Carême 3 Jeudi - Jér. 7.23sv
La leçon
de la lecture d’aujourd’hui est bien le conseil d’“ECOUTER“ !
Et Salomon avait bien
raison de solliciter Dieu, au début de son règne, en lui demandant : “Seigneur, donne-moi un cœur qui écoute pour gouverner ton peuple, pour discerner entre le bien et le
mal !“ (I
Rois 3.9).
Et le pape Benoît XVI de
commenter naguère : un "cœur qui
écoute résume toute la vision chrétienne de l'homme !". Et il ajoutait : "En soi, l'homme n'est pas parfait,
l'homme a besoin de la relation, il est un être de relation". Et un
chrétien français pourrait préciser : Ce n'est pas le “cogito“ de
l'homme qui peut penser toute la réalité. C'est l’erreur de Descartes avec
son : “Je pense, donc je suis“, faisant
ainsi découler l’être de la pensée ! Ce qui est invraisemblable !
Non, "l’homme, disait le pape, a besoin d'écoute, de l'écoute de l'autre, et
surtout de l'écoute de l'Autre avec une majuscule, de Dieu ! Ce
n'est qu'ainsi qu'il se connaît, qu'il devient lui-même !".
St Luc, ajoutait-il,
présente la Vierge Marie "comme une
femme de cœur à l'écoute, qui est immergée dans la Parole de Dieu, qui écoute
la Parole, la médite ("sumballein" en grec : qui s’entretient avec cette Parole), la conserve et la garde dans son cœur
!". Les Pères de l'Eglise disaient qu'au moment de la
conception du Verbe éternel dans le sein de la Vierge Marie, l'Esprit Saint est
entré en Marie par l'oreille !
Et il en était ainsi du Christ lui-même qui pouvait
parfaitement s'approprier les versets du psaume 40ème : "Tu ne voulais ni
sacrifice ni oblation, tu m'as ouvert l'oreille ; tu n'exigeais ni holocauste
ni victime, alors j'ai dit : Voici, je viens. Au rouleau du livre il m'est
prescrit de faire tes volontés ; mon Dieu, j'ai voulu ta loi au profond de mes
entrailles". Ainsi, au terme de la lignée des grands prophètes, le Christ
lui-même est le grand "Ecoutant", celui qui a l'oreille ouverte. Cependant
l'auteur de l'épître aux Hébreux (Héb. 6,5) à
la suite d'ailleurs de la tradition des Septante, se permet une modification en
transcrivant non pas : “Tu ne voulais ni sacrifice ni oblation ; tu m’as ouvert
l’oreille“, mais : “Tu ne voulais
ni sacrifice ni oblation ; mais tu m’as façonné un corps !“. L'image de l'ouverture de l'oreille, si
expressive pour un sémite dans la tradition prophétique, a disparu. Cependant
l'idée principale d'écouter au sens dominant d'obéir (ob-audire) est bien
gardée : "Alors j'ai dit : Voici je
viens ...pour faire, ô Dieu, ta volonté".
Et
il est bon, d'ailleurs, de remarquer que St Paul qui était de formation sémitique n'a
pas manqué de nous montrer que le Christ a su écouter, au sens d'obéir, et cela
d'une façon parfaite. Quand il oppose Adam au Christ il met en contraste l'action
de "mal entendre" du premier ("marakoè"), sa désobéissance,
avec l'obéissance du second, du Christ ("upakoè"), ces deux mots ayant
même racine que celle du verbe écouter ("akouô") (Cf.Rom. 5, 19).
Ainsi
on peut dire que le Christ s'est fait "upèkoos",
littéralement "celui qui prête
l'oreille", c'est-à-dire "obéissant" jusqu'à la mort de la
croix (Phil., 2,8). En reprenant les
images de la tradition prophétique ou sapientielle, on peut donc dire que le
Christ a eu l'oreille toujours ouverte, qu'il restait en contact permanent avec
son Père, et ceci dans un sens de "sagesse" pratique qui l'a conduit
jusqu'à la folie de la croix. Car "ce qui est folie de Dieu est plus sage
que les hommes", dira St Paul (Cf. I Cor.
1,25).
Et
l'on peut dire encore que c'est parce que Marie a écouté la Parole de Dieu que cette
Parole, le Verbe de Dieu, a pu prendre chair en elle-même. Aussi le pape Benoît
XVI d'affirmer que l'Esprit-Saint en Marie "a
conçu la Parole éternelle dans l'écoute ; c'est dans
cette attitude d'écoute de Marie qu'il a donné chair à la Parole éternelle de
Dieu, au Verbe de Dieu. L'Esprit-Saint nous dit ainsi ce que c'est que d'avoir
un cœur à l'écoute !".
C'est
dire combien, à la suite du Christ lui-même, à la suite de Marie, il nous faut
nous-mêmes nous appliquer à écouter !
"Ecoute, o mon peuple, que je
parle" (Ps 5O/7). Et sachons
écouter "avec un cœur noble et
généreux" selon la belle expression de St Luc (Lc 8/15) ce que Dieu nous révèle de son amour.
En
conséquence, la prière chrétienne doit être une prière où l'homme n'a pas
l'initiative, mais Dieu ! La prière chrétienne n'est pas une prière où c'est
l'homme qui cherche peu à peu, en tâtonnant dans les ténèbres, qui cherche à démasquer
un Dieu qui semble muet ; non, la prière chrétienne est une prière où c'est Dieu qui
cherche l'homme et où celui-ci n'a qu'à se livrer à l'appel entendu en
écoutant de mieux en mieux. "A
mon avis, disait Ste Thérèse d'Avila, l'oraison
est un commerce intime d'amitié où l'on s'entretient souvent seul à seul avec
ce Dieu dont on se sait aimé. Dans cette conversation intime, Dieu est le
premier à parler. C'est pourquoi il faut d'abord savoir écouter !".
Sachons redire souvent comme St Augustin : "Par
tes miséricordes, Seigneur, dis-moi ce que tu es pour moi ... Seigneur, voici
les oreilles de mon cœur devant toi ; ouvre-les, et dis à mon âme : "Moi
je suis ton salut" (Cf. ps 35/3). Je veux courir après cette voix
et te saisir !". (Conf.5,1)
J'ajouterai encore que le pape Benoît XVI soulignait
également qu’une véritable “écoute“ ne peut faire abstraction de la dimension
communautaire : "Dans notre
“moi“ isolé, nous ne pouvons réellement écouter la Parole : c'est
seulement dans le “nous“ de l'Eglise, dans le “nous“ de la communion des
saints", disait-il !
Je
rappellerai, pour terminer, cette remarque humoristique du Cardinal Saliège adressée
naguère à Jean Guitton : "Vous
avez deux oreilles, l'une pour écouter ce qu'on vous dit, l'autre pour écouter
ce que l'on ne vous dit pas !". C’était sans doute l’impression que donnait le Pape Jean-Paul II dont André Frossard disait : "Il
écoute si bien que l'on a l'impression de lui dire des choses
intéressantes".
Alors, je le pense très fort :
“Quand
les choses ont pris le temps d'exister,
quand
les premiers cheveux gris se laissent dépister,
quand
l'école est un souvenir lointain perdu dans la conscience,
alors,
on a suffisamment d'expérience pour savoir
que
l'écoute est plus nécessaire que le
conseil
et
plus difficile que la parole“.
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