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T.O. Vendredi 12/B - (II Jn 4-9)
St Jérôme, dans son commentaire de la lettre aux
Galates, écrit : « St Jean l’évangéliste
vécut à Ephèse jusqu’à un âge avancé. A peine ses disciples pouvait-il le
porter à l’église ; et lui ne pouvait prendre longuement la parole. Aussi, à
chaque réunion, avait-il l’habitude de ne rien dire d’autre que ceci : “Mes enfants,
aimez-vous les uns les autres !“. A la fin, ses disciples, fatigués
d’entendre toujours le même discours (les vieux, ça “radote“ toujours, c’est
bien connu !), finirent par lui dire : “Maître, pourquoi
nous dis-tu toujours la même chose ?“. Il répondit : “Parce que c’est le
commandement du Seigneur. Ne ferait-on que l’accomplir, ce serait
suffisant !“ ». Oui, St Jean “radotait“, mais il “radotait“ le
secret du monde !
En rappelant sans cesse ce commandement du Seigneur,
l'apôtre, dans ses lettres - nous avons entendu un passage de sa seconde lettre
- présente comme une synthèse de la vie chrétienne authentique : vie de
communion avec Dieu et, de ce fait, vie de communion avec ses frères !
Pour St Jean, la foi implique la charité. Il l’a expressément dit dans sa
première lettre : “Tout homme qui croit
que Jésus est le Christ, celui-là est vraiment né de Dieu. Et celui qui aime le
Père qui engendre (de qui nous sommes nés) aime aussi
celui qui est né de Dieu !“, son frère, ses frères ! Il doit
y avoir une unité étroite en nos vies entre la dimension verticale de l’amour -
aimer Dieu-Père - et la dimension horizontale - aimer ses frères parce que
aimés de Dieu - ! Le chrétien aime ses frères de façon philanthropique
sans doute, mais surtout parce qu’ils sont regardés, par l’œil de la foi, comme
“enfants aimés de Dieu“. Son amour s’enracine dans cette foi ! La foi et
l’amour sont inséparables dans le cœur du chrétien ! Il est bon de
s’en souvenir en cette “année de la foi“ ! Sans la charité, la foi ne peut
être profonde, puisque “Dieu est Amour“ !
Aussi l’apôtre, dans sa 2ème lettre, veut, brièvement
et avant tout, rappeler ce commandement de l’amour, commandement qui n’est pas
nouveau puisque commandement que nous avons reçu “dès le commencement“, que nous avons reçu du Christ, Dieu “venu dans la chair“ pour nous
manifester l’amour de Dieu-Père à l’égard des hommes !
Cette seconde lettre de St Jean est adressée à une Communauté
d’Asie où la foi des chrétiens est mise en danger par la présence de séducteurs
qui rejettent l’Incarnation du Fils de Dieu “venu
dans la chair“ pour manifester l’amour de Dieu. Ils sont, dit St Jean, des
“imposteurs“, des “Anti-Christs“ déformant la doctrine du Seigneur. Il n’y
a qu’un commandement - nous aimer les uns les autres - qu’il nous faut
vivre dans la lumière de sa révélation venue du Père par son Fils et que leur
Esprit commun - l’Esprit d’amour - entretient dans l’Eglise “depuis le commencement“.
L’actualité de ce message pour notre temps et pour
tous les temps est évidente. Aujourd’hui comme en d’autres époques, la foi est
en crise (en
Occident du moins).
On en cherche les raisons, les causes ; on recherche des solutions. Ce fut
l’objet du remarquable “Synode des évêques“, à Rome. Et je pense que les
évêques, entourant le pape Benoît XVI, nous ont redit de diverses façons la
simple demande de St Jean : demeurer fermes dans la doctrine de Jésus, c’est-à-dire
être par toute notre vie d’amour les témoins de notre foi en
Dieu-Amour ! Aussi St Jean avait-il raison de “radoter“ : “Mes enfants, aimez-vous les uns les
autres !“ - "Celui qui dit : « j'aime Dieu et qui n'aime pas son frère »,
est un menteur". Il faut sans cesse
s’en convaincre : “Rien ne rend Dieu
proche comme le prochain ! Pour qui voit Dieu lointain, le prochain ne
sera jamais bien proche. Pour qui ne voit pas le prochain bien proche, Dieu
restera toujours lointain !“ (Mgr Vl. Ghika)
En cette année tout particulièrement, sachons
renouveler notre foi qui englobe, certes, une connaissance à toujours
approfondir - “fides quaerens
intellectum“, disait St Anselme : la foi cherche à comprendre. C’est
légitime et nécessaire ! -. Mais la foi est bien davantage une véritable
rencontre avec Dieu en Jésus Christ, rencontre qui provoque un grand amour pour
Lui, pour Dieu-Amour, une immense confiance en Lui, de sorte que toute notre
vie en est transfigurée, surtout en nos rapports avec nos frères !
La foi n’est pas tant la détention de certitudes, la
possession de vérités, voire de la Vérité qu’une profonde union avec Jésus,
lui-même “Voie, Vérité, Vie“, avec
Jésus qui a donné sa vie par amour pour “la
multitude des hommes“, afin de les faire entrer, déjà ici-bas et
éternellement, en la Vie même de Dieu-Amour, Père, Fils, Esprit-Saint !
La foi consiste à s’en remettre à cet Amour de Dieu
qui ne diminue pas devant la méchanceté des hommes, devant le mal et la mort elle-même, mais qui,
avec le Christ, est capable de “transfigurer“ toutes formes de “servitude“ en
un “service“ d’amour [Il y a le même jeu de mots en hébreu à propos de
l’exode qui fut un passage de la servitude (avdout) d’esclavage au service (avoda) libre pour Dieu]… La foi est capable de tout
“transfigurer“ et d’apporter le salut pour tout homme. Ce fut, me semble-t-il,
l’un des messages du pape Benoît XVI lors de sa visite pastorale au Liban,
message d’amour pour tous les hommes, pour tous les hommes en ces régions si
tragiquement divisées. Je me permets de rappeler ce message d’amour et de foi
en présence des membres de l’Ordre du Saint Sépulcre dont la mission est une
mission de charité, d’entente, de paix pour tous les hommes vivant en “Terre
Sainte“ !
Certes - et je le sais bien - notre foi peut se poser
légitimement moult questions. Mais “mille
questions ne font pas obligatoirement un doute“, disait le Cal Newman. Face
au mal qui peut embuer parfois l’œil de notre foi, sachons vivre non pas de la
“crainte de Dieu“ - une mauvaise traduction du terme biblique -, mais, vaut-il
mieux traduire, d’un “frémissement
d’Elohim“, d’un frémissement de la présence de Dieu-Amour. Alors on s’écrit
comme Jacob : “Dieu était là ;
et je ne savais pas !“. Dieu était là en tel moment de ma vie ;
je ne le savais pas. Mais désormais, je m’en rends compte et j’en vis !
Peut-être, sommes-nous, les uns et les autres, de ces chrétiens qui prennent
conscience de leur foi un quart d’heure par semaine, mais qui, le reste du
temps, se raccrochent à ce quart d’heure, tant la foi n’est pas seulement une
connaissance, mais bien plutôt une perte de connaissance dans un abime… l’abime de
Dieu-Amour !
Aussi, St Jean avait raison : “Mes enfants, aimez-vous les uns les
autres !“. Il radotait ! Mais il radotait le secret de
Dieu !
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