dimanche 24 juillet 2016

Demandez !

17e Dimanche du Temps ordinaire 16/C

Avez‑vous remarqué combien l'homme est souvent maladroit pour demander ? Il n'ose pas. Il ne veut pas gêner. Et c'est vrai parfois.
Mais il est vrai aussi qu'en demandant un service, une aide, et même un simple renseignement, c'est - plus ou moins consciemment - avouer un état de faiblesse, c'est parfois accepter de s'en remettre à un étranger, parce qu'il est plus riche, plus fort ou plus doué, plus savant.

Et personne n'aime être un mendiant. C'est même une mentalité très répandue que celle qui fait souvent dire : "Moi, je ne demande rien à personne ! On n'est pas des indigents. On a sa dignité. Que chacun reste chez soi et tout ira mieux". ­
La grande crainte des riches - pas ceux des biens matériels obligatoirement -, c'est non pas tellement d'être contraints à partager plus ou moins avec d'autres, mais de se sentir dépendants ! Ils sont prêts à donner, mais ils ont peur d'être obligés de recevoir. Cette mentalité de riche est plus répandue qu'on ne le croit. Elle est inscrite au cœur de l'homme, avec la signature de l'orgueil. Elle est de toutes les catégories sociales et de tous les âges.

Et voilà, justement, que Jésus nous apprend à demander.  -  C'est sans doute pour cette raison que, lorsque ses disciples le sollicitent : "Apprends‑nous à prier", il leur enseigne une prière de demande. Car il faut apprendre à demander et il faut savoir bien demander pour être un homme selon le Christ. Une fois de plus nous sommes saisis par le paradoxe de l'Evangile.
- Aux yeux du monde, pour être un homme il faut conquérir son indépendance, n'être assujetti à personne et régner en maître dans son petit univers. On appelle cette dignité, la liberté. Et cette liberté - selon le monde - ne supporte pas d'être aliénée à quiconque. Elle répugne à avoir à demander.
- Jésus au contraire fait l'éloge de la demande. Quand vous priez, dit‑il, demandez à Dieu qu'il vous donne son règne, le pain pour vivre, le pardon  des offenses, la force  face aux tentations.
Et il insiste avec la petite parabole de l'ami imprévu qui va réveiller son voisin pour lui demander du pain. La morale de son histoire, il la répète trois fois : demandez, vous obtiendrez ! Frappez, on vous ouvrira ! Cherchez, vous trouverez !

Ailleurs - en l'évangile selon St Jean - il le redit avec encore plus de force : "Tout ce que vous demanderez à mon Père en mon nom, il vous l'accordera" (Jn 14.13).
Et encore : "Jusqu'à maintenant vous n'avez rien demandé ; désormais demandez en mon nom et vous l'obtiendrez !" (Jn 16.24).

Une telle insistance de Jésus ne devrait pas nous laisser si indifférents à la prière de demande, elle devrait nous faire quitter notre méfiance quand il s'agit de demander.

L'exemple d'Abraham qui harcèle Dieu pour obtenir gain de cause montre comment se comporte un véritable homme de Dieu. Il n'hésite pas à se reconnaître dépendant de Dieu. Il sait ne rien pouvoir et que Dieu peut tout. Il connaît la personnalité de Dieu, qui est le seul Dieu et il n'y en a pas d'autres.
Et, malgré les apparences, Abraham va jusqu'à l'ultime limite de la prière de demande. Certains lui reprochent de s'être arrêté au nombre de "dix justes" pour sauver Sodome et Gomorrhe. Mais il faut savoir que pour un Juif, la véritable prière est la prière synagogale. Et pour fonder une synagogue, il faut être dix familles au minimum, être au moins dix pour louer Dieu et lui faire une prière de demande

Quoi qu'il en soit de cette caractéristique religieuse chez les Juifs, il nous est bon de souligner l'importance de la prière de demande en commun, de la prière ecclésiale. Notre Seigneur dira, lui : "Si deux d'entre vous sur la terre, se mettent d'accord pour demander quoi que ce soit, cela leur sera accordé par mon Père qui est aux cieux. Car, là où deux ou trois se trouvent réunis en mon nom, je suis au milieu d'eux !". (Mth 18.19-20).

Dieu désire que l'on s'adresse à lui. Car, il ne veut pas être considéré comme une fatalité imbécile qui a décidé les choses une fois pour toutes. Il veut au contraire construire le monde avec l'homme. Il veut réaliser la communion véritable, totale, celle qui ne peut se faire sans que les hommes la veuillent et la demandent.
Dieu attend de l'homme qu'il ne soit pas fier, qu'il ne s'imagine pas pouvoir tout prévoir et se suffire à lui-même.

De plus, Dieu lui-même s'est montré un exemple.  Dieu, en Jésus, s'est fait lui-même "demandeur". Lui qui n'a rien à demander à personne, nous enseigne, par l'exemple, ce que c'est que demander, et quelle grandeur il y a à s'en remettre à un autre.
- Enfant, Jésus était soumis à ses parents, nous dit St Luc (2,51).
- Adulte, il passe des nuits en prière ; il prie son Père pour ceux qu'il lui a confiés.
- Il vit comme un pauvre, dépendant de ceux qui le reçoivent, ne possédant lui-même ni feu ni lieu.
- A la fin de sa vie, exténué, Jésus demande à boire.
- Il supplie son Père de lui épargner les affres de l'agonie.
- Et à la fin, il exprime la plus belle et la plus noble prière de demande : "Père que ta volonté soit faite !"               
              
Voilà bien la vraie prière de demande faite à Dieu : tout ce que je demande, c'est de faire ta volonté, ce que tu demandes, toi qui sais mieux que moi ce qui me convient, toi qui es pour nous un Père infiniment plus prévenant que tous les pères de la terre.
Cette prière rappelle cette autre règle de vie : je ne suis pas venu pour être servi, mais pour servir.

Demander, c'est donc, en quelque sorte, donc le sommet de la prière, parce que c'est obligatoirement la prière d'un humble !            
- Demander à ses frères, c'est accepter d'avoir besoin d'eux, c'est reconnaître que sans eux, nous ne sommes rien, c'est travailler activement à bâtir une communion dans la solidarité. Et il faut prier notre frère de ne pas nous abandonner.
- Demander ce n'est pas pour autant s'écraser, car ce n'est pas une attitude d'esclave que le Seigneur nous demande. St Paul le soulignera souvent. Mais il nous demande simplement d'avoir réellement une attitude de fils. "Toi, mon enfant, tu es toujours avec moi, et tout ce qui est à moi est à toi" (Lc 15,31).
- Demander, ce n'est pas démissionner de sa liberté d'homme, c'est au contraire la conquérir, c'est chercher le Royaume et s'en remettre au Père qui sait ce dont nous avons besoin (Lc 12,30).
- Demander, c'est se tenir debout devant le Père et lui parler face à face, comme Abraham, comme Jésus ressuscité, car "Dieu nous a donné la vie avec le Christ", vient de nous dire St Paul (Col 2,13) et nous sommes déjà ressuscités avec le Christ !

Il ne faut pas hésiter à demander.
Nous, nous avons besoin les uns des autres !
Et surtout nous avons besoin de Dieu. Nous sommes si pauvres sans lui.
Et... celui qui demande reçoit. Pas toujours ce qu'il demande - c'est vrai -, mais toujours quelque chose de plus grand que ce qu'il demande !

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