Carême 4 - Vendredi - (Jn 9.1-41)
Je ne voudrais pas trop m'attarder après la
proclamation d'un passage d'évangile merveilleux mais assez long ! Sans le
commenter, j'aimerais seulement situer cet épisode de la guérison de l'aveugle-né
dans son contexte social, religieux et historique. C'est d'importance, me
semble-t-il.
Jésus s'était attardé en Galilée avant de se
décider, après hésitation, à monter lui aussi, à la suite de ses disciples, à
Jérusalem pour "la fête" ! - Quand, aujourd'hui encore, on dit
"la fête" en Israël, il s'agit de la fête de Soukkot, la fête des
tentes, la Fête par excellence, fête qui durent sept jours !
A l'origine, comme toutes les fêtes bibliques, Soukkot
était une fête agraire entre fin septembre et mi-octobre, au moment où les
travaux des champs étaient terminés et que les récoltes étaient engrangées.
Alors, on rendait grâce à Dieu pour les fruits de la terre tout en lui
demandant sa bénédiction pour l'année à venir.
Par la suite, Israël sentit le besoin d'inscrire
cette grande fête dans le déroulement de sa propre histoire. Ainsi, durant
les sept jours de réjouissance, on prit l'habitude d'évoquer principalement la
longue traversée du désert durant laquelle Dieu avait fait Alliance avec le
peuple élu ! On relisait l'exode ; on
"faisait mémoire" de ce temps où Dieu lui-même avait pourvu à la vie
spirituelle et matérielle de son peuple. Car...
- C'est au désert que le peuple avait appris à
mettre toute sa confiance en la providence divine.
- C'est au désert que Dieu se fit
"voisin" de l'homme, en venant habiter sous une tente, partageant en
quelque sorte la précarité de son peuple. Aussi, au cours de la fête, la
construction d'une tente près de la maison familiale rappelait-elle cette
proximité divine. "Et le Verbe s'est
fait chair, dira St Jean ; il a
dressé sa "soukka" (sa tente) parmi nous" (Jn 1.14). Et la même affirmation se retrouve
dans la bouche de Pierre au moment de la Transfiguration : "Seigneur, si tu le veux, je peux dresser ici trois
tentes..." (Mth 17.4). Il
devinait en quelque sorte qu'en Jésus la présence divine au milieu des hommes
atteignait sa plénitude.
- C'est au désert que Dieu abreuva son peuple
assoiffé en faisant jaillir l'eau du rocher. Aussi, au dernier jour de
Soukkot, le Grand Prêtre aspergeait le temple et le peuple en signe de
bénédiction divine. C'est alors que Jésus s'écrie, non sans une certaine
provocation : "Si quelqu'un a soif,
qu'il vienne à moi, et que boive celui qui croit en moi. Comme l'a dit
l'Ecriture : "De son sein couleront des fleuves d'eau vive" (Jn 7.37). C'était certainement une allusion à
l'affirmation du livre de Zacharie : "Il arrivera, en ce jour-là, que des eaux vives sortiront de
Jérusalem, moitié vers la mer orientale, moitié vers la mer
occidentale..." (Zach 14.8).
Vers le nord et vers le midi !
Aussi, ce n'est pas par hasard que deux des signes, chez St Jean, se
passent dans deux piscines, tout près du temple : l'une au nord, la piscine de
Betzatha où Jésus guérit un paralytique, l'autre au sud, la piscine de Siloë,
alimenté par la fameuse source de Gihon, source salvatrice depuis Isaïe, source
qui sort, en quelque sorte, du côté droit du temple, selon la vision d'Ezéchiel,
pour aller purifier les eaux de la mer morte, symbole du péché du monde !
- C'est près de cette piscine que Jésus guérit l'aveuglé-né de l'évangile,
au cours de cette célèbre fête qui donnait l'occasion de se souvenir encore que
Dieu avait guidé son peuple par une colonne lumineuse. Aussi, à
l'occasion de Soukkot, tout Jérusalem et principalement le temple étaient
grandement illuminés par des procédés que l'on a peine à imaginer. Et c'est à
ce moment que Jésus, juste avant la guérison de l'aveugle, s'écrie non sans une certaine provocation encore : "Je
suis la lumière du monde !" (9.5). Affirmation qu'il venait déjà d'adresser aus Juifs : "Je suis la lumière du monde. Qui me
suit ne marchera pas dans les ténèbres, mais aura la lumière de la vie" (Jn 8.12).
- Ainsi, désormais, les boiteux au nord du temple et les aveugles au
sud du temple peuvent suivre Jésus. Autrement dit, tous les paralysés du
nord du monde et tous les mal-voyants du sud du monde peuvent suivre Jésus et
entrer désormais dans le vrai temple de Dieu que Jésus va construire en son
propre Corps, abolissant en quelque sorte l'interdit que David avait lancvé
autrefois : "Quant aux boiteux et
aux aveugles, David les hait en son âme. C'est pourquoi on dit : Aveugles et
boiteux n'entreront pas dans le Temple ! (2 Sam 5.8). Déjà, quand Jésus parlait de sa mission en répondant aux envoyés de
Jean-Baptiste qui lui demandaient :
"Es-tu celui qui doit venir ou devons-nous en attendre aun autre ?", il
avait dit : "Allez dire à votre
Maître : "Les aveugles voient, les sourds entendent, les boiteux
marchent..." (Mth 11.5). Tous peuvent désormais accéder à Dieu !
Nous sommes tous des aveugles,
des boiteux... ! Sachons, en ce temps de carême le reconnaître. Mais Jésus nous appelle à
le suivre pour entrer en son Temple. Bien plus, il nous permet de suivre le lent
cheminement qui conduit l'aveugle à la lumière de la foi.
Au début, celui-ci se contente de rappeler les faits avec précision. Puis,
devant les pharisiens qui l'interrogent, il répète ce qu'il a déjà dit en
exprimant une conviction personnelle à propos de Jésus : "C'est un prophète". Et la discussion prenant un cours
assez violent, il s'engage davantage : "Si
cet homme n'était pas de Dieu, il ne pourrait rien faire !". Mais
c'est grâce à une nouvelle initiative de Jésus, se révélant à lui commme
"le Fils de l'homme" - formule peu compromettante encore - que
l'homme qu'on appelle Jésus devient finalement à ses yeux le
"Seigneur", reconnu dans la foi : "Je
crois, Seigneur ; et il se prosterna devant lui !".
Nous sommes tous des aveugles que Jésus veut illuminer de sa gloire de Réssuscité
! Suivons-le !
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