Pâques 4
Mardi (Ac.
11, 19-26 Jn 10, 22-30)
La
liturgie d’aujourd’hui concentre notre attention sur la fondation de l’Eglise
d’Antioche et Paul de Tarse. Hier, on a entendu le récit de ce qu’on a appelé la
“Pentecôte des païens“ : l’arrivée de Pierre à Césarée Maritime, sa
prédication dans la maison du centurion Corneille et cette descente soudaine de
l’Esprit Saint sur ceux qui écoutaient sa parole : « Pierre parlait
encore quand l'Esprit Saint tomba sur tous ceux qui écoutaient la parole. Et tous les croyants circoncis qui étaient
venus avec Pierre furent stupéfaits de voir que le don du Saint Esprit avait
été répandu aussi sur les païens… Alors Pierre déclara : "Peut-on
refuser l'eau du baptême à ceux qui ont reçu l'Esprit Saint aussi bien que
nous ?" Et il ordonna de les
baptiser au nom de Jésus Christ.» (Ac
10,44-48).
De
retour à Jérusalem, Pierre doit justifier sa conduite : « "Or, à
peine avais-je commencé à parler que l'Esprit Saint tomba sur eux, tout comme
sur nous au début… Si donc Dieu leur a accordé le même don qu'à nous, pour
avoir cru au Seigneur Jésus, qui étais-je, moi, pour faire obstacle à Dieu". Ces paroles les apaisèrent, et ils glorifièrent
Dieu en disant : "Ainsi donc aux païens aussi Dieu a donné la repentance
qui conduit à la vie !" ». (Ac
11,15-18)
L’Eglise
ne sort pas encore du cadre du judaïsme, mais d’une conception que l’on se
faisait, à l’époque, de l’élection du peuple élu. Il n’y a pas de rupture dans
la continuité du peuple de Dieu, mais élargissement, épanouissement de
l’élection. A Jérusalem, lors de la Pentecôte, il n’y avait que des juifs, des
prosélytes et des “craignants Dieu“. Maintenant, à Césarée, l’Esprit Saint
tombe sur les païens.
L’étape
est importante. St Luc veut montrer que Pierre a joué le rôle principal dans le
franchissement de cette étape, avant de concentrer l’attention sur celui qui
sera l’“Apôtre des gentils“ et qui saisira encore, à l’occasion, le besoin de
renforcer Pierre dans son rôle de "Premier Apôtre" et pour les Juifs
et pour les païens. Pierre, peut-être dépassé par cette "Pentecôte des
païens" à Césarée, ne saisissait pas toujours l'importance de l'événement
qu'il avait vécu : « Mais quand Céphas vint à Antioche, je lui résistai en face,
parce qu'il s'était donné tort. En effet, avant l'arrivée de certaines gens de
l'entourage de Jacques, il prenait ses repas avec les païens ; mais quand ces
gens arrivèrent, on le vit se dérober et se tenir à l'écart, par peur des
circoncis. Et les autres Juifs l'imitèrent dans sa dissimulation, au point
d'entraîner Barnabé lui-même à dissimuler avec eux. Mais je dis à Céphas devant
tout le monde : "Si toi qui es Juif, tu vis comme les païens, et non à la
juive, comment peux-tu contraindre les païens à judaïser ?" » (Ga 2,11-14).
C’est
à Antioche où nous mène la lecture d’aujourd’hui, qu’apparaît pour la première
fois le nom de “chrétiens“. Comme pour constater qu’une nette distinction
s’est opérée entre judaïsme et christianisme.
La
fondation de l’Eglise d’Antioche est dans l’élan de cette prédication d’Etienne
qui avait amené les croyants à quitter Jérusalem où ils étaient persécutés.
C’est
ce que montre le début du texte d’aujourd’hui. Là encore, à Antioche, on n’a
pas encore compris les conséquences de la "Pentecôte des gentils".
L’initiative prise par ceux qui annoncent l’Evangile aux Grecs apparaît
suspecte. C’est alors qu’intervient une deuxième fois Barnabé.
On
se rappelle qu’une dizaine d’années auparavant il avait réussi à vaincre la
méfiance de la communauté chrétienne de Jérusalem à l’égard de Paul : « Arrivé à
Jérusalem, il essayait de se joindre aux disciples, mais tous en avaient peur,
ne croyant pas qu'il fût vraiment disciple. Alors
Barnabé le prit avec lui, l'amena aux apôtres et leur raconta comment, sur le
chemin, Saul avait vu le Seigneur, qui lui avait parlé, et avec quelle
assurance il avait prêché à Damas au nom de Jésus. Dès lors il allait et venait
avec eux dans Jérusalem, prêchant avec assurance au nom du Seigneur. Il
s'adressait aussi aux Hellénistes (c'est-à-dire aus Juifs parlant grec) et discutait avec eux ; mais ceux-ci machinaient sa perte. L'ayant
su, les frères le ramenèrent à Césarée, d'où ils le firent partir pour Tarse. » (Ac 9,26-30).
Maintenant,
une deuxième fois, Barnabé intervient. Le temps est passé où par crainte de la
persécution que risquait de déclencher le zèle de Paul, on le mettait à l’écart
pour s’en débarrasser en l’embarquant à Césarée pour qu’il regagne son pays
natal de Tarse. On juge maintenant que c’est lui qui est le plus apte à mener à
bien les opérations et à faire franchir définitivement au peuple élu toutes les
inhibitions qui l’empêchaient de partager les privilèges de l’élection avec
l’ensemble de l’humanité.
Il
me semble qu’il est très important de voir comment se réalisent les voies de
Dieu et comment il réalise son dessein dans l’histoire en respectant cette
liberté qu’il a lui-même donnée aux hommes et dont, souvent, il apparaît plus
soucieux qu’eux-mêmes de la sauvegarder. Aussi, dans l'exercice de cette
liberté que Dieu nous donne et qu'il respecte tant, il nous faut, en Eglise,
suivre toujours le conseil de St Paul : "Soyez
bien d'accord entre vous : n'ayez pas le goût des grandeurs, mais laissez-vous
attirer par ce qui est humble". Et il ajoute, avec humour et malice
peut-être, cette injonction du livre des proverbes (3.7)
: "Ne vous prenez pas pour des sages
!" (Rm 12.16). Voyons, pour un chrétien, c'est vraiment indélicat s'il a le
souci de regarder le Christ en croix ! Et pourtant c'est si fréquent - se
prendre pour un sage ! -, chacun croyant tellement posséder la vérité et toute
la vérité ! A propos de ce verset de la lettre de St Paul aux Romains, St
Thomas d'Aquin a ce commentaire un peu malicieux : "Celui qui veut avoir toujours raison se met dans son tort ; il
fait de LA vérité SA vérité, et il s'interpose entre LA vérité et son
interlocuteur. Il y a une façon de tenir à la vérité qui est simplement une
façon de tenir à soi !". N'est-ce pas ?
Pour
retrouver les principaux textes, voir Blog : http://mgsol.blogspot.com/
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