Père ; et notre amour pour lui doit être un amour de confiance filiale !

La seconde lecture (prise de la lettre aux Hébreux, apparemment plus difficile) nous parle de Jésus, seul prêtre d'un sacerdoce éternel. Il nous faudrait bien comprendre combien ce sacerdoce, signe le plus parfait de cet Amour de Dieu pour les hommes, établit, entre Dieu et l'homme, un trait d'union irremplaçable que chacun de nous peut ressentir profondément afin de plus en plus participer à cet Amour de Dieu-Père dont parle Notre Seigneur.
Aussi, l'Eucharistie, par ce sacerdoce du Christ, est la "ré-actualisation" de son mystère pascal qui nous donne accès à l’Amour de Dieu, notre Père, Père de tous les hommes. Et cet accès à cet Amour de Dieu-Père établit, doit établir entre nous des relations de frères !
Il faudrait approfondir cette vérité pour prendre conscience de l'importance de l’Eucharistie pour un chrétien : une union, dans l’Amour, à Dieu et, de ce fait, à tous nos frères !

Et c’est l’enseignement que nous donne Jésus dans l’évangile. Répondant à la question posée par un scribe, il reprend le passage du Deutéronome que nous avons entendu en la première lecture : "tu aimeras le Seigneur…".  Mais aussitôt, à ce premier commandement, il joint étroitement celui qu'il appelle second : "tu aimeras ton prochain comme toi-même". St Matthieu précise : "le second lui est semblable", semblable au premier commandement (Mth 22-29). Et Jésus de conclure : "pas de commandement plus grand que ceux-là". Et, si vous cherchez un peu dans l'Evangile, à chaque fois que Jésus parle de l'Amour de Dieu, il y joint toujours, étroitement, l'amour du prochain.

Alors, nous pourrions développer : (Mais à chacun de le faire durant la semaine…!)

- Il n'y a pas deux exigences évangéliques dont l'une serait l'Amour de Dieu, et l'autre l'amour du prochain. Il n'y a qu'un Amour dont la face cachée parle de Dieu tandis que la face visible montre nos frères. Aimer Dieu ne nous dédouane pas de l’amour de nos frères !!! Au contraire !

- Il n'y a pas la prière pour aimer Dieu et l'action pour aider nos frères, comme on a trop tendance à le faire. Il n'y a qu'une attitude faite d'amour pour la Vie, pour la Vie divine,  et pour toute vie qui doit en être vivifiée.

- Il n'y a pas le culte pour louer Dieu et l'engagement pour servir les autres. Il n'y a qu'un don de soi pour l'unité entre l'univers et Celui qui crée les univers.

- Il n'y a pas l'Etre invisible et des êtres visibles. Il n'y a qu'un Dieu qui se laisse voir dans nos frères, tous fils de Dieu, notre Père.

- Il n'y a pas l'avenir pour l'amour parfait et le présent pour les amours humaines. Il n'y a qu'un temps où l'amour infini paraît peu à peu à travers nos mille cheminements.

- Il n'y a pas un amour qui fait lever les yeux au ciel et un autre qui invite à regarder tout autour de soi. Il n'y a qu'un même regard de tendresse pour Dieu et tous ceux qu'il aime.

On ne choisit pas d'aimer Dieu ou ses frères. On aime ! Et quiconque aime connaît et comprend ses frères dans ce même élan que le Christ, Prêtre parfait, nous donne par son mystère pascal. L'Amour de Dieu, s'il est vrai, est inséparable de l'amour des autres ; et l'amour des autres, quand il va au bout de lui-même, est inséparable de l'Amour de Dieu. Méfions-nous des fausses questions qui ne peuvent que vicier les merveilles de l'Amour divin.

On ne peut choisir entre Dieu et les autres. Si notre amour est véritable, plus nous aimerons vraiment une personne, plus nous aimerons Dieu. Et davantage nous aimerons Dieu, davantage nous aimerons les autres. Souvenons-nous de cette phrase si bien frappée de St Jean : "Celui qui dit : « j'aime Dieu et qui n'aime pas son frère », est un menteur". – “Rien ne rend Dieu proche comme le prochain ! Pour qui voit Dieu lointain, le prochain ne sera jamais bien proche. Pour qui ne voit pas le prochain bien proche, Dieu restera toujours lointain !“ (Mgr Vl. Ghika) (2).

"Aimer son prochain de tout son cœur vaut mieux que toutes les offrandes ou les sacrifices", ajoute Notre Seigneur qui, un jour, reprendra les paroles du Prophète Isaïe : "ce peuple m'honore des lèvres mais leurs cœurs est loin de moi. Vain est le culte qu'ils me rendent" (Mth. 15 7-8). N'allons pas conclure trop rapidement à l'inutilité des offrandes et des sacrifices. Ce n'est pas le propos du Christ de les fustiger ; et ce n'était pas celui d'Isaïe de les supprimer. Bien au contraire ! Mais c'est une manière très énergique de nous dire quel amour doit inspirer nos actions.

- Ce qui donnera quelque valeur à nos offrandes ce sera l'attitude de notre cœur envers nos frères. Toute Eucharistie se conclue par le fameux : “Ite, missa est…” : “Allez dans la paix, cette paix à propager entre vous…” : la messe n’est pas finie !

- Ce qui donne valeur à notre louange eucharistique, c'est la pureté de notre démarche dans l’amour. A chacun de réfléchir !
Car si on approfondit quelque peu, l’Eucharistie est de chaque instant et en toutes et chacune de nos rencontres. Une double et mystérieuse “liturgie“ peut être célébrée entre les hommes : l’un, dans le besoin, voit soudainement venir à lui le Christ sous les espèces d’un frère secourable, tandis que celui-ci voit apparaître en celui-là le Christ souffrant sur lequel il veut se pencher ! Grande liturgie ! Car si le geste est bien accompli de part et d’autre, il n’y a plus finalement que le Christ rejoint en deux êtres, à travers deux êtres : le Christ bienfaiteur venu vers le Christ souffrant pour se réintégrer, si je puis dire, dans le Christ toujours victorieux du matin de Pâques, le Christ glorieux !  Cette “liturgie du prochain“ ne peut vraiment s’accomplir que si elle s’appuie sur la “liturgie eucharistique“. La “liturgie du prochain“ a toute sa valeur et sa vie que si la “liturgie de l’autel“ est profondément vécue ! Cela va bien au-delà de nos “petites dévotions personnelles“, fussent-elles eucharistiques !

Nous voici donc invités à élargir singulièrement notre conception de l'Amour. Trop souvent nous nous enfermons si facilement dans un cercle étroit : nos relations sont souvent limitées, nos mentalités étriquées, nos positions partisanes, nos actes trop machinalement habituels !

Dans l’immense ouverture à laquelle le Christ nous invite par son mystère pascal que nous célébrons en chaque Eucharistie, il nous faut prendre la dimension du monde. Et si nous nous sentons faibles et incapables, le Christ intervient directement dans nos vies :
sa Parole en permanence nous éclaire ;
son Eucharistie, très fidèlement, nous redonne force et courage.
[La table de sa Parole et la table de son Pain qu'il ne faut surtout pas séparer !]

Essayons, durant la semaine qui vient, de nous situer vraiment dans cet Amour unique, universel dont la puissance est celle même de Dieu-Père ! “Tu aimeras le Seigneur ton Dieu… Tu aimeras ton frère… !“.

Et alors nous entendrons à notre tour cette petite phrase singulièrement réconfortante : “Tu n’es pas loin du Royaume de Dieu !”.

(1) Est-ce une bonne traduction ? M. Chouraqui traduit non pas par “crainte“, mais par “frémissement“ : “tu frémiras d’Elohim !“.

 (2) Mgr Vladimir Ghika, prince roumain et prêtre, vivant à Paris. Revenant en son pays à la fin de la dernière guerre, il fut pris par les Allemands qui le tuèrent.

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