15e
Dim. Ord. 16/C
Les trois lectures d’aujourd’hui me
paraissent singulièrement riches de sens et cohérentes. Et cependant on
pourrait dire qu'elles sont bien inactuelles et à contre-courant des réalités
quotidiennes.
- La première fait l'éloge de la Loi !
Or, nous sommes plus enclins à réclamer la liberté qu'à obéir à une loi.
- L'Evangile donne l'étranger comme type du
prochain qui aime et qu'il faut aimer. Or, en certains lieux surtout, les
étrangers sont redoutés, méprisés, tenus à l'écart.
- Quant à St Paul, il rappelle la
souveraineté et la divinité - royale et “cosmique” - du Christ, à une époque où
beaucoup ne voient en lui qu'un doux rêveur utopiste, ou un modèle de militant
révolutionnaire.
Et pourtant ces trois textes nous font
toucher, me semble-t-il, ce qui est au cœur de notre foi.
"Ecoute
la voix du Seigneur ton Dieu !". La voix ! La Loi !
Oui, Moïse fait d'abord l'éloge de la Loi
de Dieu.
Et pour lui, cette Loi n'est pas quelque
chose d'extérieur à nous, qui viendrait comme nous écraser, nous opprimer. Non,
elle est une Parole que Dieu adresse à ceux qu'il aime !
Aussi, est-il dit à chaque page de la Bible
: "Shema Israël ! Ecoute !, Israël
!". Ecoute cette Parole divine qui t'est personnellement adressée. St
Benoît ne dit pas autre chose, lui qui commence sa Règle par ces simples mots :
"Ausculta, o Fili !" Ecoute,
mon fils !".
C'est le premier sens qui s'éveille dans
l'embryon humain, disent les médecins. C'est la première disposition qui est
demandé à l'homme créé à l'image de Dieu.
Dans la Bible, le contraire d'écouter,
c'est avoir une "nuque raide",
c'est-à-dire, se raidir orgueilleusement pour ne plus écouter, pour ne plus
voir. C'est la surdité et l'aveuglement de l'orgueilleux qui ne veut considérer
que lui-même, et face à Dieu et face à ses semblables !
Oui, sans cesse, Dieu lance sa Parole ! "Au commencement était le Verbe !",
dit St Jean. En tout commencement ! Au commencement de notre "aujourd'hui"
! "Aujourd'hui, écouterez-vous ma
Parole ?", dit le psaume 94ème qui commence l'office divin.
"Ne fermez pas votre cœur !".
Ecouter la Parole de Dieu ! Et cette Parole
provoque en ceux qui écoutent et élan intérieur qui nous fait désirer Dieu, qui
les pousse à le chercher, parfois dans la lumière, parfois dans l'obscurité, en
tâtonnant souvent...!
Mais si l'on est fidèle à cette recherche, en
écoutant sans cesse, sinon dans la joie du moins dans la paix, cette Loi, cette
Parole, est-il dit, “n'est pas au-dessus de
tes forces, ni hors de ton atteinte. Elle n'est pas dans les cieux, elle n'est
pas au-delà des mers... Elle est tout près de toi, elle est la Parole de Dieu en
ton cœur", en ce qu'il y a de meilleur en toi... !
Et cette Parole, cette Loi, cet appel, que
disent-ils ? L'évangile du "Bon Samaritain" nous a répondu : sois
l'ami et le serviteur de tous comme le Samaritain et comme le Christ lui-même
l'ont été. C'est l'affirmation centrale de l'Evangile, mille fois répétée mais
jamais épuisée : non seulement nous devons aimer, mais nous pouvons aimer
puisque la Parole, la Loi est en nous. Et cette Parole divine, cette Loi
divine est Parole d'amour, Loi d'amour...
en nous ! Nous sommes destinés à aimer ; nous ne sommes pas livrés au
mal, à l'erreur, au hasard ou à la nécessité... !
Voilà ce que le Christ proclame : malgré
les catastrophes, les tremblements de terre, les misères, les guerres, les
haines, les racismes, toutes les sottises et toutes les bassesses humaines, ce
qui est voulu par Dieu, ce qui vient de Dieu c'est l'amour, le service
fraternel, l'entraide, la solidarité, la bonté, le pardon, la paix... et cela
même a contre-courant des sensibilités et des idées reçues. La Loi de Dieu n'est
pas l'absolu d'une justice distributive. La Loi de Dieu est Parole d'amour !
On nous objecte parfois que nos efforts
pour accueillir cette Loi d'amour ne sont qu'une goutte d'eau dans les
effrayantes marées répétitives du monde ! Mais qu'importe ! Nous chrétiens,
nous ne pouvons être que d'incorrigibles optimistes, sinon cela voudrait dire
que la Loi de Dieu ne serait pas dans nos cœurs, que la Parole de Dieu ne
serait pas tout près de nous pour nous solliciter sans cesse et nous redire
qu'il y a un dessein de Dieu, un plan de Dieu, un "rêve" de Dieu sur
chacun de nous et sur le monde. Et que c'est un rêve d'amour, un plan
d'unité fraternelle de tous les hommes.
"Tout
vient du Christ !".
Et ce rêve, ce plan de Dieu, St Paul nous
le montre à sa source dans le Christ. Tout ce qu'il y a de beau et de bon dans
le monde vient de Dieu par le Christ. Tout marche vers Dieu, avec
le Christ. Ces paroles de St Paul sont un hymne, un cri d'admiration, un
chant de joie : “Le Christ est l'image du
Dieu invisible Le premier-né de toute créature. Tout a été créé par lui et pour
lui !”.
Dans notre monde souvent nous ne savons
plus admirer. Nous n'osons plus parler de joie. Et pourtant ce que nous aurions
de meilleur à partager, ne serait-ce pas de la joie ? St Paul nous invite à
retrouver l'admiration et la joie en regardant le Christ dans sa plénitude.
"Il
est l'image du Dieu invisible !".
C'est en regardant le Christ que nous
savons que Dieu est simple, que Dieu est bon, que Dieu est proche et amical.
Jésus est le premier-né de toute créature. Tout a été créé par lui et pour lui.
C'est en regardant le Christ que nous savons
que, nous aussi, nous avons été créés par lui et pour lui, voulus par
lui et pour lui : pour partager sa vie, son amour, sa joie. Quelle
certitude ! Je ne suis que ce que je suis, avec bien des travers et des
insuffisances ! Et cependant je suis un fils de Dieu, un frère du Christ,
aimé du Christ, pardonné par le Christ. A son image !
Et St Paul de continuer : il est la
tête du corps, c'est-à-dire de l'Eglise, du peuple des croyants, de tous
les hommes qui écoutent avec bonne volonté. Et, tête de ce corps
immense, il veut en lui tout réconcilier, faire la paix, faire l'unité
de tous ; car, en définitive, aimer c'est toujours pacifier et réunir.
Souvent nous nous demandons ce que sera l'Eglise demain, ce que la poignée de
chrétiens pourra être dans le monde. L'essentiel, c'est que, comme le Christ et
avec lui, nous soyons des levains de paix et d'unité.
Ce n'est pas au-dessus de tes forces
Oh ! Bien sûr ! Nous ne pouvons oublier que
le Christ, rassembleur des hommes, levain d'unité, source de l'amour, a voulu
tout réconcilier par le sang de sa croix. Il y a là une dimension
tragique dans le mystère chrétien qui nous rappelle le sérieux du don de soi en
écoutant la Parole de Dieu.
Mais cependant, nous le devinons : avec le
Christ pascal - le Christ mort et ressuscité -, le chemin est praticable,
même s’il est parfois rude. Déjà Moïse l'affirmait : “Cette Loi n'est pas au-dessus de tes forces, ni hors de ton atteinte”.
Et Jésus disait : “Moi je vous soulagerai
car mon joug est aisé et mon fardeau léger” (Mt 11,28) et : “Voici que je suis avec vous jusqu'à la fin
du monde”.
Le Christ est présent, il est vivant. Il faut en être
de plus en plus conscient quelle que soit notre vie, Il est présent
- dans la simplicité priante d'un
monastère,
- dans les soucis et les joies de la vie
familiale,
- dans les combats politiques, sociaux, ou
que sais-je encore...
- Il doit être présent encore même dans la
douceur du repos des vacances...
Le Christ est toujours là ! Et sa Loi est dans
notre cœur : “Aimez-vous les uns les
autres comme je vous ai aimés !”.
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