samedi 8 octobre 2011

"Jour de Dieu" !

T.O. 27 imp. Samedi - (Jl 4, 12-21)

Le “jour de Dieu“ dont parle le prophète Joël que la liturgie nous fait écouter aujourd’hui, ce Jour sera le “jour du jugement“ qui doit arriver comme un “fléau du Tout-Puissant“ ! Et ce jugement se fera à Jérusalem, plus précisément dans la Vallée du jugement, la Vallée de Josaphat. Cette vallée n’est autre que le Cédron qui, avec ses affluents, la Géhenne et le Tyropéon, a modelé la cuvette de Jérusalem, Jérusalem entourée de collines, “ce Lieu que Dieu a choisi pour y faire habiter son Nom !“.

Jérusalem - où je vais donc me rendre prochainement - devrait toujours nous intéresser plus comme “Lieu saint“ au singulier, plutôt que par les “lieux saints“ où, malheureusement, on se dispute parfois plus qu’on y prie !
Le mystère de ce “Lieu Saint“ au singulier ! Le mystère de Jérusalem, lieu de paix (selon l’une des étymologies de ce mot) ! Petite anecdote à ce sujet : En 2003, on pensait que ce serait le pape Jean Paul II qui recevrait cette année-là le prix Nobel de la Paix. Il a été décerné à une autre personnalité : une femme iranienne. Des raisons d’opportunité ont joué, évidemment. Et puis - ajoutons-le - la paix qui monte d’en bas, cette paix dont parlent les hommes, n’est pas la paix qui descend d’en haut, qui descend dans cette cuvette où s’est développée Jérusalem modelée par le Cédron, la Vallée du jugement. Jésus, juste avant de mourir, disait : “Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix… !“… cette paix qui reliera pour toujours la Jérusalem d’en-bas, “nombril de la terre“ (Ez 38.12) (malgré ses grandes contrariétés actuelles) à la Jérusalem d’en-haut dont parle l’Apocalypse ! C’était l’une des grandes réflexions - dramatique - pour St Paul, ce “pharisien, fils de pharisien“ !

Et c’est ce que souligne aujourd’hui la Parole de Dieu en son évolution, en son “économie divine“, comme disent les Orientaux, c’est-à-dire en la pédagogie divine à travers l’histoire. Aussi, revenons au texte de Joël pour mieux comprendre justement l’évolution de cette pédagogie divine qui toujours nous dirige vers “la plénitude des temps“ dans le Christ, en sa Pâques !

Le jugement, dont parle Joël, est présenté comme une “revanche donnée par Dieu à son peuple élu, une “restauration“ de Jérusalem, tant de fois détruite par ses ennemis au cours des millénaires de l’histoire. C’est comme cela qu’en parlait déjà le prophète Amos, ce petit prophète terrible (!) avec lequel Joël est apparenté par beaucoup de parallélismes littéraires. C’est une des raisons pour lesquelles Amos et Joël sont placés, l’un à côté de l’autre, dans la Bible hébraïque et la Vulgate de St Jérôme, alors qu’ils ont vécu très probablement à des époques différentes.

Dans Amos qui inspire donc Joël, la restauration finale est entrevue aussi comme une “revanche“ : “En ces jours-là, je relèverai la hutte branlante de David…, je la rebâtirai comme aux jours d'autrefois, afin qu'ils possèdent le reste d'Édom et toutes les nations qui furent appelées de mon nom, oracle du Seigneur qui a fait cela“. (Am 9, 11-12).

La notion de “Jour de Dieu“ chez Joël, comme chez Amos, comporte une mentalité xénophobe et un repli sur Sion. C’est l’atmosphère qui régnait au temps d’Esdras et de Néhémie bien après le retour d’exil. Cette tendance n’était pas la seule, nous le savons ; elle était compensée par des tendances universalistes : celle que reflète, par exemple, le livre de Jonas que nous avons relu récemment.

Mais ce qui est intéressant, c’est que cette dernière tendance, universaliste, va se développer dans le Judaïsme Alexandrin. Quand on lit Amos dans la version grecque des LXX, là où il est écrit en hébreu dans un esprit de revanche : “afin qu’ils possèdent le reste d’Edom“, en grec on trouve : “afin que le reste des hommes se mettent à chercher le Seigneur ainsi que toutes les nations“. Un sens tout à fait différent et opposé que permet un tour de passe-passe littéraire osé et assez extraordinaire : le mot “posséder“ (“resh“ - mot qui implique une revanche, une vengeance) est devenu “chercher“ (darash,(1) - une seule consonne ajoutée, de différence). Et “Edom“, (qui désigne l’ennemi traditionnel d’Israël) est devenu “Adam“, les hommes. Mais tour de passe-passe littéraire qui accompagne le progrès que l’humanité a à faire dans la recherche et la connaissance des voies de Dieu : Le “Jour de Dieu“ et la restauration qu’il implique sont vus, non plus comme revanche sur l’ennemi traditionnel, mais comme une conversion de toute l’humanité qui se tourne vers le vrai Dieu, le Dieu Vivant pour en faire la connaissance.

Bien plus, je dirais : Tour de passe-passe littéraire qui est d’inspiration divine, puisque c’est dans cette traduction grecque d’esprit nettement universaliste que St Jacques, l’évêque de Jérusalem, lors du 1er concile de l’Eglise, cite le terrible Amos, pour conclure : “Je suis d’avis de ne pas accumuler les obstacles devant ceux des païens qui se tournent vers Dieu“ (Ac. 15.19). Le dernier Concile de l’Eglise (Vatican II) ne dira pas autre chose, à plusieurs reprises : “Dieu qui “veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité“ (I Tm 2.4), lorsque vint la plénitude des temps, envoya son Fils, le Verbe fait chair… comme le Médiateur de Dieu et des hommes…“ (S.L. 5 - Et bien d’autres textes).
C’est toujours le même sujet et la même question si actuelle : Identité ou ouverture ? Alors que la parole de Dieu nous enseigne : Identité et ouverture !

“Personne n’est exclu de la bonté de Dieu“, disait déjà St Basile.
Le P. Lacordaire proclamait : “Ne dites surtout pas : « Je veux me sauver ! ». Dites-vous : « Je veux sauver le monde ! ». C’est là le seul horizon digne d’un chrétien, parce que c’est l’horizon de la charité divine“.
Et le pape Paul VI, si intègre en sa foi et si ouvert à tout homme, disait : “Le monde qui, malgré d’innombrables signes de refus de Dieu, le cherche cependant par des chemins inattendus et en ressent douloureusement le besoin, le monde réclame des évangélisateurs qui lui parlent d’un Dieu qu’ils connaissent et fréquentent « comme s’ils voyaient l’invisible »“.

(1) mot qui a formé celui, plus connu, de “midrash“.

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