Vendredi
après Pâques 2015 -
L’Octave de Pâques - disons, comme le fait la
liturgie pour toute notre semaine, l’Aujourd’hui de Pâques -, se termine
!
On dirait que l’Evangile que nous venons d’entendre
a été choisi, justement, pour nous préparer, après de grandioses festivités, à reprendre
la vie ordinaire, mais sans pour autant quitter la présence permanente
et réelle du Christ ressuscité. - "Je m’en vais à la pêche",
dit St Pierre. Après le sublime mystère pascal, il va reprendre la banalité de
son métier !
On peut s’étonner de trouver, parmi les compagnons
qui s’embarquent avec lui, Nathanaël. Si l'on apprend, ici, qu’il est de
Cana en Galilée, situé géographiquement pas très loin du lac de Tibériade, on
sait qu'il n'était pas un pêcheur comme les fils de Zébédée, les associés de
Pierre.
On s'en souvient : Nathanël apparaît lors des premières
rencontres avec Jésus. Certains pensent que St Jean voit en lui le type du
théologien. Il est amené à Jésus par son ami Philippe de Bethsaïde qui lui
parle de Jésus de Nazareth comme du Messie annoncé. Mais son savoir orgueilleux
des Ecritures refuse cette éventualité. Aussi Jésus l'interpelle : "Quand
tu étais sous le figuier, je t'ai vu...". On sait que le figuier, à cause
de ses feuilles très rafraîchissantes, était, surtout en été, le lieu privilégié
des docteurs de la Loi pour s'entretenir tranquillement de questions
religieuses. Ainsi Nathanaël était sans doute l'un deux, un bon
"théologien" en quelque sorte !
Et Jésus,
passant outre sur sa suffisance, lui donne une mission : "Vous verrez
le ciel ouvert et les anges de Dieu monter et descendre au-dessus du Fils de
l'homme". (Jn 1,45). Autrement
dit, Nathanaël est appelé, comme son ancêtre Jacob auquel Jésus fait allusion,
a voir l'échelle de Dieu partout plantée : pas seulement à Béthel ou même
à Jérusalem, mais dans le pointillé de l'existence pour découvrir une divine
signification aux choses et aux événements même les plus banals !
On sait
que St Jean aime cette recherche : une noce, à Cana d'où était originaire Nathanaël, c'est banal ; c'est
la vie tout simplement ! Oui, mais des noces, quand on regarde l'échelle de
Jacob, deviennent signes des "noces de l'Alllance" avec Dieu. Noces
qui seront consommées au jour où il ne sera plus question de verser du vin,
mais de répandre le "sang de la grappe", de la vigne qu'est le Christ
lui-même... en vue de la nouvelle et éternelle Alliance avec Dieu !
Voici
le "banal" élevé au "sublime" ! Voir dans l'humain le divin ! Voir
toujours, en toute circonstance, la présence du Ressuscité - Dieu fait homme -
! On part d'évènements très banals - une noce, une pèche - Mais, avec l'échelle
de Jacob, une fois qu'elle est bien plantée en terre, tout événement nous élève
très haut ; et l'on voit mieux les anges monter et descendre entre ciel et
terre... !
C'est peut-être
la raison de la présence de ce théologien, Nathanaël, dans la barque du simple
pêcheur, Pierre. Il nous rappelle que le "banal" est également
"sublime". D'ailleurs, on devrait se méfier de tout
"sublime" qui n'est pas "banal". Les deux sont inextricablement
mêlés depuis que Dieu s'est fait homme. Dieu s'infiltre dans notre vie de façon
extrêmement "banale" et "sublime" tout à la fois !
On recherche
souvent le "merveilleux" ! Et pourtant, les récits de la résurrection
du Christ - évènement le plus extraordinaire qui soit - sont,
intentionnellement, d'une étrange sobriété. Si on avait voulu les inventer, on
aurait certainement fait de la "mythologie" ! Dans la plupart des
récits, la rencontre avec le Ressuscité se fait de façon absolument banale.
Comme sur la route d'Emmaüs, comme en cet événement de la pêche miraculeuse.
C'est
pourquoi, il nous est bon de prier Nathanaël qui est dans la barque de
Pierre : il nous aidera à voir, comme son ancêtre Jacob, à voir l'échelle
de Dieu toujours bien plantée en terre, en tout événement, en toute
circonstance, afin de mieux nous faire vivre de la présence divine en tout
moment humain, de nous faire monter vers Dieu... avec le Ressuscité !
Ainsi, il nous faut toujours passer de la grande
festivité pascale à la vie tout ordinaire où la présence du Christ, réelle
et permanente, n’est pas toujours immédiatement perceptible. Car il est bon de
constater encore la présence de Thomas dans la barque de Pierre ! Ce
Thomas, le "questionneur" ! Il fait, lui aussi, partie de la
bande qui s’embarque, comme pour nous accompagner dans nos interrogations sur
la présence réelle et permanente du Christ ressuscité, et nous faire percevoir,
finalement, la vérité de l'affirmation de Notre Seigneur : "Et voici
que je suis avec vous, pour toujours jusqu’à la fin du monde". (Mt 28,20).
En toute circonstance !
Mais, comme sur la route d’Emmaüs, comme dans le
jardin où Marie Madeleine croit rencontrer un jardinier, la présence de Jésus
est si discrète qu’on risque de l’oublier.
Remarquons encore ici, qu'après une nuit de pêche
infructueuse, le premier à reconnaître Jésus est le disciple bien aimé. "Alors
le disciple que Jésus aimait dit à Pierre ; c’est le Seigneur !".
(Jn 21,7). C’est toujours lui qui va le
plus vite, mais qui s'efface devant Pierre. Il est bon de le souligner !
Pourtant il semble que les pêcheurs, quand ils
débarquent, n'ont pas encore reconnu vraiment l'identité mystérieuse de celui
qui se tient sur le rivage. On remarque simplement qu’il a préparé un déjeuner
: "en débarquant sur le rivage, ils voient un feu de braise avec du
poisson posé dessus, et du pain". Situation curieuse apparemment ! Mais les disciples, avant même de
manifester un étonnement, s'activent "banalement" à ramener le
filet d'une pêche pourtant "sublime" !
Et St Jean de remarquer qu'il y avait 153 gros
poissons dans le filet qu’on amène et qui ne se déchire pas.
Il y a mille et mille interprétations de ce chiffre
153, ne serait-ce que par St Augustin qui se montre parfois quelque peu
pythagoricien... Je retiens pour ma part cette explication : Des connaisseurs
disent, à la suite de St Jérôme, que d’après les naturalistes de l’Antiquité,
il y avait 153 espèces de poissons connus.
Là encore, St Jean veut nous faire passer du
"banal" au "sublime" ! Rappelons-nous que les pêcheurs
du lac vont recevoir la mission de devenir pêcheurs d’hommes dans le monde
entier. Jésus leur dira : "Tout pouvoir m'a été donné au ciel et
sur la terre. Allez donc, de toutes les nations faites des disciples, les
baptisant au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit, et leur apprenant à
observer tout ce que je vous ai prescrit. Et voici que je suis avec vous pour toujours
jusqu'à la fin du monde". (Mt 28,18)
Remarquons enfin que, comme sur la route d’Emmaüs,
on ne reconnaît vraiment Jésus qu’à la fraction du pain. Geste très
"banal", là encore, mais si "sublime" puisqu'il
nous donne toujours la présence du Ressuscité !
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