dimanche 25 novembre 2012

Christ Roi !


Christ-Roi 12/B  -

 Dans le prétoire de Jérusalem, deux hommes se font face : le proconsul de la Rome impériale dont la puissance fait trembler toute la terre ; devant lui, un Galiléen, d'aspect misérable, un prophète abandonné de ses partisans et rejeté par les chefs religieux de sa nation. De son visage tuméfié par les coups, de sa digne attitude émane cependant une noblesse dont Pilate subit l'ascendant.
"Ainsi, tu es roi ?" lui demande le gouverneur. 
Et Jésus de répondre simplement : "Tu dis bien, je suis roi !".  

D’après St Jean, dès le début du procès, on a l'impression que les rôles sont renversés : c'est l'accusé qui juge, tandis que le juge hésite et s'excuse ; c'est en somme Pilate qui comparaît devant Jésus. Le Sauveur ne se départit pas de son calme, de sa dignité ; Pilate au contraire s'agite, s'affaire : il consulte les Juifs, interroge le peuple. Même enchaîné, Jésus est libre comme un roi ; Pilate est un esclave, écartelé entre sa conscience et ses intérêts, intrigué par cette réponse indéchiffrable de l'accusé : "Ma royauté ne vient pas de ce monde...  Je suis venu en ce monde pour rendre témoignage à la vérité !"  

Deux royautés, en effet, sont en présence, inconciliables : la royauté de la terre, avec le prestige des armes et de la richesse, et la royauté des âmes, qui ne dispose d'aucune autre force que celle de la vérité.
Mais que peut ce Roi inoffensif contre les puissances d'ici-bas ? Ainsi, Pilate le livre à la crucifixion en se lavant les mains.

Or, quelques semaines plus tard, cinq mille habitants de Jérusalem se serrent derrière Pierre et les apôtres, déclarant que Dieu a ressuscité Jésus de Nazareth d'entre les morts, et que le monde n'a pas et n'aura jamais d'autre sauveur que lui. C'était bien lui, le Roi !
 
Nous voici à plus de deux mille ans de ces événements. La scène s'est considérablement élargie. Les cinq mille premiers chrétiens sont devenus près du tiers du genre humain qui confesse la Royauté du Christ.
Sur un champ autrement plus vaste que le prétoire de Pilate, l'affrontement se poursuit entre les puissances du monde et le christianisme : celui-ci persistant à affirmer que le Christ doit régner sur la terre, celles-là répliquant que l'humanité n'a pas besoin de lui, qu'il a fait faillite, qu'après vingt siècles il n'a pas réussi à établir la justice, la paix et que la science doit prendre la place de la foi. 
Et pourtant la parole du Christ demeure : "Je suis roi, mais ma royauté ne vient pas de ce monde".  

Cette parole du Seigneur contient deux affirmations catégoriques :
- D'une part : "Je suis roi". Après sa résurrection il dira à ses apôtres : "Toute puissance m'a été donnée au ciel et sur la terre. Allez… Faites des disciples dans toutes les nations, jusqu'au bout du monde". L'ordre est formel et renferme la promesse du succès. Le règne de Dieu se développera à la façon d'un grain de sénevé. Cette promesse se réalise de plus en plus et se réalisera.
- D'autre part, la royauté du Christ "ne vient pas de ce monde". Sur la manière dont se propagera le christianisme, aucun programme n'a été arrêté. L'Esprit-Saint y pourvoit selon les circonstances. Ce qui a été prévu en revanche, c'est que les disciples et les prédicateurs de l'Évangile rencontreront la contradiction, les mauvais traitements, les haines injustes, la prison et la mort. 
L’affrontement du prétoire de Pilate se poursuit de siècle en siècle.

Ces deux affirmations de Jésus sont aussi certaines l'une que l'autre : le progrès de l'Evangile sur la terre et l'opposition du monde à l'Evangile. St Jean, surtout, le soulignera fortement. Si nous acceptons la première, la seconde ne saurait nous effrayer : elles se concilient si l'on n'oublie pas que la Royauté du Christ n’est pas de ce monde, alors même qu’elle doit être vécue dans le monde par le témoignage des chrétiens !  

 Le christianisme n'a pas à chercher des triomphes sur le plan terrestre, dans l'ordre temporel. Ce n'est pas son rôle. Sans doute, on soulignera l'influence, au cours des siècles, de certains rois ou chefs d'Etat chrétiens. Certes !  Mais un grand historien, béatifié par Jean-Paul II en la cathédrale de Paris, le 28 Août 1997, au cours des JMJ, Frédéric Ozanam, écrivait quelques neuf mois avant le coup d’état du 2 Décembre 1851 qui provoqua la restauration de l’Empire : "Nous n'avons pas assez de foi, nous voulons toujours le rétablissement de la religion par des voies politiques ; nous rêvons d’un Constantin qui tout d'un coup et d'un seul effort ramène les peuples vers Dieu. C'est que nous savons mal l'histoire de Constantin, comment il se fit chrétien précisément parce que le monde était déjà plus qu'à moitié chrétien, comment la foule des sceptiques, des indifférents, des courtisans qui le suivirent dans 1'Eglise, ne firent qu'y apporter l'hypocrisie, le scandale, le relâchement. Non, les conversions ne se font pas par les lois, mais par les consciences".

La royauté du Christ ne vient pas de ce monde. Lorsque le christianisme lie son sort à celui des puissances temporelles, il en partage très souvent les revers. Au contraire, lorsqu'il a été combattu par les puissances de ce monde, sa condamnation à mort lui a préparé de prodigieuses résurrections. “Le sang des martyrs, disait Tertullien, est semence de chrétiens !“. C’est donc avant tout la sainteté des chrétiens qui est la force du Royaume de Dieu ici-bas !

Jésus-Christ n'a apporté au monde ni des doctrines humaines ni des découvertes scientifiques, mais une puissance de sainteté. C'est là sa véritable Royauté qui ne vient pas du monde, mais de Dieu. Il est venu sanctifier les hommes par la foi en sa personne et l'obéissance à ses préceptes. "Quiconque est pour la vérité écoute ma voix".

Le christianisme progresse dans la mesure où il demeure lui-même face aux diverses sociétés humaines. Il ne progresse que s'il reste dans "l’ordre de la sainteté". C’est ce qu’a fortement rappelé le récent Synode des évêques à Rome. Quand le christianisme se compromet avec l'ordre temporel, il perd aussitôt quelque chose de sa pureté, il en est amoindri, altéré, défiguré. Finalement les hommes le rejettent, mais en réalité ils ne rejettent que ses déformations.  

Tous les révolutionnaires, les réformateurs du monde se proposent toujours de rétablir la dignité de l'homme, de détruire les servitudes, d'instaurer la fraternité, de supprimer les guerres, d'établir le règne de la paix. Mais l’erreur est d’oublier que ces principes à promouvoir sont de l'ordre de la sainteté, de la Royauté de Dieu, du Christ !  

Ainsi pour régner, Jésus n'a pas besoin d'un Constantin ou d'un Charles-Quint; il a besoin de disciples aimants, fidèles, dévoués, courageux …et saints. C'est à cette condition que nous ferons progresser la Royauté de Jésus-Christ, "qui ne vient pas de ce monde".

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