2e semaine
de Pâques 13 - Samedi (Ac 6,1sv - Jn
6,16-21)
La
mer, dans la Bible, évoque toujours le chaos primitif où Dieu a fait régner
l’ordre et l’harmonie en dix paroles et en sept jours, déployant sur le cosmos
tout entier les énergies victorieuses dont il fera preuve par les délivrances
opérées tout au long de l’histoire au bénéfice du peuple élu. Ce peuple sait, par
expérience, que Dieu est le Fort, le Redoutable, le Tout-Puissant...
Les
hébreux ne sont pas un peuple de marins comme leurs voisins phéniciens. Ils
n'ont même pas de ports sur la Méditerranée (celui
de Césarée maritime ne fut construit que par Hérode le Grand). Du haut de
leurs collines, ils contemplent la côte sablonneuse, rectiligne et s’étonnent
que Dieu réussisse à contenir ce reste du chaos primitif - la mer - où règnent
encore des puissances infernales, par une simple ligne de sable. Dieu ne disait-il
pas : "Ne me craindrez-vous pas ? Ne tremblerez-vous pas devant Moi,
Moi qui ai posé le sable pour limite à la mer, barrière éternelle qu'elle ne
franchira point. Ses flots s'agitent, mais sont impuissants ; ils mugissent,
mais ne la franchissent pas" (Jr 5,22).
C'est
en évoquant ce contexte biblique qu’on rejoint le mieux, me semble-t-il, la
manière dont St Jean rapporte, dans l’Evangile, la marche sur les
eaux. Jésus domine le vent, les flots, et calme la tempête comme Dieu Créateur
avait mis de l’ordre dans le chaos primitif. Jésus se révèle, là, maître de la
création. Et si ses disciples se confient à lui, rien ne pourra leur nuire. Que
le Seigneur nous aide à nous confier totalement en lui lors des tempêtes des diverses "mers" de notre monde... !
La
lecture nous montre justement l'une des premières tempêtes de l'Eglise
primitive. L’unité des cœurs, l’harmonie qui régnaient dans la jeune Communauté
chrétienne de Jérusalem, n’ont pas tardé à être troublées par des
dissensions. St Luc ne les dissimule pas !
Ces
dissensions semblent être apparues au sein des croyants d’origine juive, entre
ceux qui parlent grec et ceux qui pratiquent la langue hébraïque. Parmi les
diacres que l’on ordonne pour remédier à la situation, un seul est nommé,
Nicolas, qui, lui, est païen, originaire d’Antioche, converti au judaïsme. Il
apparaît comme une exception. Il n’y a donc pas encore de séparation profonde
entre les disciples de Jésus et le judaïsme de l’époque.
Mais
St Luc nous fait déjà soupçonner que les chrétiens de langue hébraïque
ne vont pas jouer le rôle principal dans l’expansion universaliste qu’il va
raconter dans la suite du livre des Actes des Apôtres. Et on devine de plus en
plus l’importance qu'aura le judaïsme alexandrin - ceux qui parlent grec - dans
l’éclosion du "peuple élu"
aux dimensions universelles, comme l’avaient prédit les prophètes :
"Et
maintenant le Seigneur Dieu a parlé, lui qui m'a modelé dès le sein de ma mère
pour être son serviteur, pour ramener vers lui Jacob, et qu'Israël lui soit
réuni... Il a dit : "C'est trop peu
que tu sois pour moi un serviteur pour relever les tribus de Jacob et ramener
les survivants d'Israël. Je fais de toi
la lumière des nations pour que mon salut atteigne aux extrémités de la
terre" (Is 49,5-6).
Si
précieuse que soit la Massore, le texte hébreu, minutieusement ponctué par les
scribes de Tibériade au 9ème siècle après J.C., il ne faut pas pour
autant négliger la tradition grecque des Septante qui fut fondée à Alexandrie,
deux siècles avant la naissance du christianisme. Elle peut renfermer des
textes plus proches des originaux et dont certaines modifications dénotent un
progrès théologique, en particulier, justement, vers cette expansion
universaliste qu'avait chanté le vieillard Siméon dans le temple en prenant Jésus
dans ses bras.
"Lumière
pour éclairer les nations et gloire d’Israël ton peuple !".
La
lecture d’aujourd’hui ne nous parle que d’un accroissement du nombre des
croyants à Jérusalem même : "La parole du Seigneur gagnait du terrain,
le nombre des disciples augmentait fortement à Jérusalem !".
St
Luc note aussi qu'une multitude de prêtres accueillaient la foi. Nombre
de commentateurs de la lettre aux hébreux pensent désormais que cette lettre
avait précisément comme premiers destinataires ces prêtres convertis et que
l’auteur, s’il est fortement imprégné des pensées de St Paul, serait plutôt un
juif d’Alexandrie, peut-être cet Apollos dont il est parlé plus loin dans le
livre des Actes des Apôtres : "Un Juif nommé Apollos, originaire d'Alexandrie,
était arrivé à Éphèse. C'était un homme éloquent, versé dans les
Écritures. Il avait été instruit de la
Voie du Seigneur, et, dans la ferveur de son âme, il prêchait et enseignait
avec exactitude ce qui concerne Jésus, bien qu'il connût seulement le baptême
de Jean. Il se mit donc à parler avec assurance dans la synagogue. Priscille et
Aquilas qui l'avaient entendu, le prirent avec eux et lui exposèrent plus
exactement la Voie". (Ac
18,24-26).
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