dimanche 17 juillet 2016

Hospitalité !

Avant la célébration de l'Eucharistie :

Au seuil de cette Eucharistie, avec tous nos frères chrétiens, avec tous nos compatriotes, nous pensons aux victimes du 14 juillet à Nice, aux blessés de cet affreux attentat, aux membres de leurs familles, à leurs amis....
Nous prions pour eux tous.
Inutile, en cette horrible circonstance et à notre niveau, de surenchérir à des suspicions, accusations rapides, à des sentiments de colère, de haine...
Il nous suffit, par notre prière, de manifester notre pleine solidarité en Dieu, notre pleine solidarité humaine, fraternelle.

Et en recevant sur nous l'eau que je vais bénir et qui rappelle celle de notre baptême, reconnaissons simplement que devant Dieu, devant nos frères, nous manquons parfois à une meilleur communion entre nous.

16ème Dim. Ord. 16/C    

Le soleil était haut dans le ciel ! Il tapait dur. Non loin de Sodome et Gomorrhe, sous un chêne de Mambré, Abraham, le nomade, est assis !

Je m'en souviens très bien : j'ai pratiquement vu, naguère, cette scène lors d’un pèlerinage en Terre Sainte. Nous étions près de Beersheba, dans le désert. Notre pique-nique était terminé lorsqu'un homme - un palestinien certainement - est venu, à une centaine de mètres de notre groupe, est venu s'asseoir, jambes croisées, sous un arbre. Ce n'était pas un chêne, mais un tamaris ; peu importe ! Et là, les yeux clos, le buste droit, il s'était abstrait de son environnement, de notre entourage ! Il méditait ! "C'était l'heure la plus chaude du jour !". Dans mon souvenir, je l'appelle Abraham. Lui aussi devait méditer ainsi, à l’heure du repos, à l’heure du calme ! Dans le désert !

Peut-être, Abraham, était-il habité par ce grand souci : il avançait en âge ; et toujours pas d'héritier légitime. Pourtant, il croit en Dieu qui l'a fait sortir d'Our en Chaldée et qui lui a promis une nombreuse descendance. Mais la promesse ne se réalise pas !

Soudain, ouvrant les yeux, Abraham aperçoit trois hommes qui approchent sous le soleil. Il court à leur rencontre. C'est l'accueil, un accueil empressé et même fastueux, un tel accueil que le récit de la Bible en fait un "acte-modèle" qui fera loi dans le peuple d'Israël, qui doit faire loi, aussi, chez nous, chrétiens !

Mais, sachons-le, l'hospitalité est une vertu très exigeante !

1) D'abord elle doit accepter l'inattendu, le dérangement ! Abraham était assis bien tranquillement à l'entrée de sa tente, au plus chaud du jour, au moment de la sieste. C'est à ce moment-là qu'on le dérange. Il n'hésite pas. il accueille ! C'est facile d'inviter quand on fixe le jour et l'heure. C'est beaucoup plus difficile d'accueillir au moment inattendu.

2) Et puis, l'hospitalité est empressée, généreuse. Abraham, à cette heure de midi, de repos, met toute sa maison debout, active tous ses gens pour la préparation d'un somptueux repas ! ...

3) Surtout, l'hospitalité doit venir du cœur. Il est dit dans la Bible : "Vous aimerez l'étranger !" - "Vous aimerez l'étranger, car vous-mêmes, vous avez été étrangers, dans le pays d’Egypte" (Deut 10/18).
Et cet "amour" envers l'étranger s'accompagne de mille délicatesses : eau versée sur les pieds, huile parfumée versée sur la tête, baiser de paix..., gestes que Simon le pharisien n'a pas faits - nous l'avons vu dans un évangile récent ! - et auxquels la femme pécheresse supplée avec humilité et amour !

4) Enfin, l'hospitalité invite à la table, c'est à dire elle accueille l'hôte comme une personne respectée et digne d'amitié. La table signifie le partage du pain et des pensées. Le pain du corps et le dialogue du cœur donnés en partage. L'hospitalité va jusque là !

Oui, l'hospitalité est une grande vertu ! Et, en temps de vacances, il est bon de s’en souvenir ! C'est ainsi que l'on peut faire la rencontre de Dieu lui-même ! D’ailleurs, Jésus nous a dit : “j'ai eu faim, j'étais nu, prisonnier..., et vous m'avez donné à manger, m'avez vêtu, visité...”.

Et le texte même de la Genèse signifie ce mystère de l’accueil, par l’homme, d'un Dieu qui se fait de plus en plus proche de nous !
Ainsi, dans les trois hommes qui apparaissent à Abraham et que celui-ci interpelle curieusement au singulier ("Seigneur", leur dit-il à tous les trois !), la tradition chrétienne, dont l’icône de Roublev en est le plus bel exemple, s'est plu à reconnaître une annonce du mystère de la Trinité. Dieu vient rallumer dans la conscience d'Abraham quelque peu découragé, la certitude de la proximité divine, de sa présence active au milieu des hommes. Il est déjà perçu dans le mystère de son Unité et dans la richesse de sa Trinité !

Aussi, la lettre aux Hébreux, développant une catéchèse inspirée de ce texte de la Genèse, fera cette recommandation : "Persévérez dans l'amour fraternel ! N'oubliez pas l'hospitalité ; car c'est grâce à elle que quelques uns, à leur insu, hébergèrent des anges", c'est à dire, dans le langage biblique, Dieu lui-même !

Et si nous rapprochons ces textes de l'évangile d'aujourd'hui, nous constatons que les deux sœurs, Marthe et Marie, si différentes pourtant l'une de l'autre, mais parce que l'une et l'autres hospitalières, ont ouvert leur maison à un hôte de passage. Or, cet hôte de passage est le "Seigneur", dit le texte.
N'oubliez donc pas l'hospitalité, pourrait-on dire encore aux chrétiens d'aujourd'hui ; c'est grâce à elle que certains, telles les deux sœurs Marthe et Marie, hébergèrent le Seigneur !

Mais accueillir le Christ dans sa vie, c'est - et voilà pourquoi l'hospitalité est si difficile -, c'est, nous dit St Paul, à la fois terrible et sublime.
- terrible parce que c'est introduire chez soi un crucifié, et un crucifié qui entend rester "en agonie jusqu'à la fin du monde", comme disait Pascal !
- sublime, car - et c'est la découverte de Paul -, car, disait-il, "je trouve maintenant ma joie dans les souffrances que j'endure" - Pourquoi ? "Parce que - moi qui fait partie du Corps du Christ, mort et ressuscité - j'achève en mon propre corps ce qui manque à la Passion du Christ", (pour la rédemption - actuelle - de tous les hommes !) pour la rédemption actuelle - des membres de ce Corps du Christ (et du mien d'abord !). N'est-ce pas exaltant de savoir, comme dit encore St Paul, que "nous portons dans notre corps l'agonie de Jésus afin que la vie de Jésus soit, elle aussi, manifestée dans notre corps... Aussi, ajoute-t-il, la mort est à l’œuvre en nous, mais la vie en vous !" (2 Cor 4/10).

Oui, accueillir le Christ sera toujours l'accueillir dans son mystère pascal de "mort et de vie" ; ce sera toujours "achever l'annonce de la Parole de Dieu afin de rendre chacun parfait dans le Christ".
Alors, "n'oubliez donc pas l'hospitalité! !". Et St Paul ramasse dans une formule extraordinaire la théologie de l'évangélisation : "Le Christ est au milieu de vous l'espérance de la gloire". Paul est celui qui contemple, détecte, révèle, développe la présence du Christ toujours mourant et ressuscitant au cœur du monde et des hommes.
Alors, n'oubliez donc pas l'hospitalité ! Oui, pratiquez l'hospitalité comme Marthe et Marie. Pour ne pas être trop long, je vous laisserais méditer cette page merveilleuse de l'évangile.

A propos de "l'Unique nécessaire", on a beaucoup parlé d'activité et de contemplation, quelquefois en les séparant, voire en les opposant.
En réalité, c'est Jésus seul qui est au centre de cette scène d'hospitalité. C’est lui qui unit les deux sœurs, Marthe et Marie. Et à toutes les deux, il dit : "une seule chose est nécessaire". Un humoriste a traduit : "un seul plat est nécessaire" : l'écoute de la Parole de Dieu. Autrement dit, toute l'activité chrétienne doit provenir de l'écoute du Seigneur. La part de Marthe - l'activité de service - doit s'inspirer de ce "nécessaire", de cette écoute de Dieu qui seule rend le service valable. Le meilleur dans notre activité de chrétien est la part d’écoute du Seigneur, d'intimité avec le Christ qui doit rejaillir ensuite sur nos paroles et sur nos mains !


Vous le savez, St Luc est dénommé : l'évangéliste de la femme. Et, comme modèle d'hospitalité envers le Seigneur, il a choisi deux femmes ! Veut-il nous dire que Jésus désire que la femme soit, par son accueil, par son hospitalité (la maternité n'est-elle pas l'hospitalité par excellence ?), comme un pivot d'équilibre spirituel dans la famille, dans la société, comme une source d'équilibre matériel et spirituel ? Je laisse à d'autres - les femmes - le soin de répondre à cette interrogation !

En tous les cas, "n'oubliez pas l'hospitalité. Car c'est grâce à elle que quelques-uns, à leur insu, hébergèrent Dieu lui-même" !

Et aujourd'hui particulièrement, accueillons en notre prières toutes les victimes innocentes de par le monde. Elles rappellent la mort innocente du Christ. Mais cette mort fut cause de vie. Restons dans cette espérance !

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