33 T.O. Lundi 12/B -
(Apoc 1.1sv.)
Pour
beaucoup, le
style “apocalypse“ paraît étrange, déconcertant ! Pourtant, le mot
“apocalypse“ (“apocaluptein“) signifie :
“lever un coin du voile“ !
Et
pour “lever le voile“, il faut faire “jouer“ sa mémoire : on interroge le
passé pour mieux discerner l’avenir. “Sans mémoire, il n’y a pas d’avenir“,
disait Elie Wiesel. Et Dom Guéranger affirmait que seuls ceux qui regardent le
passé sont capables d’envisager l’avenir !
Encore
faut-il bien mener ce “jeu“ de la mémoire ! Comme dans tout “jeu“, il y a
des règles !
-
Les religions dites “naturelles“ ont en général une mémoire “cyclique“, comme
la terre qui sans cesse tourne autour du soleil : “ce qui a été, c’est ce qui sera. Ce qui s’est fait se fera ! Rien
de nouveau sous le soleil !“, disait le pessimiste Ecclésiaste (Qo. 1.9). En cette
dialectique, on interroge le passé pour prévoir un avenir identique, puisque
tout tourne en rond !
-
D’autres religions ou théories encore actuelles entretiennent des nostalgies
pour un passé révolu, un “âge d’or“ en quelque sorte. Le temps est alors
regardé comme un facteur de dévaluation qui doit aboutir à un anéantissement…
En regardant le passé, on affirme que tout va vers sa perte ! Et l’on va
en s’indignant : “Où va notre terre ?“. – Savez-vous que certains
prédisent la fin du monde au 21 décembre prochain… !
-
Dans la Bible, il y a toujours comme un “progrès“ qui se manifeste tout au long
de l’histoire qui se déroule. Pour autant, il ne faudrait pas trop simplifier avec
certaines théories sur le temps de l’histoire en lequel, si je puis
dire : « Grand “T“ égale petit “t“ plus 1 ». C’est un peu plus
compliqué que cela !
+
Certes, on constate, en regardant le passé, qu’il y a un “progrès“ du “Bien“, qui englobe le “bien matériel“ même si nos
sociétés de consommation en abuse !
+
Mais, on constate encore, et malheureusement, qu’il y a aussi un “progrès“, une progression dans
le “Mal“ !
+
Et, comme dans la parabole de l’ivraie, le “Bien“ et le “Mal“ croissent en même
temps de sorte que, souvent, si l’on veut arracher l’ivraie - le mal -, ce n’est
pas sans dommage pour le bon grain - le bien - ! On pourrait trouver de
récents exemples historiques, surtout au Moyen-Orient !
+
Aussi, faut-il attendre ! - Et c’est là que le style apocalyptique a toute
sa place ! - !l faut attendre et atteindre aussi le “temps du
discernement“, à l’aide, comme on l’a dit, des “signes du temps“ qui surgissent
du passé pour mieux orienter l’avenir. Savoir discerner dans le temps du
vieillissement, de la dégénérescence, le temps d’une naissance, d’une
re-naissance.
Dans
la rhétorique apocalyptique, nous ne vivons pas dans un temps donné, mais dans
plusieurs temps à la fois, dans un “mélange de temps“ : temps du Bien et temps du
Mal, temps de discernement en vue d’un temps de plénitude… ! Aussi, St
Pierre avait raison d’affirmer : “Il
y a une chose que vous ne devez pas oublier : pour le Seigneur un seul
jour est comme mille ans ; et mille ans comme un seul jour“ (2 Pet 3.8). Aussi en
conclut-il que le Seigneur n’a pas de retard à notre égard comme certains
l’affirment… Il est toujours là en son jour millénaire, son jour éternel !
Il veut simplement faire preuve de patience envers nous en vue de notre totale
conversion ! (Cf.
2 Pet 2.9).
Ainsi
donc, en ce “mélange des temps“ qui peut parfois obscurcir notre vision, il y a
toujours une force d’avenir. “C’est
pourquoi, dit St Paul, nous ne
perdons pas courage. Et même si en nous, l’homme extérieur va vers sa ruine,
l’homme intérieur se renouvelle de jour en jour“. Car “notre objectif n’est pas ce qui se voit, mais ce qui ne se voit pas.
Ce qui se voit est provisoire ; ce qui ne se voit pas est éternel“ (2 Co. 4.16).
C’est
dans cette perspective que le langage apocalyptique trouve toute sa
place ! ll y a le “temps du Bien“ ; et il y a le “temps du Mal“. Et
il y a encore le “temps du discernement“
qui nous fait percevoir le “temps final“ de la plénitude“. Et tous ces “temps“
se combinent s’intègrent, se conjuguent dans une sorte de musique “Apocalypse
now“. Peut-être, finalement, il n’y a que la musique, une symphonie, qui soit
capable de véhiculer la richesse d’une telle complexité. Et dans une telle
œuvre musicale, ce sera toujours l’optimisme qui sera l’accord final !
Je
ne voudrais pas m’attarder. Ces quelques réflexions ne sont qu’une invitation à
lire l’Apocalypse écrit pas St Jean dont le “regard d’aigle“ pénètre tous les
temps.
J’ajouterai
cependant que ces considérations sur “le temps“ et “les temps“ ne résultent pas
d’une élucubration intellectuelle, d’une vision mystique, d’un heureux
songe ! Non ! Elles s’inscrivent dans le réalisme d’un vécu, le
réalisme d’une histoire, celle du peuple de Dieu, ce réalisme que sait
discerner le “jeu“ de la mémoire.
-
Ce peuple est né alors qu’il était voué à une “servitude“(avdout“ en hébreu) mortelle. Et
soudainement, il passe à une situation de “service“ (avoda) de Dieu !
-
A tous moments de son histoire, il courrait, par sa faute souvent, vers sa
perte. Mais Dieu, toujours, aux moments des pires malheurs, le délivrait !
Tous les psaumes sont une action de grâce à Dieu, “au Dieu de
délivrance“ !
-
A l’heure où le peuple allait totalement disparaître dans l’exil babylonien, voilà
qu’Ezéchiel le voit renaître de ses propres ossements. Et cela arrive…
-
Et on pourrait multiplier les exemples pour affirmer et crier que dans les
pires malheurs et calamités, notre Dieu est un “Dieu de délivrance“. Il a moult fois délivré son peuple dans le
passé ; il le fera encore pour notre bonheur ! Il faut vivre de ce
“temps de Dieu“ !
Et
en vivant ces temps “apocalyptiques“ qui
s’intègrent, se conjuguent, s’entremêlent…, on apprend surtout que s’il y a
l’optimisme comme accord final de cette “musique des temps“, il ne faut pas se
faire d’illusions. Le disciple n’est pas plus grand que son Maître, le Fils de
Dieu venu “dans le temps“ ! On sait, en regardant le passé, en contemplant
la vie de Jésus, que l’Eglise rejoint son Seigneur en passant par où il est
passé.
Si
la vie de Jésus fut un conflit entre la Lumière et les Ténèbres…, et si sa
Résurrection vient sur le fond d’un Vendredi-Saint où les Ténèbres recouvrent
la terre, … et que Dieu semble laisser faire, … et que les hommes ont laissé
faire les Ténèbres…, nous sommes certains cependant que cette situation va vers
la victoire de la Vie !
Aussi
sommes-nous invités à une vertu fondamentale dans le Christianisme : non
pas la résignation - ce qui est abominable -, mais la “patience“, l’“upomônè“ .
C’est la vertu principale du chrétien, selon l’Apocalypse. Elle donne la
faculté de “tenir le coup“, dans la lucidité, jusqu’à ce que le “jour pascal“
se lève et que Dieu - notre “Dieu de délivrance“ -, sortant de son silence
apparent, nous arrache à tous nos ténèbres… !
Cette
vertu de la “patience“ s’entretient en scrutant, grâce aux Ecritures, le passé
en lequel Dieu s’est manifesté pour mieux discerner la permanence du jour
glorieux du Seigneur.
C’est
l’exemple que nous donne St Pierre. Il se souvenait bien, lui, de la
manifestation glorieuse du Christ au jour de la Transfiguration. Il avait
vu ; il avait entendu. Dès lors et toujours, il fixait son regard vers cet
événement “comme sur une lampe brillant
dans un lieu obscur jusqu’à ce que luise le jour et que l’étoile du main se
lève (en son cœur) en nos cœurs“ (2 Pet 1.19).
Et
dites-moi : chacun d’entre nous n’a-t-il pas fait, un jour ou l’autre,
l’expérience d’une lumière de Transfiguration qui fait “espérer contre toute espérance“ ? (Rm 4.18).
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire