Carême 4 -
Lundi - Création - Recréation (Is
65.17-21 - Ps 29 - Jn 4.43-54)
Vous avez certainement remarqué dans la lecture la répétition du mot “créer“ : “Voici que je vais créer des cieux nouveaux et une terre nouvelle... Soyez pleins d'allégresse et exultez de ce que moi, je vais créer : car je vais faire de Jérusalem une exultation et de mon peuple une allégresse“.
Vous avez certainement remarqué dans la lecture la répétition du mot “créer“ : “Voici que je vais créer des cieux nouveaux et une terre nouvelle... Soyez pleins d'allégresse et exultez de ce que moi, je vais créer : car je vais faire de Jérusalem une exultation et de mon peuple une allégresse“.
Ce verbe “créer“ est bien connu : c’est le deuxième
mot du premier chapitre de la Genèse : “Bereshit BARA
Elohim“ : “Au commencement Dieu créa
… “.
Et
ce mot qui se trouve aux origines, apparaît également tout au long de l’histoire :
“Je vais créer des cieux nouveaux, une
terre nouvelle !“. Car le
peuple élu fera sans cesse, depuis la sortie d'Egypte, l’expérience des merveilles, des
délivrances que Dieu seul, dans sa toute puissance illimitée, peut opérer. A
chaque fois, c’est comme une “création nouvelle“.
Ainsi, au temps de l’exil à Babylone, lorsque le
peuple n’est plus qu’“ossements desséchés“ (cf.
Ezéchiel) et que Dieu le ressuscite pour le faire revenir à Jérusalem,
la délivrance est si déconcertante qu’elle prend l’allure d’une nouvelle création.
C’est ainsi que le mot “Bara“ est employé. Le texte d’aujourd’hui est
d’un disciple d’Isaïe, contemporain de ce retour miraculeux. Et il ne trouve
pas de mot plus expressif - “bara“, créer - pour parler de ce que Dieu opère et
continuera d’opérer dans l’histoire au profit du peuple élu.
C’est l’époque où Jérémie et Ezéchiel parlent d’une
“nouvelle alliance“ qui ne sera rien moins qu’une “nouvelle création“.
Jérusalem va ressusciter ! Alors que beaucoup de peuples, plus importants
que la tribu de Juda, ont complètement disparu, cette toute petite tribu de
Juda, victime d’un véritable anéantissement, va être l’objet, contre toute
espérance humaine et par une véritable “résurrection des morts“, d’une nouvelle
création ; et son histoire qu’on aurait pu croire définitivement
interrompue reprend dans une espérance universelle : “oui, je vais créer
un ciel nouveau et une terre nouvelle, on ne se rappellera plus le passé, il ne
reviendra plus à l’esprit“.
Ce langage de “recréation“ collectivement
vécu par le peuple élu se transfèrera peu à peu sur le plan individuel - un Juif, beaucoup plus que nous, pense à la fois collectif et personnel. On le
trouve déjà ce langage, de façon implicite, dans la bouche de David, après sa faute avec
Bethsabée. Dans sa repentance, il reprend ce langage de recréation :
“Crée
en moi un cœur pur. Renouvelle en ma poitrine un esprit de générosité“ (Ps 50,12).
Ce mot de “bara“ exprime l’expérience que fait le
peuple élu - et finalement tout croyant - d’un Dieu créateur et
recréateur : “Notre Dieu est un Dieu de délivrance, à Lui sont les
issues de la mort !“. (Ps 68.21).
Les professeurs disent que le premier chapitre de
la Genèse est tardif. Par son style et par sa parfaite construction
mathématique, il doit être de l’époque Perse. Les juifs, après l’exil à
Babylone, ont vécu sous la domination de l’Empire Perse. Or, les Perses avaient
une religion dualiste : pour rendre compte du mal, ils posaient que deux
principes étaient en lutte dans l’histoire du monde, un principe bon et un
principe mauvais. Sous l’inspiration divine, l’auteur (ou les auteurs) du début du livre de la Genèse a jugé bon, à
cette époque, de rompre avec ce dualisme. La phrase “Dieu vit que cela
était bon“, revient comme un refrain, dans les jours de la création.
Ainsi la foi du croyant, dès le début, rejoint bien
la condition humaine jusqu’au fond du problème que pose le mystère du mal…
- pensons à Job, à certains psaumes et à bien
d’autres passages de la Bible…
- pensons
surtout aux anéantissements du Verbe Incarné qui meurt sur la croix, de la mort
des esclaves ! ...
Mais, cette foi du croyant, refusant toujours ce
dualisme, affirmera haut et fort, après l’expérience extraordinaire du retour
d’exil, que tout ce que Dieu fait est “bon“ ! Il proclamera que, face à la
réalité du mal, ce “Dieu bon“ est un “Dieu de délivrance“, qu’“il a les issues
de la mort“, qu’il peut recréer comme il a nous a créés ; et si un jour
nous lui remettrons notre “dernier souffle“, c’est dans la certitude qu’il
pourra nous le rendre :
“Tu caches ta face, ils s'épouvantent,
tu retires leur souffle, ils expirent, à leur poussière ils
retournent.
Tu envoies ton souffle, ils sont créés, tu renouvelles la face de la
terre“. (Ps 104).
C'est ce que conclura fortement et magnifiquement
St Paul au cours de son procès à Césarée devant le roi Agrippa : Toi qui es
juif, lui dit-il, tu devrais comprendre tout cela. "Pourquoi juge-t-on incroyable parmi vous que Dieu ressuscite les
morts ?" (Act. 25.19).
N’est-ce pas ce que veut souligner Jésus dans
l’évangile ? Comme un “re-créateur“, face au mal suprême de la mort, il
dit à l’intendant royal : “Va, ton
fils vit !“. Il vit ! Il vivra ! C’est notre foi, notre espérance !
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