Jeudi Saint 13/C
Quand les mots ne suffisent pas pour manifester, exprimer l'amour, ils font place à des gestes sans paroles. Ce soir, la mémoire chrétienne se concentre sur un geste du Christ : “Jésus ayant aimé les siens, les aima jusqu'au bout. Se levant de table, il se mit à laver les pieds de ses disciples”.
“Avez-vous compris ce que j’ai fait ?”, demandera-t-il. Il faut toute une vie pour comprendre ce que Jésus a fait ! ... Et comprendre au moins cela : c'est son testament. C'est important un testament. Ce sont ses dernières volontés, volontés de Jésus, Dieu fait homme !
Oui, le testament de Jésus, c'est le testament de Dieu. Et non point seulement un testament hautement spirituel..., des considérations hautement religieuses ! Non ! Laver les pieds de ses disciples, c’est le travail du serviteur ! Et c'est là le testament de Dieu fait homme !
Jésus l'avait déjà dit : “Je ne suis pas venu pour être servi mais pour servir ... Si quelqu'un veut être grand, qu'il soit serviteur”. Aussi, Jésus répète : “Si moi, le Seigneur et Maître, je vous ai lavé les pieds, vous devez, vous aussi, vous laver les pieds les uns aux autres”. Autrement dit, vous mettre en quatre pour servir !
Ce testament de Jésus est un peu à contre-courant des opinions habituelles. Car servir, dira-t-on, ce n'est pas très glorieux ! Non, ce n'est pas la gloire dans le sens de gloriole.
Mais dans la langue de Jésus, le mot “gloire” signifie : “ce qui fait du poids”. - "Kabôd" : être lourd, avoir du poids - Eh bien ! Si nous voulons avoir une vie qui fasse le poids, il faut se mettre au service de nos frères. Le service des autres, cela doit faire le poids ! C'est tout le poids de nos frères en notre cœur ! C'est à ce poids que l'on peut évaluer la réussite de la vie. A la suite de Jésus qui a porté le poids de toute l'humanité pècheresse !
Peu ici, je pense, ont connu le P. Philippe Jobert, moine de Solesmes, décédé récemment. Il fut mon professeur de dogme ; et je pense que, très apprécié, il a marqué plusieurs générations d'étudiants. A la fin de sa vie, il n'enseignait plus officiellement ; il était facilement le "portier" du monastère. Et, un jour - d'après ce que m'a dit le P. Prieur lors de son passage ici - il affirma au cours d'une conversation : "Lorsque je paraîtrai devant le Seigneur, il ne me demandera pas si j'ai été un bon théologien ; il me demandera plutôt si j'ai bien accueilli tous ceux qui se présentaient à la porte de l'Abbaye !".
SERVIR ! Servir ses frères !
- ne pas desservir : il y a des gestes, des
silences qui desservent…
- ne pas se servir : se servir des autres
ou tout simplement ne pas se servir d'abord !
- servir tout simplement. Alors, il n'y a plus
de journées creuses, vides, nulles... !
Croyons à la vie toute simple, au service tout
simple, aux mille et mille gestes quotidiens tout simples, gestes de services
de nos frères ! C'est ainsi que l'on peut avoir "une vie de
poids" ! Avoir une vie de poids - une vie glorieuse (kabôd) - même s'il
s'agit de l'existence très humble d'un moine, d'une moniale, cela consiste à
remplir les gestes quotidiens les plus modestes, voire obscures, avec un souci
d'amour, un souci de service de nos frères vers qui le Christ veut s'approcher comme
il veut s'approcher de nous-mêmes !
Je crois que ce fut l'une des nervures de la sainteté
de Ste Thérèse de Lisieux. Et Guy de Larigaudie n'hésitait pas à écrire : "Il est plus important de peler des
pommes de terre avec amour que de construire des cathédrales !".
Il faut insister : Jésus a fini sa vie en tablier ! Alors, peu importe que l’on
prenne le tablier de table ou celui de la cuisine ou celui du ménage, la tenue
de l'infirmière ou la blouse de travail..., peu importe, pourvu que ce soit
pour servir avec grand amour, cet amour du Christ qui, après avoir lavé les
pieds de ses disciples, va donner sa vie pour nous tous ! Par amour !
Une dernière réflexion : Quel rapport
y-a-t-il entre ce geste de Jésus et celui de l'institution de l'Eucharistie qui
va suivre ? Rappelons au passage que le "lavement des pieds" du Jeudi-Saint
fut longtemps considéré, dans les premiers siècles de l'Eglise, comme un
sacrement ! Le lavement des pieds : un sacrement comme celui de l'Eucharistie !
Alors interrogeons surtout St Jean :
Pour lui, raconter le pain et le vin ou
raconter le lavement des pieds, c'est tout un. Il s'agit toujours de donner sa
vie. Apprendre à donner sa vie comme
Jésus.
“Faites
cela en mémoire de moi”, dit Jésus en levant pain et vin Faites-en autant ! - “Je vous ai lavé les pieds pour que vous
fassiez de même”.
Demandons aux disciples de tous les temps, aux
Mère Térésa, Sr Emmanuelle, aux abbé Pierre… Ils savaient bien que celui qui a
dit : “Ceci est mon corps” est le
même qui a dit : “J'ai eu faim et vous
m'avez donné à manger”. Autrement dit, en bien des circonstances, vous
m'avez accueilli, servi !
“Un jour,
raconte le célèbre évêque du Brésil, Helder Camara, des fidèles me demandent de célébrer une messe de réparation, parce
que, dans un village, des voleurs ont pillé l'église, ont cassé le tabernacle,
emporté le ciboire, en jetant les hosties dans la boue. J’y suis allé, bien sûr
et je leur ai dit : "Vous êtes horrifiés parce que le Corps du Christ a
été jeté dans la boue ! Et vous avez raison. Mais n'oubliez pas qu'ici et
ailleurs, le Corps du Christ est jeté dans la boue quand les plus pauvres, les plus
petits sont écrasés, humiliés".
Le service religieux n'est désormais service
de Dieu que s'il est service de l'homme. A une religieuse qui se plaignait de
devoir rester près d'un malade au moment de la prière commune à la chapelle, St
Vincent de Paul avait répliqué : "Ma
sœur, il faut savoir parfois quitté Dieu pour Dieu !"
“Avez-vous
compris ce que j'ai fait ?”, demandait Jésus.
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