Mercredi de
Pâques 3013 (Act. 5.1-19; Lc 24.13-35)
La guérison de l’infirme que nous rapporte la lecture d'aujourd'hui se fait à
l’entrée du temple, hors du temple. Il faut se rappeler que les infirmes
n’entraient pas dans le temple d’après une loi qu’on trouve dans le Lévitique :
"Aucun homme ne doit s'approcher s'il a une infirmité, que ce soit un aveugle ou un boiteux, un
homme défiguré ou déformé !" (Lv
21,18)
Les aveugles et les boiteux sont particulièrement
visés. Il faut se rappeler le récit de la prise de Jérusalem par David,
racontée au 2ème livre de Samuel (ch.5).
J'ai souvent évoqué ce passage ; je n'y reviens pas !
Ce qu'il faut retenir, c'est que Jésus contrevient
à cette loi : "Il y eut aussi des aveugles et des boiteux qui
s'approchèrent de lui dans le Temple, et il les guérit…; les grands prêtres et
les scribes furent indignés" (Mt 21,14.15b).
Quant à St Jean, il a retenu, parmi les sept signes
qui composent son Evangile, deux miracles opérés dans les deux piscines qui se
trouvent l’une au nord et l’autre au sud du temple. Le boiteux de Bethesda et
l’aveugle-né de Siloé qui, une fois guéris, entrent dans le temple qui leur
était interdit tant qu’ils étaient atteints par leur infirmité.
Le miracle, que nous rapporte la lecture
d'aujourd'hui, s’inscrit tellement dans cette première iconographie de
Jérusalem qu’il serait dommage de ne pas rappeler la mutation qui s’opère dans
le passage qui se fait de l’Ancien au Nouveau Testament.
Dans
l’Ancien Testament, les maladies et les infirmités sont un handicap dans le
rapport avec Dieu. Dans le Nouveau Testament, elles sont assumées par le Christ
qui est venu guérir nos infirmités comme nos péchés ; et les miracles
préfigurent la restauration totale de notre humanité dans le Royaume de Dieu.
Le
paralytique guéri par Pierre entre lui aussi dans le temple en franchissant la
Belle Porte : "d'un bond il fut debout, et il marchait. Il entra avec eux dans le Temple, il
marchait, bondissait et louait Dieu". Cette notation me fait penser à l'affirmation très pascale du psaume
118ème : "Non, je ne mourrai pas, je vivrai, et je chanterai
les merveilles de Dieu" à mon égard ! Puissions-nous avoir cette
affirmation de foi à tous les moments d'épreuves et à l'heure même de notre
mort dernière pour rentrer dans le Temple éternel...
Quant à
notre évangile d'aujourd'hui, le célèbre Renan a dit que ce texte est le
plus beau morceau de littérature qui n'ait jamais été écrit.
La présence de Jésus ressuscité est plus réelle
que jamais, mais elle n’est plus perceptible immédiatement comme elle
l’était auparavant.
On a déjà vu cela avec l’évangile d’hier, à propos de Marie Madeleine qui croit d’abord voir le gardien du jardin.
Cléophas et son compagnon partagent la mentalité
courante du judaïsme de l’époque qui exprime une attente d'un Messie restaurant
la Royauté davidique et chassant l’occupant romain.
Jésus chemine un certain temps avec eux et leur
donne l’occasion - il faut le souligner - d’exprimer leur déception et leur
scepticisme vis à vis du témoignage des femmes qu’ils considèrent comme des
racontars de pure imagination. C’est une bonne chose de laisser les gens
s’exprimer et prendre, par le fait même, du recul par rapport à leurs idées
toutes faites. Prendre son temps, c’est la meilleure manière de préparer celui
qui doit écouter à accueillir le message qui lui est destiné.
Peut venir ensuite la grande leçon de la lecture
chrétienne de la Bible : "Alors il leur dit : "O cœurs sans
intelligence, lents à croire à tout ce qu'ont annoncé les Prophètes ! Ne
fallait-il pas que le Christ endurât ces souffrances pour entrer dans sa gloire
?" Et, commençant par Moïse et
parcourant tous les Prophètes, il leur interpréta dans toutes les Écritures ce
qui le concernait". (Lc 24,25-27)
On parle beaucoup dans les cercles bibliques
d’herméneutique et d’exégèse. On se gargarise parfois de ces mots sans trop
savoir leur signification (1).
- L'exégèse est une étude approfondie, scientifique, voire
critique d'un texte sacré,
- Le mot "herméneutique" vient du texte
de notre évangile : "Jésus leur expliqua...", "dihrmhneusen". Jésus, "Verbe de
Dieu" avait, a toujours l'art merveilleux d'expliquer. Il est bon de
rappeler l’origine chrétienne de cette première "lectio divina" (lecture divine) que fit Jésus à ses deux
disciples et des effets qu’elle produisit et qu'elle peut toujours produire : "Notre
cœur n’était-il pas brûlant en nous, tandis qu’il nous parlait sur la route et
qu’il nous faisait comprendre les Ecritures ?".
On se préoccupe moins actuellement de savoir où se
trouvait la maison de Cléophas. A Latrum ? à Abou Gosh ? à Quibaibé
ou ailleurs ? Actuellement, quand on sort de Jérusalem vers l’ouest, on comprend
que la route d’Emmaüs est d’abord et avant tout, dans l’esprit de St Luc, une
catéchèse eucharistique liant indissociablement la liturgie de la Parole et la
fraction du Pain. "Ils le reconnurent à la fraction du pain !"
La "table" divine que dresse toujours la
"Sagesse" de l'Ancien et du Nouveau Testament est à la fois table de
la Parole de Dieu et du Pain de Dieu !
(1)
- L'exégèse (ἐξήγησις en
grec : "mener hors de..."), est une étude
approfondie, scientifique, voire critique... d'un texte sacré,
- Le mot "herméneutique" vient du texte
de notre évangile : "Jésus leur expliqua...", "dihrmhneusen"
(mot qui vient du grec έρμηνευτική : mot qui
vient lui-même de
τέχνη, art d'interpréter
et de Hermès, messager des dieux, interprète de leurs ordres)
L'herméneutique est donc l'art d'expliquer,
d'interpréter les textes sacrés.
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