lundi 19 novembre 2012

Apocalypse !


33 T.O. Lundi 12/B       -           (Apoc 1.1sv.)

Pour beaucoup, le style “apocalypse“ paraît étrange, déconcertant ! Pourtant, le mot “apocalypse“ (“apocaluptein“) signifie : “lever un coin du voile“ !
Et pour “lever le voile“, il faut faire “jouer“ sa mémoire : on interroge le passé pour mieux discerner l’avenir. “Sans mémoire, il n’y a pas d’avenir“, disait Elie Wiesel. Et Dom Guéranger affirmait que seuls ceux qui regardent le passé sont capables d’envisager l’avenir !

Encore faut-il bien mener ce “jeu“ de la mémoire ! Comme dans tout “jeu“, il y a des règles !

- Les religions dites “naturelles“ ont en général une mémoire “cyclique“, comme la terre qui sans cesse tourne autour du soleil : “ce qui a été, c’est ce qui sera. Ce qui s’est fait se fera ! Rien de nouveau sous le soleil !“, disait le pessimiste Ecclésiaste (Qo. 1.9). En cette dialectique, on interroge le passé pour prévoir un avenir identique, puisque tout tourne en rond !

- D’autres religions ou théories encore actuelles entretiennent des nostalgies pour un passé révolu, un “âge d’or“ en quelque sorte. Le temps est alors regardé comme un facteur de dévaluation qui doit aboutir à un anéantissement… En regardant le passé, on affirme que tout va vers sa perte ! Et l’on va en s’indignant : “Où va notre terre ?“. – Savez-vous que certains prédisent la fin du monde au 21 décembre prochain… !

 - Dans la Bible, il y a toujours comme un “progrès“ qui se manifeste tout au long de l’histoire qui se déroule. Pour autant, il ne faudrait pas trop simplifier avec certaines théories sur le temps de l’histoire en lequel, si je puis dire : « Grand “T“ égale petit “t“ plus 1 ». C’est un peu plus compliqué que cela !
+ Certes, on constate, en regardant le passé, qu’il y a un “progrès“ du “Bien“,  qui englobe le “bien matériel“ même si nos sociétés de consommation en abuse !
+ Mais, on constate encore, et malheureusement, qu’il y a aussi un “progrès“, une progression dans le “Mal“ !
+ Et, comme dans la parabole de l’ivraie, le “Bien“ et le “Mal“ croissent en même temps de sorte que, souvent, si l’on veut arracher l’ivraie - le mal -, ce n’est pas sans dommage pour le bon grain - le bien  - ! On pourrait trouver de récents exemples historiques, surtout au Moyen-Orient !
+ Aussi, faut-il attendre ! - Et c’est là que le style apocalyptique a toute sa place ! - !l faut attendre et atteindre aussi le “temps du discernement“, à l’aide, comme on l’a dit, des “signes du temps“ qui surgissent du passé pour mieux orienter l’avenir. Savoir discerner dans le temps du vieillissement, de la dégénérescence, le temps d’une naissance, d’une re-naissance.

Dans la rhétorique apocalyptique, nous ne vivons pas dans un temps donné, mais dans plusieurs temps à la fois, dans un “mélange de temps“ : temps du Bien et temps du Mal, temps de discernement en vue d’un temps de plénitude… ! Aussi, St Pierre avait raison d’affirmer : “Il y a une chose que vous ne devez pas oublier : pour le Seigneur un seul jour est comme mille ans ; et mille ans comme un seul jour“ (2 Pet 3.8). Aussi en conclut-il que le Seigneur n’a pas de retard à notre égard comme certains l’affirment… Il est toujours là en son jour millénaire, son jour éternel ! Il veut simplement faire preuve de patience envers nous en vue de notre totale conversion ! (Cf. 2 Pet 2.9).
Ainsi donc, en ce “mélange des temps“ qui peut parfois obscurcir notre vision, il y a toujours une force d’avenir. “C’est pourquoi, dit St Paul, nous ne perdons pas courage. Et même si en nous, l’homme extérieur va vers sa ruine, l’homme intérieur se renouvelle de jour en jour“. Car “notre objectif n’est pas ce qui se voit, mais ce qui ne se voit pas. Ce qui se voit est provisoire ; ce qui ne se voit pas est éternel“ (2 Co. 4.16).

C’est dans cette perspective que le langage apocalyptique trouve toute sa place ! ll y a le “temps du Bien“ ; et il y a le “temps du Mal“. Et il  y a encore le “temps du discernement“ qui nous fait percevoir le “temps final“ de la plénitude“. Et tous ces “temps“ se combinent s’intègrent, se conjuguent dans une sorte de musique “Apocalypse now“. Peut-être, finalement, il n’y a que la musique, une symphonie, qui soit capable de véhiculer la richesse d’une telle complexité. Et dans une telle œuvre musicale, ce sera toujours l’optimisme qui sera l’accord final !

Je ne voudrais pas m’attarder. Ces quelques réflexions ne sont qu’une invitation à lire l’Apocalypse écrit pas St Jean dont le “regard d’aigle“ pénètre tous les temps.

J’ajouterai cependant que ces considérations sur “le temps“ et “les temps“ ne résultent pas d’une élucubration intellectuelle, d’une vision mystique, d’un heureux songe ! Non ! Elles s’inscrivent dans le réalisme d’un vécu, le réalisme d’une histoire, celle du peuple de Dieu, ce réalisme que sait discerner le “jeu“ de la mémoire.
- Ce peuple est né alors qu’il était voué à une “servitude“(avdout“ en hébreu) mortelle. Et soudainement, il passe à une situation de “service“ (avoda) de Dieu !
- A tous moments de son histoire, il courrait, par sa faute souvent, vers sa perte. Mais Dieu, toujours, aux moments des pires malheurs, le délivrait ! Tous les psaumes sont une action de grâce à Dieu, “au Dieu de délivrance“ !
- A l’heure où le peuple allait totalement disparaître dans l’exil babylonien, voilà qu’Ezéchiel le voit renaître de ses propres ossements. Et cela arrive…
- Et on pourrait multiplier les exemples pour affirmer et crier que dans les pires malheurs et calamités, notre Dieu est un “Dieu de délivrance“. Il a moult fois délivré son peuple dans le passé ; il le fera encore pour notre bonheur ! Il faut vivre de ce “temps de Dieu“ !

Et en vivant  ces temps “apocalyptiques“ qui s’intègrent, se conjuguent, s’entremêlent…, on apprend surtout que s’il y a l’optimisme comme accord final de cette “musique des temps“, il ne faut pas se faire d’illusions. Le disciple n’est pas plus grand que son Maître, le Fils de Dieu venu “dans le temps“ ! On sait, en regardant le passé, en contemplant la vie de Jésus, que l’Eglise rejoint son Seigneur en passant par où il est passé.
Si la vie de Jésus fut un conflit entre la Lumière et les Ténèbres…, et si sa Résurrection vient sur le fond d’un Vendredi-Saint où les Ténèbres recouvrent la terre, … et que Dieu semble laisser faire, … et que les hommes ont laissé faire les Ténèbres…, nous sommes certains cependant que cette situation va vers la victoire de la Vie !

Aussi sommes-nous invités à une vertu fondamentale dans le Christianisme : non pas la résignation - ce qui est abominable -, mais la “patience“, l’“upomônè“ . C’est la vertu principale du chrétien, selon l’Apocalypse. Elle donne la faculté de “tenir le coup“, dans la lucidité, jusqu’à ce que le “jour pascal“ se lève et que Dieu - notre “Dieu de délivrance“ -, sortant de son silence apparent, nous arrache à tous nos ténèbres… !

Cette vertu de la “patience“ s’entretient en scrutant, grâce aux Ecritures, le passé en lequel Dieu s’est manifesté pour mieux discerner la permanence du jour glorieux du Seigneur.
C’est l’exemple que nous donne St Pierre. Il se souvenait bien, lui, de la manifestation glorieuse du Christ au jour de la Transfiguration. Il avait vu ; il avait entendu. Dès lors et toujours, il fixait son regard vers cet événement “comme sur une lampe brillant dans un lieu obscur jusqu’à ce que luise le jour et que l’étoile du main se lève (en son cœur) en nos cœurs“ (2 Pet 1.19).

Et dites-moi : chacun d’entre nous n’a-t-il pas fait, un jour ou l’autre, l’expérience d’une lumière de Transfiguration qui fait “espérer contre toute espérance“ ? (Rm 4.18).

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