vendredi 20 novembre 2015

Temple de Dieu !

33e Semaine T.O. 2015 - Vendredi 

La lecture souligne avec détails l'importance du culte que l'on doit rendre au Seigneur dans l'action de grâce, alors que Jésus, dans l'évangile, critique, à la suite des prophètes, les manières cultuelles du Temple !

Les prophètes ont souvent été des hommes critiques, de "démolition", si je dire : le jour où sera abattu l'"arbre" (dynastie royale et temple tout à la fois), alors le Seigneur fera pousser un surgeon de la tige de Jessé, l'ancêtre. Lui seul produira l'amour de Dieu, la justice, le bon droit...  Avec les prophètes, on est souvent en pleine utopie révolutionnaire : il faut que le Seigneur démolisse tout pour tout reconstruire dans la sainteté... !
Les prêtres, au contraire, estimaient fondamentales les institutions, quitte à les réformer de temps en temps quand les contestations sont trop fortes à leur égard. Les institutions - liturgiques surtout - doivent exister pour entretenir la relation d'Alliance entre Israël et son Dieu !

Je dis cela pour comprendre la rigueur de Notre Seigneur : "Ma maison sera une maison de prière et vous en avez fait un repaire de brigands !"
Que veut dire Jésus ? L'expression "repaire de brigands" vient du prophète révolutionnaire Jérémie. En son temps, des brigands faisaient des razzias, détroussant les voyageurs... ! Ensuite, ils allaient jouir bien tranquillement de leurs rapines dans les profondes gorges des monts de Juda, lieux très difficiles d'accès pour la police de l'époque..., avant de refaire surface pour de nouvelles sorties scélérates.

Et Jérémie de faire une comparaison vigoureuse : "Quoi, dit-il au nom de Dieu, voler, tuer, se parjurer etc... ; et puis venir en ce temple en criant : "Temple de Dieu ! Temple de Dieu !". Quelle audace ! En ce temple, vous vous croyez en sécurité comme les brigands en leurs repaires pour mieux continuer ensuite toutes vos abominations ! A vos yeux, est-ce un repaire de brigands, ce temple qui porte mon nom ?" (Cf. 7.3sv).
Et Jérémie d'accuser : on donne foi et confiance à quelque chose de visible, une construction faite par d'homme, au lieu de s'adresser au Dieu invisible qui seul est Saint, qui seul peut sanctifier, conduire l'homme avec droiture. - Autrement dit, il est bon de venir à l'église, d'y allumer un cierge, d'y remplir tous ses "devoirs religieux"..., avec baptême, mariage, sépulture..., etc. Mais tout cela, dirait Jérémie, n'est pas une "assurance-tout-risque", une "assurance-vie" ! Ces pratiques sont nulles, si elles ne sont pas accompagnées d'une profonde démarche vers Dieu, le trois fois Saint ! "A vos yeux, est-ce un repaire de brigands, ce temple qui porte mon nom ?".

De plus, en une circonstance précise, Jérémie enfonce le clou : Parce que l'Assyrie devient menaçante, alors, appréhendant une invasion étrangère (comme des brigands appréhendant la police), vous interprétez cette éventualité comme une menace de Dieu qui pèse sur vous, mauvais que vous êtes ! Et vous venez au temple comme pour désamorcer la colère divine. Vous accourrez au temple, disant : "Le Seigneur est avec nous !". Et ainsi vous prenez ce temple comme un paratonnerre pour que les nuages de la colère divine puissent se délester régulièrement grâce à vos pratiques cultuelles. Et Jérémie de proclamer haut et fort : Vous vous trompez ! Vous n'êtes que des brigands sous vos gestes cultuels !

Pourtant ce prophète révolutionnaire ne renie pas totalement le temple. Oui, "le temple de Dieu" existe bien, dit-il ; mais seulement si vous vous conduisez selon la justice, selon les lois du Seigneur (décalogue). Le temple ne sera pas alors une hypocrisie, Dieu souhaitant surtout résider "au milieu de son peuple". - Peut-être que pour Jérémie, déjà, le vrai "temple du Seigneur", c'est autant "le peuple de Dieu" que "le temple de pierres". Mais "le temple de pierres" peut parfois être un dangereux alibi pour ne pas prendre au sérieux ce vrai "temple de Dieu" qu'est le peuple lui-même.

C'est à cette ambiguïté du temple que pensait Jésus lorsqu'il disait : "Détruisez ce temple ; je le rebâtirai en trois jours !". C'est le Corps du Christ qui deviendra alors véritable "temple de Dieu". Et c'est en devenant membres du Corps du Christ que nous entrons dans le vrai temple de Dieu.

Remarquons encore que Jésus utilise l'expression de Jérémie, mais dans un contexte moins fort et un peu différent. Il veut dire qu'il ne faut surtout pas que le commerce mercantile se mêle au culte, le temple étant lieu de prière et non de commerce. -
C'est qu'en son temps, il y avait le commerce des "vétérinaires sacrés" qui contrôlaient la pureté des bêtes pour les sacrifices. Source de profit. Et puis, on ne pouvait introduire dans le temple de la monnaie étrangère, païenne. Il fallait donc des "changeurs". Autre profit lucratif ! Ainsi donc double surévaluation économique au cour du marché animal ! Et Jésus vitupère : "Ne faites pas de la maison de prière un repaire de brigands !".

Aujourd'hui encore, il a parmi nous des "prophètes" qui proclameront un idéal religieux très élevé, sans "besoin logistique", matériel pour exprimer leur foi. Et il y a toujours aussi des croyants qui aiment s'appuyer sur des institutions, des rites pour exprimer cette même foi.
N'en soyons pas étonnés. Peut-être faut-il les deux tendances pour que le plus grand nombre, parmi nous, puisse sans cesse s'ajuster à Dieu avant le face-à-face éternel qui nous fera "semblables à Dieu", dit St Jean.

En tous les cas, que Jérémie et Jésus lui-même nous aident à faire de notre culte ni un alibi à nos mauvaises conduites, ni un prétexte de mercantilisme. Ayons toujours à l'esprit cette précision de la lettre aux Hébreux : "En entrant dans le monde, le Christ a dit : De sacrifices et d'offrandes, tu n'en as pas voulu... Alors j'ai dit : Me voici, ô Dieu, pour faire ta volonté !" (Heb. 10.5sv).

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