lundi 31 octobre 2011

Fête de tous les saints

“Ces gens vêtus de blanc, qui sont-ils ?”

J’ai lu dernièrement et incidemment, qu’aux lendemains du 11 septembre 2001, des médecins d'un hôpital de New York ont mis toutes leurs compétences et énergies au service des victimes qui avaient développé une pathologie particulière à la suite du drame de cette journée effroyable. Critiqués pour leur engagement total, ils ont été défendus par le syndicat des travailleurs en ces termes : “Ces médecins devraient être canonisés pour les services qu'ils rendent”.

Par ailleurs, Voltaire, dont on connaît la correspondance avec l'empereur Frédéric de Prusse, lui écrivait en 1770 : “Je ne renonce point du tout à mon auréole. Et comme je suis près de mourir d'une fluxion de poitrine, je vous prie de me faire canoniser au plus vite”

Voilà deux exemples de “canonisation” qui, me semble-t-il, ne coïncident pas tout à fait avec la définition qu’en donne l'Église : au sens strict, “la canonisation est l'acte par lequel le pape inscrit une personne sur la liste officielle des saints”. Ces deux exemples cependant mettent sur la voie, en ce sens qu'ils évoquent l'idée de modèle ou d’exemple qui fait partie de la notion de sainteté. Les médecins américains ont été des modèles de dévouement, alors que le philosophe polémiste français, non sans ironie d'ailleurs, aurait souhaité devenir un exemple !

Et il est bien vrai, selon l’enseignement des apôtres, que ce sont tous les chrétiens et tous les hommes qui sont appelés à la sainteté. St Paul donne même aux baptisés le nom de “saints”, puisqu'ils sont déjà en communion avec Dieu et qu'un être nouveau croît en eux. “L'homme nouveau” dont il parle souvent, c'est “le saint” déjà présent dans le baptisé, mais qui n'a pas encore atteint toute sa perfection. Et dans sa première lettre aux Corinthiens il s'adresse “à ceux qui ont été sanctifiés en Jésus Christ, appelés à être saints”, (1,2) ; et il affirme aux Éphésiens : “Dans le Christ, Dieu nous a choisis dès avant la création du monde pour être saints et immaculés, en sa présence, dans l’amour” (1,4-5).

Alors, une question que pose notre lecture tirée du livre de l’Apocalypse : “Tous ces gens vêtus de blanc, qui sont-ils, d'où viennent-ils ?” (7,13).

Oui, qui sont-ils, d'où viennent-ils, ceux que nous appelons les saints? Sont-ils les “saints d'autrefois, les prophètes” (Actes 3,21), les saints du ciel dont nous honorons la mémoire, les saints de ce temps (Jean-Paul II, Mère Térésa etc) ? Tous ceux-là, sans doute, puisque “l'appel universel à la sainteté”, tel que l'a fortement rappelé Vatican II, s'adresse à tous, sans distinction.

Fête de la Toussaint, fête de tous les saints, de ceux qui avant nous ont suivi le Christ Jésus dans sa gloire, qui vivent déjà le magnifique destin dont parle saint Jean : “Nous le savons, lorsque le Fils de Dieu paraîtra, nous serons semblables à lui parce que nous le verrons tel qu'il est” (1 Jn 3,2).

Fête de la Toussaint, fête de tous les saints dont l’Apocalypse de Jean dit qu'ils sont “cent quarante quatre mille, douze mille de chacune des douze tribus d’Israël”, chiffre symbolique d’infinité puisque l'auteur sacré ajoute aussitôt qu'il a vu “une foule immense, que nul ne pouvait dénombrer, une foule de toutes nations, races, peuples et langues !” (7,4,9).

Fête de la Toussaint, fête de tous les saints, de ceux qui ont entendu l'évangile des Béatitudes et l'ont mis en pratique, sans faire de bruit peut-être, sans “faire de vagues”, comme on dit. Mais, dans le quotidien de leur vie, ils ont préféré la douceur à la violence, la miséricorde à la vengeance, la paix à la guerre. Heureux sont-ils, dit Jésus, tous ceux et toutes celles, connus et inconnus, qui n'ont pas hésité à s'oublier eux-mêmes pour se donner aux autres, et qui ont vécu dans l'intimité de Dieu, répondant à son appel à aimer sans frontière.

Plus que jamais, nous osons affirmer aujourd'hui que cela est vrai, que le cœur de chacun contient une inépuisable source d'amour et de sainteté, qui s'exprime de mille façons, et qui fonde la dignité inaliénable de chaque être créé. Ceux que nos sociétés écrasent, ceux qui gisent sans espoir dans des camps de réfugiés à travers le monde, ceux que la maladie ou le handicap ont pu défigurer, chez les purs et les coupables, chez les sages et les imprudents…, en tous brille une étincelle de sainteté qui peut se transformer en lumière brillante.

Fête de la Toussaint, qui nous mène presque naturellement vers la commémoration des défunts, le lendemain. Après avoir contemplé dans la joie toutes les figures lumineuses de notre humanité que l'Église nous donne pour modèles, nous sommes invités à rentrer en nous-mêmes, en ce lieu de la mémoire et du souvenir où demeurent présents ceux qui déjà ont traversé la mort, “ceux que nous aimions sur la terre”.

Saint Augustin se demandait lui aussi ce que serait notre au-delà : “Que deviendront, au moment de la résurrection, les enfants morts avant de naître, que deviendront ceux dont le corps a disparu dans la mer ou dans les airs, que deviendront ceux qui étaient difformes, infirmes, les corps de nos saints martyrs marqués par les cicatrices des blessures qu'ils ont subies pour le nom du Christ ? (La Cité de Dieu). L’évêque d'Hippone affirme en réponse que seront effacées toutes les difformités et toutes les blessures, et que nos corps seront constitués à l'image du Christ ! Et il conclut : “Qu'elle sera grande, cette félicité, où il n’y aura aucun malheur, où ne manquera aucun bonheur, où l'on s'adonnera à la louange de Dieu, qui sera tout en tous”.

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