samedi 8 octobre 2011

Pas d'ostracisme,
mais vêtement de noces, svp !

28ème Dimanche T.O. A/11

Le texte de l’évangile que nous venons d’entendre ne nous met guère à l'aise et peut nous déconcerter par ses dissonances. Il s’agit d'une fête nuptiale… et dans la maison d'un roi. Or la noce va tourner à la tragédie : violences, meurtres et incendies. Bien plus, quand enfin la salle du festin est remplie de convives, "mauvais et bons" mélangés, l'un d'eux est jeté dehors, "pieds et poings liés". Pourquoi ? Plus coupable que les autres ? On ne sait qu'une chose : il ne porte pas le "vêtement de noces". Et, pour conclure, un verset qui, apparemment, contredit pratiquement ce qui précède et qui est devenu une mauvaise maxime : “il y a beaucoup d'appelés et peu d'élus“.

Oui, ce texte est difficile. Les exégètes vous diront que c’est probablement la compilation très raccourcie de deux ou trois paraboles incomplètes. Sans doute ! Mais peu importe. Nous avons à recevoir ce texte tel que l’Evangile nous le présente et tel que l’Eglise nous le transmet comme “Parole de Dieu”.

La vie avec Dieu est comme un festin, dit déjà Isaïe "un festin de viandes grasses et de vins capiteux", un festin "préparé pour tous les peuples". Reprenant la même image, Matthieu insiste sur la générosité du roi qui finalement invite “les mauvais comme les bons“. Les invités prioritaires ne sont guère empressés, à cause de leur confort, de leurs richesses ou par hostilité à l'égard du roi. Les serviteurs vont donc "aux croisées des chemins" pour rassembler ceux qu'ils rencontrent.

Pour les premiers chrétiens, le message était clair : le peuple de la première alliance, le peuple juif, n'a pas accueilli l'invitation de Dieu aux noces de son Fils. Car la précision du texte évangélique - il s'agit des noces du fils du roi, est-il dit - éclaire d'un jour nouveau la prophétie d'Isaïe qui se réalise avec la venue du Fils de Dieu en notre monde. La fête à laquelle tous sont conviés est celle des noces du Fils unique de Dieu avec l'humanité, alliance déjà inaugurée au Sinaï.

Et si tous les hommes, selon Isaïe, sont ainsi invités, c’est que le salut n'est pas réservé aux fils d'Abraham. Les païens aussi y ont part. Or, on tient toujours à ses privilèges. Les premiers chrétiens, issus du judaïsme, fiers de leur séculaire attachement au Dieu unique, ne regardaient pas obligatoirement d'un bon œil les "ouvriers de la dernière heure", les étrangers venus du paganisme qui accueillaient l'Evangile. Les Actes des apôtres en témoignent souvent. Pour St Paul, on le sait, ce sera un drame !

Mais n’est-ce pas toujours d’actualité ? Nous aussi, nous avons nos préjugés, nos blocages idéologiques ou culturels, nos préférences affichés et visibles. Certes, nous professons volontiers que le sectarisme nous est étranger : Dieu aime tous les hommes, quel que soient la couleur de leur peau, leur langue ou leur milieu social. Cependant, dans les faits, qu’en est-il ? Ne sommes-nous pas gênés parfois par la prédilection du bon berger pour la brebis perdue, gênés à la manière des pharisiens qui s’étonnaient de voir Jésus manger avec les publicains et les pécheurs. Ils ne supportaient pas de l'entendre annoncer : "Les prostituées vous précéderont dans le Royaume des cieux". Il nous est donc demandé aujourd’hui : sommes-nous - ne serait-ce qu’en pensées et en paroles parfois - véritablement accueillants même envers l'homme et la femme au passé peu glorieux… ou tout simplement qui n’entre pas dans nos catégories de pensées… ? Comme si la logique de Dieu était la nôtre ! Comme si l'infini de l'amour était compatible avec l'exclusion ! Et c’est à ce niveau que l’on peut comprendre la maxime souvent mal lue : “il y a beaucoup d'appelés et peu d'élus“. Mais cette loi, c’est vous qui la pratiquez par votre comportement ! Pas Dieu ! Vous vous excluez parce que vous excluez ! En excluant, vous vous jetez vous-mêmes dans l’exclusion !

C’est déjà une première réflexion interrogative. Car l’évidence du texte nous contraint : tous sont invités, "les mauvais comme les bons". Et le Concile Vatican II l’a souligné à plusieurs reprises !

Cependant, l’un des convives - un seul - est chassé ! Entré dans la salle du banquet sans porter "le vêtement de noces", il ne répond que par le silence à l'amicale question du roi : "Comment es-tu entré ici ?"

Quel est donc ce "vêtement" indispensable pour la fête ? Pour la communauté à laquelle s'adressait Matthieu, il y avait là, sans doute, une mise en garde contre une trop facile admission dans l'Eglise naissante. Oui, certainement ! Aujourd'hui, quel est pour nous le sens de cette image ? La générosité divine est sans limites, mais on se méprendrait en pensant que le comportement des invités est sans importance. Dieu offre à tous son alliance. Encore faut-il y consentir par une démarche d'adhésion, c'est-à-dire de conversion, de retournement vers celui qui, comme je viens de le dire, n’exclut pas alors que nous, nous excluons facilement !

On a beaucoup glosé sur cette image du "vêtement de noces" qui rappelait, évidemment, le baptême. On y a vu parfois l'exigence d'une purification incessante qui provoquait la peur de la plus petite souillure écartant de la communion la plupart de ceux qui participaient à l’Eucharistie. Tendance orgueilleuse des Jansénistes, naguère. Certes ! Cependant, la démarche de conversion ne s'impose pas moins.

Lorsqu'on est invité à des noces, on pense qu'on va vivre une journée heureuse et l'on trouve tout naturel de s'y préparer. On habille et son corps par une tenue de fête et son cœur par toute la sympathie dont on est capable. On sait bien que la réussite de la fête exige l'union des cœurs autour des époux. Et bien, ce qui est vrai de nos fêtes de famille l'est aussi pour la fête où Dieu nous donne de partager l'intimité de son Fils unique. "Si tu savais le don de Dieu", disait Jésus à la Samaritaine. La conversion que le Maître du festin attend, ne serait-ce pas de prendre au sérieux l'offre de son alliance, signifiée surtout - il est vrai - par l’Eucharistie ?

Car chaque Eucharistie actualise pour nous les noces du Fils de Dieu. Chaque Eucharistie est fête de famille pour les baptisés. La vivons-nous ainsi ? Il y a peut être des jours où nous négligeons l'invitation pour nous livrer à d'autres activités. Il y a sans doute des jours où nous venons par “devoir”, par “habitude”… ou même - malice spirituelle fréquente - pour nous prouver à nous-mêmes que, par notre fidélité, nous sommes déjà citoyens du Royaume, nous, les bons pratiquants ! Trompeuse sécurité ! Et il nous sera peut-être dit alors : "Mon ami, comment es-tu entré ici sans avoir le vêtement de noces ?"

Pour revêtir le vêtement de noces, il faut nous laver le cœur de ce qui nous empêche de courir vers Dieu et vers nos frères. Il faut creuser en nous le désir de vivre tous en fils de ce Père qui nous aime.

Car dans l’évangile, il y a une attitude frappante chez celui qui est chassé impitoyablement. A la seule question : “Comment es-tu entré ici ?“, il ne répond rien, rien du tout ! A ce pauvre bougre qui garde le silence, j’aurais envie de dire, comme à tous ceux d’entre nous qui ont parfois honte d’avoir abîmé la grâce de leur baptême et qui s’enferment dans leur culpabilité : ne soyez donc pas étonnés, ni meurtris. Ouvrez la bouche, dites une seule parole de regret, de contrition, et surtout de désir… Et immédiatement, vous entendrez cette parole réconfortante et si prometteuse : “Heureux les invités au repas du Seigneur. Voici l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde !“.


P.S.: Il n'y aura pas de "mot" durant une dizaine de jours. Car je pars en Terre Sainte, dès lundi ! Mais, en compensation, j'assure tous mes lecteurs de ma pensée priante près du tombeau du Christ qui est dans la basilique de l'"Anastasie" (Résurrection) ! Et à chaque fois que je me rends en cette représentation du tombeau du Christ, j'en ressorts avec cette envie de crier comme l'ange du matin de Pâques : "Il n'est pas ici !". Où est-il donc désormais ? Il veut être dans le coeur des hommes ! En votre coeur. Ce sera ma prière ! - M.G.

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