3e semaine de Pâques, Mardi - (Jn 6.30-36)
En
lisant, en relisant le chapitre 6ème de l'évangile de Jean, on a
l'impression parfois que Jésus prend plaisir à se répéter, d'une manière ou
d'une autre, pour nous faire bien comprendre le signe - le signe par excellence,
selon St Jean - qu'il vient de poser : la multiplication des pains.
Il
nous dit aujourd'hui : "Je suis
le pain de vie", comme il dira : "Prenez et mangez, ceci est mon Corps !". St Jean
qui ne transmet pas l'institution de l'Eucharistie au soir du Jeudi Saint, en
donne toute la signification en ce signe que Jésus pose : "Je suis le pain de vie" ; il ne cesse de nous répéter la
signification de ce signe pour mieux l'enseigner à l'intelligence de notre cœur.
Dans la tradition
juive, on appelle l'enseignement : la
"mishna", mot qui vient de "sheni" qui veut dire
"deux" ! Autrement dit "bis
repetita placet". L'enseignement est à base de répétitions ; et dans la
Bible, il y a toute une pédagogie divine de la répétition. Il ne faut pas en
faire l'économie.
Aussi,
aujourd'hui, laissons couler en notre cœur les paroles de Jésus ; sachons les
répéter pour qu'il nous en donne une parfaite compréhension : "Je suis le pain de vie" !
Jésus
disait à la Samaritaine : "J'ai une
nourriture que vous ne connaissez pas, c'est de faire la volonté de Celui
qui m'a envoyé". Or, la volonté du Père, nous est-il dit
aujourd'hui, c'est de "donner le
pain venu du ciel", non un pain semblable à celui qu'il avait déjà
donné au temps de Moïse - celui-là n'était qu'un présage -. Le vrai Pain que le
Père donne, "le pain de Dieu, c'est
celui qui descend du ciel et qui donne la vie au monde !".
Aussi,
Jésus nous dit, nous redit en ce moment : "Celui
qui vient à moi, celui qui croit en moi n'aura plus jamais faim !".
Déjà, au début de son ministère, n'avait-il pas répondu à l'éternel tentateur :
"L'homme ne vit pas seulement de
pain (matériel), mais de tout ce qui
sort de la bouche de Dieu" (Mth 4.4).
Et "le Verbe - la Parole de Dieu
- s'est fait chair !". Pour
devenir "Pain de vie" !
Aussi,
en ce signe par excellence selon St Jean - la multiplication des pains -, Jésus
se met tout entier, il nous en laisse le mémorial : "Faites ceci en mémoire de moi !". Il prend du pain ; il
rend grâce ; il le distribue, nous apprenant du même coup à formuler la prière
qui soit vraiment parfaite : "Donne-nous
aujourd'hui notre pain de ce jour !".
Et
c'est au nom de toute l'humanité que nous devons faire cette prière, une prière
à la fois horizontale et verticale
afin de recevoir et le pain de la terre et le pain du ciel. Et non l'un sans
l'autre. Condition "sine qua non" !
Or,
reconnaissons-le : actuellement, la moitié du monde est malade de trop
manger, et l'autre moitié est malade de n'avoir pas assez à manger.
Du
pain que Dieu avait donné au temps de Moïse, certains en ramassaient beaucoup
pour en faire des réserves - tentation toujours actuelle ! -. Mais Dieu faisait
en sorte finalement que "celui qui
en avait beaucoup recueilli n'en avait pas trop, et celui qui avait peu
recueilli en avait assez" (Ex 16.19).
Un idéal qu'en accueillant le "pain de vie", nous devons réaliser,
selon cette parole de St Paul : "Il ne s'agit point, pour
soulager les autres, de vous réduire à la gêne ; ce qu'il faut, c'est
l'égalité. En cette occasion, ce que vous avez en trop compensera ce qu'ils ont
en moins, pour qu'un jour ce qu'ils auront en trop compense ce que vous aurez
en moins.. Ainsi se fera l'égalité, selon qu'il est écrit : Celui qui avait
beaucoup recueilli n'eut rien de trop, et celui qui avait peu recueilli ne
manqua de rien" (2 CO. 8.13). Et sachons que tous,
même dans une gêne quelconque, matérielle ou morale..., nous avons quelque
chose en trop. Car à chacun, sans exception, Dieu fait don d'une certaine
richesse !
Mais,
il y a toujours la tentation de faire des réserves, surtout en temps de
crise, n'est-ce pas. Pourtant Jésus ne disait-il pas : "Ne faites pas de trésor ici-bas... Là où est ton trésor, là est
ton cœur !" (Mth 6.21). C'est
grave cela ! La tentation de tout accaparer ou de tout dominer - c'est la même
chose - !
De
cette tentation il y a un symbole très important dans la Bible : Dieu a créé
l'homme pour qu'il soit "à son image
et ressemblance". Mais l'homme s'est détourné de ce projet. Il amasse,
il veut toujours amasser pour "faire des briques" et ainsi construire
une tour - la tour de Babel - pour accaparer en quelque sorte le ciel lui-même
par ses propres forces ! L'homme était créé pour les épanouissements d'une
fécondité divine ; et voilà qu'il tombe - il tombe toujours - dans les
esclavages de la production : "faire des briques", amasser et amasser
encore...!
Alors,
au lieu de remonter vers son Créateur dans un élan de convergence eucharistique
où il peut retrouver toute son harmonie, le monde, de par la faute de l'homme
qui peut être le roi de la création, certes, mais qui oublie d'en être le
prêtre, qui oublie d'en faire l'hommage à Dieu..., le monde retombe dans le
chaos, dans la multiplicité du chaos qui brouille tous les langages ! Les
hommes ne peuvent plus se comprendre !
Jésus,
lui, prit du pain, rendit grâce et le partagea : faire un
bon usage de la création dans l'action de grâce et le partage.
C'est ainsi que la condition humaine peut s'exprimer indissociablement royale
et sacerdotale : prendre possession du monde et l'élever vers Dieu. Alors, le
pain du monde, que Dieu donne, il y en a pour tout le monde : l'harmonie, la
paix se rétablissent.
Mais,
à cause du péché de l'homme, comme c'est difficile. Aussi, Jésus est venu,
envoyé par le Père, pour se faire "Pain
de vie". Communiant à ce "Pain
de vie", tout redevient possible, et d'abord l'unité des hommes : "Qu'ils soient un, Père, priait
Jésus le soir du Jeudi Saint, comme nous
sommes un !".
"Par Lui, en Lui, avec Lui dans
l'Esprit Saint, tout honneur et toute gloire au Père !". C'est l'action
de grâce par excellence - Eucharistie - qui permet que les hommes, tous unis
parce que tous redevenus "à l'image et ressemblance" de leur Père du
ciel, puissent entendre en toute vérité cette parole du Ressuscité : "Je monte vers mon Père et votre Père
!". - "Notre Père...,
donne-nous aujourd'hui notre pain de ce jour !".
Voilà
la véritable Eucharistie, l'Action de grâce par excellence !
Rendre
grâce ! "Yehudim" (sens du mot "Juda", 4ème fils de
Jacob avec Léa). Pour un Juif, user des biens de ce monde sans commencer par rendre
grâce, c'est un vol. Et la réforme liturgique du Concile Vatican II a repris la
formule juive de la bénédiction du pain et du vin au moment de l'offertoire : "Béni sois-Tu, Roi du monde, qui fais
sortir le pain de la terre ; béni sois-Tu, Roi de l'Univers, qui donne le fruit
de la vigne !"
Rendre
grâce - faire Eucharistie - avec le Christ qui affirme : "Je suis le Pain de vie". Venez à moi, vous n'aurez plus
jamais faim ! Venez à moi, car je vais vers le Père et votre Père ! Et nous comprenons
de plus en plus la seule volonté que le Christ exprime à son Père et notre Père
: "Père, je veux que là où je suis,
ceux que tu m'as donné soient, eux aussi, avec moi et qu'ils contemplent la
gloire que tu m'as donnée" (Jn
17.23-24).
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