Mercredi de
Pâques 3013 - L'oiseau ensanglanté !
Après avoir prié ensemble, hier, pour Sr
Marie-Catherine qui semblait prête pour le grand départ, l'ultime voyage vers
le Père, à la suite du Christ pascal que nous célébrons depuis quelques jours,
je pensais à notre destinée céleste pour tous... Car pour nous, n'est-ce pas, la mort peut être
pénible par les souffrances qu'elle peut entraîner, par la rupture des liens
visibles que l'on entretient ici-bas... ; mais, pour nous, la mort n'est jamais triste !
Aussi, en ce temps pascal, je me suis souvenu - je
ne sais pourquoi - à ce qu'un penseur chrétien des premiers siècles racontait.
Une nuit, rapporte-t-il, il fit un rêve : des milliers d’oiseaux voletaient
sous un filet tendu au-dessus du sol. Sans cesse, ils s’envolaient, heurtaient
le filet et retombaient à terre. Ce spectacle était accablant de tristesse.
Mais voici qu’un oiseau s’élança à son tour, il s’obstina
à lutter contre le filet, et soudain, blessé, couvert de sang, il le rompit et
il s’élança vers l’azur. Ce fut un cri strident parmi tout le peuple des
oiseaux. Dans un bruissement d’ailes innombrables, ils se précipitèrent à
travers la brèche, vers l’espace infini.
Faire brèche dans l’impossible ! N'est-ce pas
là le but de notre aventure religieuse ?
Et l'aventure de toute l'humanité, également ? Depuis
la conquête du feu, depuis la première promesse d’amour, l’histoire voit les
générations humaines successives livrer assaut à l’impossible. Que d’hommes ont
parié leur vie pour la progression de la justice, du droit, de la science, sans
apercevoir le succès de leurs efforts. Pendant des siècles, des hommes
persévérèrent dans la même lutte, sans jamais se décourager. Le cœur de l’homme
est fait de ce goût de l’impossible.
Mais - affirmons-le immédiatement et avec force -
c’est le Christ qui a ouvert le pays de l’impossible. C'est là notre foi
pascale ! Il a annoncé une vie “autre”, toute illuminée de la réconciliation de
Dieu et de la paix des hommes.
Pendant qu’il parcourait la Palestine, beaucoup
pressentaient d’un instinct sûr, qu’il portait, concentré sur sa personne, un
avenir transfiguré.
Et en notre temps, beaucoup - comme Sr
Marie-Catherine - le pressentent à travers le message que le Christ nous a laissé.
Aussi veulent-ils le suivre ! De façon absolue parfois ! Et c'est leur
témoignage : le pays de l'impossible, le pays de Dieu nous est désormais ouvert
à la suite du Christ ressuscité !
Bien sûr, la haine, la violence, la mesquinerie
s’étaient liguées pour l’anéantir ; et on l’avait crucifié. Mais jusqu’aux
dernières affres du supplice, en demandant à Dieu le pardon des persécuteurs et
en lui remettant son être exténué - comme l'oiseau ensanglanté -, il avait
encore changé la vie et la mort en gestes d’amour. Et le troisième jour,
impossible de le retenir ; il s'était remis debout pour monter, disait-il,
"vers son Père et notre Père" à nous aussi désormais. Il avait fait
brèche vers ce pays qui paraissait humainement impossible : le pays de Dieu !
Vers la Jérusalem céleste dont "Dieu
seul est l'architecte et le fondateur !" (Heb
11.10).
Et ses disciples - Sr Marie-Catherine et nous tous
ici - vont proclamant qu’il est “ressuscité”, qu’il a été “exalté à la droite
de Dieu”, qu’il est “vivant”, qu'il est "Seigneur" ! Les forces du
mal avaient semblé l’anéantir, mais il avait annoncé la fécondité du grain
tombé en terre… Après avoir lutté contre tous les ferments de mort dans le cœur
des hommes et dans la vie de son peuple, il avait brisé la fatalité de la
mort elle-même. C’est au moment où tout semblait fini que la contagion de sa
vie va commencer et s’étendre jusqu’à nous. Désormais, le goût de l’impossible
- l'impossible de Dieu - ne reculera plus dans le cœur de l’homme, même devant
la mort qui semble atteindre l'une d'entre nous, qui nous atteindra tous ! Et nous
pouvons prier avec cette question pleine d'espérance : "O Mort, où est ta
victoire ?" (I Co. 15.55).
Nous le savons pour toujours : l’humanité
n’est pas une gerbe désordonnée de rêves irréalisables. Elle n’est pas
inéluctablement entravée par les injustices, les violences, les guerres. Elle
n’est pas condamnée à la mort définitive : l’impossible de Dieu est son
chemin d’avenir, dès aujourd’hui et à jamais.
A la suite dure et splendide de l’oiseau
ensanglanté, à la suite du Christ mort et ressuscité, allons sans cesse et plus
avant à la quête du Dieu éternel, travaillant et semant dans l'humanité - comme
celles et ceux qui nous ont précédés - sur les sillons successifs du temps
présent.
N'est-ce pas là le vœu de toute vie consacrée, de
toute vie de baptisé ?
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