33e Semaine
T.O. 2015 - Vendredi
La lecture souligne avec détails l'importance du
culte que l'on doit rendre au Seigneur dans l'action de grâce, alors que
Jésus, dans l'évangile, critique, à la suite des prophètes, les manières
cultuelles du Temple !
Les prophètes ont souvent été des hommes
critiques, de "démolition", si je dire : le jour où sera abattu
l'"arbre" (dynastie royale et temple tout
à la fois), alors le Seigneur fera pousser un surgeon de la tige de
Jessé, l'ancêtre. Lui seul produira l'amour de Dieu, la justice, le bon
droit... Avec les prophètes, on est souvent
en pleine utopie révolutionnaire : il faut que le Seigneur démolisse tout pour tout
reconstruire dans la sainteté... !
Les prêtres, au contraire, estimaient
fondamentales les institutions, quitte à les réformer de temps en temps quand
les contestations sont trop fortes à leur égard. Les institutions - liturgiques
surtout - doivent exister pour entretenir la relation d'Alliance entre Israël et
son Dieu !
Je dis cela pour comprendre la rigueur de Notre
Seigneur : "Ma maison sera une
maison de prière et vous en avez fait un repaire de brigands !"
Que veut dire Jésus ? L'expression "repaire
de brigands" vient du prophète révolutionnaire Jérémie. En son
temps, des brigands faisaient des razzias, détroussant les voyageurs... ! Ensuite,
ils allaient jouir bien tranquillement de leurs rapines dans les profondes
gorges des monts de Juda, lieux très difficiles d'accès pour la police de
l'époque..., avant de refaire surface pour de nouvelles sorties scélérates.
Et Jérémie de faire une comparaison vigoureuse
: "Quoi, dit-il au nom de Dieu, voler, tuer, se parjurer etc... ; et puis
venir en ce temple en criant : "Temple de Dieu ! Temple de Dieu !". Quelle
audace ! En ce temple, vous vous croyez en sécurité comme les brigands en leurs
repaires pour mieux continuer ensuite toutes vos abominations ! A vos yeux,
est-ce un repaire de brigands, ce temple qui porte mon nom ?" (Cf. 7.3sv).
Et Jérémie d'accuser : on donne foi et
confiance à quelque chose de visible, une construction faite par d'homme, au
lieu de s'adresser au Dieu invisible qui seul est Saint, qui seul peut sanctifier,
conduire l'homme avec droiture. - Autrement dit, il est bon de venir à l'église,
d'y allumer un cierge, d'y remplir tous ses "devoirs religieux"..., avec
baptême, mariage, sépulture..., etc. Mais tout cela, dirait Jérémie, n'est pas
une "assurance-tout-risque", une "assurance-vie" ! Ces
pratiques sont nulles, si elles ne sont pas accompagnées d'une profonde démarche
vers Dieu, le trois fois Saint ! "A
vos yeux, est-ce un repaire de brigands, ce temple qui porte mon nom ?".
De plus, en une circonstance précise, Jérémie enfonce
le clou : Parce que l'Assyrie devient menaçante, alors, appréhendant une
invasion étrangère (comme des brigands appréhendant
la police), vous interprétez cette éventualité comme une menace de Dieu
qui pèse sur vous, mauvais que vous êtes ! Et vous venez au temple comme pour désamorcer
la colère divine. Vous accourrez au temple, disant : "Le Seigneur est avec nous !". Et ainsi vous prenez ce
temple comme un paratonnerre pour que les nuages de la colère divine puissent
se délester régulièrement grâce à vos pratiques cultuelles. Et Jérémie de
proclamer haut et fort : Vous vous trompez ! Vous n'êtes que des brigands sous
vos gestes cultuels !
Pourtant ce prophète révolutionnaire ne renie
pas totalement le temple. Oui, "le temple de Dieu" existe bien,
dit-il ; mais seulement si vous vous conduisez selon la justice, selon les lois
du Seigneur (décalogue). Le temple ne sera
pas alors une hypocrisie, Dieu souhaitant surtout résider "au milieu de son peuple". - Peut-être que pour
Jérémie, déjà, le vrai "temple du Seigneur", c'est autant "le
peuple de Dieu" que "le temple de pierres". Mais "le
temple de pierres" peut parfois être un dangereux alibi pour ne pas
prendre au sérieux ce vrai "temple de Dieu" qu'est le peuple
lui-même.
C'est à cette ambiguïté du temple que pensait Jésus
lorsqu'il disait : "Détruisez ce
temple ; je le rebâtirai en trois jours !". C'est le Corps du
Christ qui deviendra alors véritable "temple de Dieu". Et c'est en devenant
membres du Corps du Christ que nous entrons dans le vrai temple de Dieu.
Remarquons encore que Jésus utilise l'expression de
Jérémie, mais dans un contexte moins fort et un peu différent. Il veut
dire qu'il ne faut surtout pas que le commerce mercantile se mêle au culte, le
temple étant lieu de prière et non de commerce. -
C'est qu'en son temps, il y avait le commerce des
"vétérinaires sacrés" qui contrôlaient la pureté des bêtes pour les
sacrifices. Source de profit. Et puis, on ne pouvait introduire dans le temple de
la monnaie étrangère, païenne. Il fallait donc des "changeurs". Autre
profit lucratif ! Ainsi donc double surévaluation économique au cour du marché
animal ! Et Jésus vitupère : "Ne faites
pas de la maison de prière un repaire de brigands !".
Aujourd'hui encore, il a parmi nous des "prophètes"
qui proclameront un idéal religieux très élevé, sans "besoin
logistique", matériel pour exprimer leur foi. Et il y a toujours aussi des
croyants qui aiment s'appuyer sur des institutions, des rites pour exprimer
cette même foi.
N'en soyons pas étonnés. Peut-être faut-il les deux
tendances pour que le plus grand nombre, parmi nous, puisse sans cesse s'ajuster
à Dieu avant le face-à-face éternel qui nous fera "semblables à Dieu", dit St Jean.
En tous les cas, que Jérémie et Jésus lui-même nous
aident à faire de notre culte ni un alibi à nos mauvaises conduites, ni un
prétexte de mercantilisme. Ayons toujours à l'esprit cette précision de la
lettre aux Hébreux : "En entrant dans
le monde, le Christ a dit : De sacrifices et d'offrandes, tu n'en as pas
voulu... Alors j'ai dit : Me voici, ô Dieu, pour faire ta volonté !"
(Heb. 10.5sv).
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire