samedi 14 novembre 2015

Fin d'un monde - Fin du monde !

33e Dimanche du T.O. 15/B 

Voici l’automne : le ciel est souvent gris ; la terre, mouillée et froide. Les dernières feuilles des arbres tombent et pourrissent. Les jours raccourcissent. Et la déprime guette parfois ! Difficile de ne pas penser à la fin de 2015…, à la fin de notre vie..., à la fin du monde ! Et en cette fin d’année liturgique, les textes proposés touchent cette réalité essentielle inscrite dans la révélation : la fin d'un temps, la fin des temps et la venue glorieuse du Fils de Dieu ! Inséparablement !

Il y a là deux réalités que le croyant ne doit jamais séparer, me semble-t-il : la fin du monde et la fin d'un monde.

La fin du monde ! Cet événement, souvent décrit de façon catastrophique, n'est surtout que le fond du tableau de la venue définitive du Fils de Dieu. Aussi, il mérite quelque attention. Car c'est un fait : le monde passe et la terre n'est pas éternelle !
L'univers a eu un commencement, même si les savants discutent du scénario possible et probable.
Bien plus, dans cette histoire du cosmos, les astronomes arrivent à conjecturer l'âge approximatif de la terre.
Nous savons aussi, - même sans aucun cataclysme, extraterrestre ou provoqué par la bêtise des hommes -, que la terre cessera d'exister au moment, déjà estimable, de l'épuisement de l'énergie solaire.

Mais, sans aller aussi loin, n'assistons-nous pas régulièrement à la fin d’un monde tel que nous le connaissions ou que d'autres ont connu ? Pensons à l'extinction de tant de civilisations…, à la transformation radicale de certaines façons de vivre disparues ou en train de disparaître, comme le monde de nos grands-parents, arrières grands-parents... ! Mais, avec toujours l'émergence, chaque fois, de “mondes” nouveaux... ! Toujours la fin d'un monde pour un nouveau monde !

Car les hommes, auxquels Dieu a laissé toute liberté de continuer sa création, ont ainsi le pouvoir de transformer le monde. Parfois, malheureusement, ils s'y prennent comme des apprentis sorciers, en gâchant, en dégradant cette terre qui leur est confiée. Le pape François l'a sérieusement rappelé dans sa magnifique encyclique "Laudato Si..." !

Aujourd'hui, devant les mutations climatiques, nous commençons à prendre au sérieux la déchirure de la couche d'ozone, les désastres provoqués par diverses pollutions. On s'inquiète des effets nocifs résultant de nos interventions sur la vie végétale, animale…, et, bien davantage, sur certaines interventions, pour ne pas dire les bricolages, effectués sur l’embryon, le génome humain.

Non, nous n'avons pas besoin des textes catastrophiques de la Bible pour nous faire peur. Ces constatations sont assez graves pour interpeller tout homme et toute femme lucide, soucieux de l'avenir de l'humanité, celle d'aujourd'hui et surtout celle de demain. Aucun croyant ne peut s'y soustraire. Certes, il y aura la "fin du monde" ; mais il y a aujourd'hui la "fin d'un monde" dont nous sommes en grande partie responsables ! Le pape y insiste fortement ! La "fin d'un monde" est-elle toujours pour un meilleur "monde nouveau" ? Certains événements dont l'homme est responsable pourraient nous permettre d'en douter parfois !

Et cependant "la fin d'un monde" n'est pas totalement indépendante de la fin du monde" !. Car n'est-il pas de notre pouvoir, n'est-il pas de notre devoir d'améliorer, d'humaniser ce monde afin de le préparer à sa métamorphose finale ? C'est là qu'est la deuxième et plus importante partie du message des textes d’aujourd’hui
Message d'espérance“Dès que les branches du figuier deviennent tendres et que sortent les feuilles, vous savez que l'été est proche...”. Cette parole de Jésus doit nous empêcher d'être des prophètes de malheur. Ces grincements, ces gémissements, ces tâtonnements plus ou moins ratés ou réussis sont des signes révélateurs. Ils sont, comme dit St Paul, les "douleurs d'enfantement d'un "monde nouveau" en train de naître"(Rm 8,19). Douleurs en vue d'une "indicible naissance", disaient les Anciens.

Douleurs…, certes ! Car il faut, de toute façon, quitter le passé, plus ou moins parfait, plus ou moins imparfait, quitter le présent connu, pour un lendemain inconnu. Mais à travers tous les soubresauts de l'histoire, de notre histoire, nous sommes surtout conviés à la foi et à l’espérance... Comme pour Abraham, notre Père dans la foi ; à travers les épreuves, il lui est dit : “Va ! Vers le pays que je te montrerai” - “Va pour toi !", pour ton bonheur ! A travers heurs et malheurs, il s'agit d’un profit, d’un bonheur pour l’homme ! 
Et cette espérance est fondée, pour nous chrétiens, sur Jésus Christ. Sur Jésus dont nous faisons mémoire. Il est de chez nous : fils d’homme ! Mais il est aussi Fils de Dieu, Fils de Dieu Sauveur, c’est-à-dire, si je puis dire, toujours “en travail” d’humanité, de cette humanité voulue par Dieu dès le matin de la création ! Il est là ! Il reviendra, a-t-il dit, en sa gloire ! Il viendra tout illuminer de la beauté créatrice et toujours rédemptrice de Dieu. Sa victoire sera nôtre !
Avec le Christ ressuscité qui nous rassemble, c'est donc dans l'aujourd'hui - notre aujourd'hui parfois mouvementé - que déjà se réalise lentement, laborieusement, ce monde divin auquel nous sommes conviés. C’est dire l'importance de nos tâches humaines, qu'elles soient familiales, sociales, politiques ou culturelles. Par elles, se prépare déjà, grâce au dynamique de résurrection que le Christ nous a donné, grâce à l'action de l'Esprit qu’il nous envoie, que se prépare ce "monde nouveau" qui n'est pas un autre monde, mais notre monde “devenu autre”, ce monde divin, ce monde auquel il nous invite à participer à son éclosion.

Jésus ne donne ni indication d'heure ni de date pour situer cet avènement final et glorieux : “seul le Père le sait”, dit-il discrètement. Mais finalement l'heure du passage dans ce “monde de Dieu", dans ce monde - notre monde - "devenu autre”, n'est-elle pas, dans un premier temps, personnelle à chacun, à chacune d'entre nous ? Car c’est toujours dans l’aujourd’hui que commence, pour chacun, sa propre résurrection.
Mais celle-ci ne sera totale qu'à la fin des temps lorsque nous serons en compagnie de tous nos frères et sœurs, et aussi, je pense, en fusion avec tout le cosmos avec lequel nous “faisons corps”. Le Christ - Dieu fait homme -, le Christ - ressuscité -, ce même Christ désire s'incorporer à nous, se faire "tout en tous" (Col 3.11), pour que "Dieu soit tout en tous" (I Co. 15.28) !

Autrement dit, aujourd’hui, en ce dimanche d’automne, l’heure du passage à la "fin d'un monde" qui nous achemine à la "fin du monde", c’est maintenant :
- Voici l’heure de la fidélité : je garde foi en Jésus Christ ; les yeux fixés sur lui, j’entre dans sa vie de plus en plus…, en plénitude !
- Voici l’heure de l’espérance : il faut avancer les yeux fixés sur Jésus ; Jésus crucifié aujourd’hui dans son corps d’humanité, comme hier en son corps physique. Mais aussi, Jésus vainqueur, vivant dans la gloire du Père…
- Voici l’heure du témoignage : Nous sommes membres d’une église, “Peuple en marche”. Peuple immense dont les premiers membres sont arrivés au terme. Peuple immense qui avance lentement, douloureusement parfois, mais sûrement vers la gloire du Christ ressuscité !

Cela est poétiquement et magnifiquement exprimé par une croyante de notre temps (Gertrude von Le Fort) :
“Quand les âmes les plus solitaires viendront à la lumière
et que seront lavées toutes fautes et jusqu'à celles que nous ignorions,
alors le Seigneur relèvera ma tête.
Et je resterai là comme un miroir dépouillant à la face des mondes ;
les astres reconnaîtront en moi ce qu'il y a en eux d'éternel,
les âmes reconnaîtront en moi ce qu'il y a en elles de divin.
Et Dieu reconnaîtra en moi son amour... !”. (Hymnes à l'Église, Tournai, Casterman, 1952).

Oui "Dieu sera tout en tous !"

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